351. La princesse
La princesse adore s’allonger le visage contre le plancher.Le plancher sent la poudre, la cire et on ne sait quoi. Dans les fentes la princesse cache ses trésors et une perle rouge,un fil d’argent et quelque chose que je ne peux pas dire, parceque j’ai juré.
Zbigniew Herbert
(Księżniczka
Księżniczka najbardziej lubi leżeć twarzą do podłogi.Podłoga pachnie prochem, woskiem i nie wiadomo – czym. W szparach księżniczka ukrywa swoje skarby i czerwony koralik, srebrny drucik i jeszcze coś, o czym nie mogę powiedzieć, bopoprzysiągłem.)
352.
tondre l’herbe rosedont se nourrissent les goyaviersde mon enfance,et celle orange que sirote le vieux manguierde ma naissance, faire brasier des jujubes et carambolesdes surettes fluo, gommer avec l’index le sang blanchâtredes pommes cannelle,là où l’ombre donne l’heure des pays de sucre et de sèves, faire un pas de plusdans l’oubli,
Paul Poule
353 – Chanson grave
Passez loin de l’horlogeelle mord elle mordPassez loin de l’horloge y habite la mort
Les aiguilles qui tournentgraveront vos soucisles aiguilles qui tournentgraveront vos ennuis
Sur tous ces beaux visagesqui sourient sans savoirsur tous ces beaux visagesse grave un désespoir
Passez loin de l’horlogeelle mord elle mordpassez loin de l’horlogey habite la mort
Raymond Queneau
354 - Be Bop, Dizzy Gillespie
Vite vite le furet flash d’aveugle à toute blinde le casse d’éclairs la relance des soleils des cris des lueurs cascades à l’envers bonds fluides zébrant l’éther à coups de fouets vite les salves d’or la glisse au zénith dressé sur le jet le jet d’aigu qui sidère flèche immobile du temps
Ludovic Janvier
355 – Mémoire d’hiver
Reviens Anne, ma sœur Anne,quand tous les morts sont partis, à l’épicerie d’enfanceoù du plancher pointaient les pains de sucreen stalagmites de papiers bleus,où j’achetais les cornets surpriseset la bague en fer blanc.Ma mère avait de noirs cheveux.Je me souviens de la grappe de brouillard :L’haleine de deux chevauxqui stationnaient toujours dans la ruelletels des moines en prière.Tu as vu ? leur peau qui trembleles yeux plus vastes que des prunes bleues,ils cherchent contre les mursle foin de nos rêves d’hiver.La petite épicerie ne vend plus que le silenceet l’errance,un savon et une âme. Voici la fumée qui frissonneet la vitrine gelée.L’instant va venirpour moi d’être pesé avec de minces poids de cuivreet de filer par l’épuisette.Vite ! la clochette de la porte tintecomme un prêtre qui passe :- Dix sous d’éternité ?
Maurice Chappaz
356. retouche au Paradis
le soir de verveine et d’estampes loin du vacarme et disparate s’enrubanne d’une sonate
des îles naissent sous les lampes
Daniel Boulanger
357.Versailles
L’air est tiède. Un soleil joyeux joue à travers Les vieux ormes touffus, et, la tête inclinée La déesse regarde à ses seins découverts Une dentelle d’or et d’ombre promenée.
Sur son épaule nue ont pleuré tant d’hivers Que par endroits sa pierre en est tout écornée, Sa cuisse lutte en vain contre une herbe obstinée Sa guirlande effondrée emplit les gazons verts.
Mais les fleurs, que le vent mêle à sa chevelure, Le bruit des nids, le frais parfum de la ramure, Le soleil, la chanson de l’eau sur les graviers.
Tout s’emploie à lui faire oublier son dommage Et, comme pour lui rendre un plus sensible hommage, Deux pigeons amoureux se baisent à ses pieds.
Ernest Raynaud
358 – Rinçures pour A.R.
Une rivière verte lente basse et jauneoù le frêle bateau défait de ses amarresivre de liberté se crut sur l’Amazonetelle est la Meuse. Et celle ville grise autourn’a pas de port. Et cette âme n’a pas de havreà Charleville. Elle s’est posée sur la mer.
Jacques Temple
359 – J’ai bien le temps
J’ai un peu de souffle et peu de force et moins d’élanMais je ne me presse plus J’ai bien le temps d’attendreDepuis qu’il se fait tard j’ai du temps devant moiJe suis comme celui qui a fait sa journéeEt réfléchit assis les mains à plat sur les genouxaux choses qu’il veut faire et fera en leur temps
si la source du temps lui compte encore des jours
Claude Roy
360.
Devant les bois, les blés j'étais béat benêt :Je lisais ce qui ne se lit pas :Les nuages, les vents, les rochers, les ébatsDe la lune dans les bois.Et le ciel avec son grand étang courbéOù le soleil tout le jour accroît son caillou,Onde par onde, et le déferlement changeantDes nuages disposaient de moi.Les arbres tournaient lentement en moiLeurs pages tantôt bruyantes, tantôt muettes,Tantôt épaisses et jaunies, les saisonsMe donnaient des leçons.
Armand Robin