Collection de poèmes 011

111 – Douceur la pluie pluralise pays fous et paysages une lune lasse et lie le cœur compassé des lilas Dieux est vieux - où sont (oiseau-bleu de mauvais temps) mes pluviers dorés d’islande Jean-Paul Klée



112 - Sensation
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds,Je laisserai le vent baigner ma tête nue. Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :Mais l’amour infini me montera dans l’âme,Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,Par la Nature, - heureux comme avec une femme. Arthur Rimbaud





113 Ne laisse pas la nuit reprendre aux pierres leurs songes, dis-lui que sous les étoilesd’imperceptibles savoirspeuvent la sauver, peut-être suffit-ild’observer la fillettepenchée sur les reines-des-présqui viennent de fleurir et se sont invitéesdans le jardin, entre tilleul et phlox. Richard Rognet


114 – A bas bruit A bas bruit la très discrètemais tenace ronge-tempsverse son sablier lentau plus creux de tes retraites De tes pieds jusqu’à la têteelle mène posémentaux roues routes du sangsa fine marche muette Elle te va concéderl’odeur des nèfles mouillésles soleils et leurs fracas Et la lourde Automne roussejusqu’à l’heure où sa main doucetranquille t’effacera Henri Bellaunay (Pastiche de Jacques Roubaud)




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Les chapeaux claques de la luneJ’ai des prismes dans mon goussetEt dans ma poche revolverDes paillettes de l’autre hiver
Il y a quelque part une terre opportuneMais je ne sais plus guère aujourd’hui où elle est
Les mantelets noirs de l’abeilleJ’ai des galops dans mon goussetEt dans ma poche revolverLes cornes du diable vauvert
Il y a quelque part une terre aux merveillesMais je ne sais plus guère aujourd’hui où elle est
L’amarante des fleurs défuntesJ’ai des îles dans mon goussetEt dans ma poche revolverLes draps blancs d’un lit grand ouvert
Il y a quelque part un chemin qu’on emprunteMais je ne sais plus guère aujourd’hui où il est

Louis Calaferte


116 - L’ampleur du désastre ces soirs de saudadeoù je partais à la conquête de l’ombredes trous à la place des motscomme ça caravansérail boulingrin asparagus patchouli moucharabieh escogriffe taffetas vendémiaire sortis d’une armoire à éthersou de mots croisés de force quatrela nostalgie en stick camisole heureuse exigez les petites pilule carterbrillantine roja une chanson de patrice et mariola famille duranton signé furaxla collection complète de bob moranepschitt orange pour toi mon angeje m’en gargarisais jusqu’à l’aubesurtout n’emportez pas la cléattendons qu’infuse l’éternité Patrice Delbourg





117 - Singulier Passé ces trois mots elle ne dit plus rienElle mange à sa faim et plusHaute est l’estime de ses draps Nomade elle s’endort allongée sur ma boucheVolume d’éther comme une passionDélire à midi à minuit elle est fécondée dans le coma de l’amour arbitraireLa pièce de prédilection de l’oxygène. René Char

118 - Sonnet Rêver, presque dormir. Dormir des paysages,Peindre avec du sommeil de très lourds horizonsOù ne surgi jamais ni souliers, ni maisons,Mais seulement parfois d’impalpables visages. Peindre rien, presque rien, en tous subtils et doux.Ne se frôler les yeux qu’avec des robes d’âmes,Ne pas troubler de bruit ces visions de femmesQui rôdent longuement dans l’intime de nous. Chanter, chanter très bas la chanson irréelle.Souffler le dessin net et la touche cruelle,Copier le non-être avec soin et très bien. Au bas d’un brouillard flou mettre sa patarafe.Par impuissance, hélas !... n’être rien, presque rien.N’être rien !... mais surtout n’être pas photographe ! Georges Lorin




119 - Sonnet du chat Le chat lutte avec une abeilleautour de sa fourrureje vois l’azur et ses merveillesun arbre, une mâture, la mer apporte à mon oreillele bruit des aventuresque nous vivrons si tu t’éveillestémérité future. Je me consacre aux vertes îles,favorables au sagequi sait trouver un dieu tranquille entre palme et rivage.Le chat s’en va, brillant et beau,Pour guetter les oiseaux. Henri Thomas

120 et cette lévitation d’ombres-voyellesfredonnant dans la bouche du silence n’est quesomnolence de ta solitudequi trempe tous les pores de l’air sans doute aurais-tu préféré ne pas et il aurait peut-être mieux valu queplutôt juste comme siattendant d’avoir étésans pour autant le Dinu Flamand