Collection de poèmes 004

41 - Dimanche


L’avion tisse les fils télégraphiqueset la source chante la même chansonAu rendez-vous des cochers l’apéritif est orangémais les mécaniciens des locomotives ont les yeux blancsla dame a perdu son sourire dans les bois

Philippe Soupault

42 - L’été

Il brille, le sauvage été,La poitrine pleine de roses ;Il brûle tout, hommes et choses,Dans sa placide cruauté.
Il met le désir effrontéSur les jeunes lèvres décloses ;Il brille, le sauvage été,La poitrine pleine de roses.
Roi superbe, il plane irritéDans les splendeurs d’apothéoses,Sur les horizons grandioses ;Fauve dans la blanche clarté,Il brille, le sauvage été.
Théodore de Banville



43 - retouche à l’été


des images à peau fine
fraîches et pleines de sucre
allaitent le silence
dans un paysage de vitres

Daniel Boulanger




44 - L’été d’octobre qui n’en finit pas

si clair son bleu que presque blancle pouls du ciel bat lentementLe soleil joue avec un nuage
Au frais de l’ombre bleu de nuitle dormeur à midi dans l’herbecoule au fond sans fin de l’été
Il n’y aura plus jamais d’hiver ?

Claude Roy




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Désir du désir jamais rassasié du corpsde l’autre comme d’un horizon qui s’éloigneà mesure Ici tout tremble
de volupté, danse qui de toite rapproche, rose de chair heureuse
respirée dépliéesous un plafond d’étoileset d’inquiétudes

Lionel ray




46 - Evadé d’archipel

Orion,Pigmenté d’infini et de soif terrestre,N’épointant plus sa flèche à la faucille ancienne,Les traits noircis par le fer calciné,Le pied toujours prompt à éviter la faille,Se plut avec nousEt resta.
Chuchotement parmi les étoiles.

René Char


47 - Feuilles, oiseaux, grillon

Un arbre de feuilles et de ris d’oiseauxa jailli à la frange du pré
Le temps est un grillonqui tisse la duréesur son petit violon
Dans la cloche du ciell’alouette chante en échoet le grillon dit oui
Alain Bosquet



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filtre la fleur passoire de clairièrela fraise tourne son œil gras à l’intérieur matelassé de lèvreset l’index du pistil touche l’incrédule plaie du cielsaccagé par les attaques nocturnes des loutresétendu auprès de nous où les louches équilibristes se laissent tomber dans le filetau saule sont accrochés les harnais de la tristesseque les longues journées d’automne ont graissées avec caresses de hamac

Tristan Tzara





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D’une éternité à l’autrele temps ne nous aura pas exclusde sa formidable patience il a jetéses tisons dans nos sommeilset nous a ouverts au plus ciel des jours


Roland Reutenauer

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le totem des animaux gonflants au levain se remplit et si la voie des oiseaux automobiles est dérangée alors le rustique mimi lai gu emi kumkum salem aikum gummi ara se tait et le bateau du désert se brisec’est pourquoi mes yeux couvent mes yeux dans le miroir sellez l’orguevissez les tuyaux du dernier souffle sur les maisonsdétachez les planches crécelles espagnoles fixez les cylindres de vent aux nuagesactionnez les sirènes à vapeur et les marteaux des forges dans vos prétendues profondeurs et jetez les ardoises couvertes d’écriture dans la flamme chantante du néant

Hans Arp