Fragments 14

131. Qu’il y a eu de temps où je n’étais pas ! Qu’il y en a où je ne serai point ! Dans l’entre-temps, je ne jouis des moments de cette vie que dans le passage, car je suis entré dans la vie avec la loi d’en sortir. Je manquerai au temps, non pas le temps à moi.


(Bossuet)





132. Une image jamais vue se décolle du monde.


(Daniel Boulanger)





133. Il se promenait à Strasbouri s’installait aux terrasses des kafés où noir sur blanc il se développait (racinage s’allongeant sous les pavés) il n’en pouvait plus & les cheveux s’envolèrent jusqu’au ciel blanc qui s’ourdira d’orangé vaguement citronné saumon lilas couleur thé !...


(Jean-Paul Klee)





134. C’est un triste dimanche, sans cloches, ni soleil, ni jupes claires. Le ciel couleur d’étain pleure de temps en temps – comme s’il se souvenait. Il pleure une petite pluie acide et froide, qui a goût de citronnade éventée.


(Paul-Jean Toulet)




135. Nous qui mourrons peut-être un jour, disons l’homme immortel au foyer de l’instant.


(Saint-John Perse)




136. cruchette de bleu, tu sautilles légère au-dessus de nous, et nous, nous dormons... (ein Krüglein Bläue, so hüpfest du leicht über uns, und wir schlafen…)

(Paul Celan)




137. Et puis Bébert, autre innocent, mon chat... Vous direz un chat c'est une peau ! Pas du tout ! Un chat, c'est l'ensorcellement même, le tact en ondes... c'est tout en " brrrt ", " brrrt " de paroles...


(L-F Céline)




138. On rit, on se baise, on déjeune... Le soir tombe : on n’est plus très jeune.


(Paul-Jean Toulet)





139. Je suis dans la pleine efflorescence de l’heure défleurie et met une gemme de côté pour un oiseau tardif : il porte le flocon de neige sur la plume rouge vie ; le grain de glace dans le bec, il arrive par l’été.


(Paul Celan)




140. Voix, rayure gravées sur la face verte de l’eau. Quand le martin-pêcheur plonge, La seconde grésille


(Paul Celan)