Collection de poèmes 006

61 - Retouche à l’immensité
Le paysage se rétrécit Jusqu’à deux lignes - soleil diabolo – puis à la frontière de deux plans gris une voix d’homme demande à se souvenir.
Daniel Boulanger





62 - L’'impossible Manger de la belle amour Faire boiter Poséidon Rythmer les battements nocturnes du silence Nous continuerons bien sûr De faire l’impossible Avant de nous évaporer comme L’odeur du seringua Jean Rousselot

63

Ce qui vientnous rive àce qui va tout est passagel’à picet la vague roulée et le regard qui ramène la rondeterre en tête en son deboutde rude raceest le corps qui va au tempsparmi les mortsdont il descend Bernard Noël




64
le jour où nous dormirons à l’ombrede vos ailes et que notre voix vous parlerad’entre les aulnes de l’enfancecomme jadis et les eaux faisaient un bruitd’oiseaux – l’ombre n’était pas notre ennemieà peine si nous connaissions les routes où nos pas chancelleraient en hiver
Roger Kowalski






65 - Je sors de mon appartement somptueux

l’hiver nous dévore cigarette en poudre d’or le bonjour de joconde dit bonjour à tout le monde la fatigue des animaux sonne sur les sacs de sel et de papillons d’air et de douleur mais la lumière carnivore et le bonjour de joconde il fait froid il fait froid disent toujours bonjour à tout le monde on se balance les yeux ouverts sur la corde en équilibre les yeux ouverts dansent sur la pointe des pieds il fait froid dans la bouteille de la voix fermée il fait froid lourd sur la route et le vent pousse la lumière sur la route c’est un bonjour de joconde qui siffle tout le long de la route comme les autres autos vélos aéros motos sur la route l’hiver nous dévore nous les bouts d’or des cigarettes en poudre d’or les gens distingués

Tristan Tzara



66 - Jardin oublié L’espace doux entre verveines entre pensées entre reines- marguerites, entre bourdaines s’étend à l’abri des tuiles l’espace cru entre artichauts entre laitues entre poireaux entre pois entre haricots s’étend à l’abri du tilleul l’espace brut entre ortie entre lichens entre grimmies entre nostocs et funaries s’étend à l’abri des tessons en ce lieu compact et sûr se peut mener la vie obscure le temps est une rature et l’espace a tout effacé

Raymond Queneau






67


Q’un mystère sans réponse emplisse et imprègne ton chant Qu’il soit un vêtement chaud dans la sueur de ceux qui longtemps l’ont porté et qu’il parle du temps mais pas plus que les genêts dont les cosses s’éparpillent au soleil comme des pétards de fête Werner Lambersy


68
Je te prendrai avec moi Ah diérèse anniversaire Et le cri des mouettes vivez vivez Une vague comme-secrètement dans un chœur apaisé aimé réjoui conduis-moi vers la profonde crique du dernier été quand nous étions près des montagnes mauves Mathieu Bénézet


69 J’irai partout ailleurs l’hirondelle la fumée les roses tropicales c’est tout le matin ensemble je serai bien le jour dans cette moisissure d’or qui traîne dans toutes les capitales et le tapis usé les ascenseurs je n’ai plus d’imagination ni de souvenirs forcément je regarde finir le monde et naître mes désirs Marie Uguay




70 Les premiers fruits avancentavec précaution Ils ont la modestie des corpstrop vierges pour accueillirles allusions du temps. Les oiseaux affranchisdéposent des œufs rieursà l’aisselle des branches François Jacqmin