Les décisions judiciaires en matière de vente en viager (II)

Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 16 avril 1996 N° de pourvoi: 93-19661

"Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que depuis 1982 Mlle X... avait pour médecin traitant M. Z... ; qu'à la fin de 1988, elle a présenté à la cuisse droite un " sarcome des parties molles ", qui a nécessité plusieurs interventions chirurgicales, ainsi qu'un traitement de chimiothérapie ; que, par acte notarié du 13 mai 1989, Mlle X... a vendu à la SCI Le Clos des roses représenté par ses deux associés, les époux Z..., un immeuble situé à La Ciotat, moyennant le service d'une rente viagère annuelle de 144 000 francs ; que la venderesse s'est réservé un droit d'usage et d'habitation dans un appartement, que les débirentiers devaient aménager dans cet immeuble ; qu'hospitalisée du 17 au 26 mai 1989, puis partie le 20 juin 1989 dans une maison de retraite, B... Audry y est décédée le 6 juillet 1989, soit moins de deux mois après la signature du contrat de rente viagère ; que le 15 février 1990, M. A... et Mme Y..., agissant en leur qualité de légataires universels, ont assigné la SCI Le Clos des roses et les époux Cocucci en nullité de ce contrat ; que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 juillet 1993) a accueilli leur demande ;

Attendu que la SCI Le Clos des roses et les époux Cocucci font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que la nullité, pour défaut d'aléa, d'un contrat de rente viagère n'est encourue que dans la mesure où la maladie dont était atteint, au jour du contrat, le crédirentier, est directement à l'origine du décès prématuré de celui-ci ; que, dès lors, en relevant par motifs adoptés que le mal dont Mlle X... était atteinte, ne pouvait conduire qu'à une issue fatale à bref délai tout en retenant que la cause exacte de ce décès n'avait pas été déterminée, de telle sorte que le sarcome dont le médecin traitant avait connaissance n'était pas nécessairement à l'origine de la mort de la crédirentière, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé par fausse application les articles 1968 et 1975 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'aux termes de leurs conclusions d'appel, les époux Z... avaient fait valoir que, dépourvu de lien avec l'affection cancéreuse, le décès de la crédirentière avait été probablement causé par un syndrome neurologique correspondant parfaitement à l'hémiplégie dont Mlle X... avait été victime brutalement quelques jours avant sa mort, et deux mois après la signature du contrat litigieux ; qu'il en résultait nécessairement que la vente du 13 mai 1989 n'était pas dépourvue d'aléa ; qu'en décidant le contraire, sans répondre à ce chef de conclusions, l'arrêt attaqué n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'article 1975 du Code civil n'interdit pas de constater, pour des motifs tirés du droit commun des contrats, la nullité pour défaut d'aléa d'une vente consentie moyennant le versement d'une rente viagère, même lorsque le décès du crédirentier survient plus de vingt jours après la conclusion de cette vente ; qu'il n'est pas nécessaire, dans cette hypothèse, que le crédirentier soit décédé de la maladie dont il était atteint au jour de la signature du contrat ; qu'il suffit que le débirentier ait eu connaissance de la gravité de l'état de santé du vendeur ; qu'ayant relevé en l'espèce que M. Z..., débirentier, était depuis plus de six ans le médecin traitant de Mlle X..., crédirentière, qu'il n'ignorait rien de son état de santé tant en raison de la fréquence de leurs rapports que de ses contacts avec les spécialistes appelés à la soigner, que sa patiente avait subi plusieurs interventions chirurgicales pour l'ablation d'une tumeur cancéreuse à la cuisse, et qu'elle suivait des séances de chimiothérapie au mois de mai 1989, c'est-à-dire à l'époque de la vente, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que le praticien, constatant l'état de déficience extrême de la malade dont il avait suivi l'évolution, avait été en mesure de prévoir l'imminence de son décès, de telle sorte que le contrat de rente viagère, dépourvu de tout aléa, se trouvait privé de cause et devait être annulé ; que, dès lors, les juges du second degré n'avaient pas à répondre aux conclusions inopérantes, selon lesquelles le décès de Mlle X... aurait été " probablement " causé par un syndrome neurologique, et non par le sarcome dont elle avait été victime fin 1988 ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;

Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;"

Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du mardi 5 janvier 1999 N° de pourvoi: 96-21186

"LA COUR, en l'audience publique du 10 novembre 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Geerssen, conseiller référendaire rapporteur, MM. Grimaldi, Apollis, Tricot, Badi, Mme Aubert, M. Armand-Prevost, Mmes Vigneron, Tric, conseillers, M. Rémery, Mme Graff, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Geerssen, conseiller référendaire, les observations de Me Roger, avocat de M. X... ès qualités et des époux A..., de la SCP Gatineau, avocat des époux Z..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, selon ce texte, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire suspend toute action en justice de la part des créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que par acte du 21 décembre 1987, M.et Mme Z... ont vendu en viager un immeuble d'habitation à M. et Mme A... ; qu'après deux commandements de payer des 10 mai et 3 août 1993 visant la clause résolutoire pour défaut de règlement des échéances de février à juillet 1993, ils ont assignés les acquéreurs en résolution de la vente et application des clauses pénales contractuelles ; que le juge des référés a prononcé "la résolution de la vente" ; que M. et Mme A... ont interjeté appel ; qu'en cours d'instance d'appel, M. A... a été mis en redressement judiciaire le 3 mai 1994, converti en liquidation judiciaire le 6 juin 1995, M. X... étant représentant des créanciers puis liquidateur ;

Attendu que, pour prononcer la résolution de la vente, l'arrêt retient qu'aucun paiement n'a été fait depuis avril 1993 et que la règle de suspension des poursuites en résolution de la vente n'est pas applicable lorsque les créances impayées sont échues postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la règle de suspension des poursuites individuelles faisait obstacle à la demande de résolution du contrat pour défaut de paiement des arrérages échus antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne les époux Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux Z... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf."

Cour de cassation chambre civile 3 Audience publique du mardi 1 mars 2011 N° de pourvoi: 10-30123

"Attendu qu'ayant retenu que la vente avait eu lieu moyennant le prix principal de 543 000 francs avec versement d'un " bouquet " de 60 000 francs et d'une rente annuelle de 30 000 francs, que s'agissant d'un prix de vente essentiellement stipulé en rente viagère il convenait pour apprécier la vileté du prix de comparer les revenus de la propriété et des intérêts du capital qu'elle représentait avec la valeur des prestations fournies, prestations correspondant ici à un prix en partie payable comptant, le solde étant converti en rente viagère avec réserve de l'usufruit au profit du vendeur pour certains biens, qu'il apparaissait, en prenant pour référence les évaluations des experts judiciaires, que l'acquéreur avait payé comptant le 1/ 9e du prix de vente stipulé, que le montant de la rente viagère correspondait à moins de 3 % de la valeur réelle des immeubles vendus et que le montant de cette rente était inférieur aux revenus de la propriété et des intérêts du capital qu'elle représentait, la cour d'appel, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, a légalement justifié sa décision en prononçant la nullité de la vente pour défaut de prix réel et sérieux ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bloyt aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Bloyt à payer à Me Georges la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour la société Bloyt.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité de la vente conclue le 20 avril 2000 entre Monsieur Maurice X... et la SCI BLOYT ;

AUX MOTIFS QUE s'agissant en l'espèce d'un prix de vente stipulé essentiellement en rente viagère, il convient, pour apprécier la vileté du prix de comparer les revenus de la propriété et des intérêts du capital qu'elle représente avec la valeur des prestations fournies, prestations correspondant ici à un prix en partie payable comptant, le solde étant converti en rente viagère, avec réserve de l'usufruit au profit du vendeur pour certains biens vendus ; qu'or, à cet égard, il apparaît, en prenant pour référence les évaluations des experts judiciaires, que l'acquéreur a payé comptant le 1/ 9ème du prix de vente stipulé, que le montant de la rente viagère annuelle correspond à moins de 3 % de la valeur réelle des immeubles vendus, et surtout que le montant de cette rente est inférieur aux revenus de la propriété et des intérêts du capital qu'elle représente ;

ALORS QUE, de première part, les experts judiciaires ne s'étaient pas prononcés sur la valeur réelle des biens objet de la vente, puisque, se bornant à estimer la propriété vendue, ils n'avaient pas réduit cette estimation au regard de la réserve d'usufruit du vendeur sur la maison d'habitation, le jardin et le hangar ; que pourtant la Cour d'appel qui, pour retenir au soutien de sa décision que le montant de la rente viagère annuelle correspondait à moins de 3 % de la valeur réelle des immeubles vendus, s'est exclusivement référée de manière inopérante aux évaluations des experts judiciaires, sans tenir compte de la moins-value résultant de la réserve d'usufruit du vendeur, et sans donc rechercher la valeur réelle des biens vendus, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1131, 1591 et 1976 du Code civil ;

ALORS QUE, de deuxième part, la Cour d'appel qui a affirmé que le montant de la rente viagère aurait été « inférieur aux revenus de la propriété », sans constater quels étaient ces revenus, qui n'avaient pas été mentionnés par les experts judiciaires, et qui étaient contestés par la Société BLOYT, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1131, 1591 et 1976 du Code civil ;

ALORS QUE, de troisième part, la Cour d'appel qui a affirmé que le montant de la rente viagère aurait été « inférieur aux revenus de la propriété », sans préciser quel était le capital à prendre en considération, et quel était l'intérêt à lui appliquer, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1131, 1591 et 1976 du Code civil ;

ET ALORS QUE, de quatrième part, la Cour d'appel qui, sans répondre à cet égard aux conclusions de la Société BLOYT, n'a tenu aucun compte, pour apprécier le caractère aléatoire de la rente viagère, de l'âge du vendeur (60 ans) ce qui, augmentant le risque d'immobilisation prolongée d'un immeuble dont la valeur reposait particulièrement, selon les experts, sur une clientèle étrangère en recherche de résidences secondaires ou de vacances, augmentait en proportion l'aléa auquel était soumis l'acheteur, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1131, 1591 et 1976 du Code civil."

Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 19 juillet 1983 N° de pourvoi: 82-13162

"SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QUE MME Z..., AUJOURD'HUI DECEDEE, AUX DROITS DE LAQUELLE SE TROUVE MME Y..., A VENDU, LE 10 SEPTEMBRE 1977, AUX EPOUX B..., UN APPARTEMENT ET LES MEUBLES LE GARNISSANT, RESPECTIVEMENT POUR LES SOMMES DE 230 000 FRANCS ET DE 20 000 FRANCS, SOIT AU TOTAL 250 000 FRANCS;

QUE, SUR CE PRIX, 150 000 FRANCS ONT ETE PAYES COMPTANT PAR LES ACQUEREURS, LE SOLDE, SOIT 100 000 FRANCS, A ETE CONVERTI EN UNE RENTE ANNUELLE ET VIAGERE DE 12 000 FRANCS (INDEXES), MME Z... SE RESERVANT SA VIE DURANT LA JOUISSANCE PERSONNELLE DES BIENS VENDUS A TITRE DE DROIT D'USAGE ET D'HABITATION;

QUE, DEUX ANS APRES LA VENTE, CETTE DERNIERE A ASSIGNE LES EPOUX B... EN RESCISION DE LA VENTE IMMOBILIERE POUR LESION ET NULLITE DE LA VENTE DES MEUBLES POUR VILETE DU PRIX;

QUE LA COUR D'APPEL A DEBOUTE MME Z... DE SES DEMANDES;

ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR REFUSE DE PRONONCER LA NULLITE DE LA VENTE DES MEUBLES POUR VILETE DU PRIX "AU MOTIF QUE L'ETAT ESTIMATIF PRODUIT PAR L'HERITIERE DE LA VENDERESSE ET ETABLI PAR UN EXPERT A... FONDE SUR UNE EVALUATION FAITE TROIS ANS ET DEMI APRES LA VENTE", ALORS QUE LES JUGES DU SECOND DEGRE AURAIENT DENATURE LES TERMES CLAIRS ET PRECIS DU RAPPORT D'EXPERTISE QUI FAISAIT ETAT DE LA VALEUR DES MEUBLES, NON A LA DATE DE SA REDACTION, MAIS A CELLE DE LA VENTE DES MEUBLES;

MAIS ATTENDU QUE, PARMI LES ELEMENTS RETENUS POUR REJETER LA DEMANDE EN NULLITE DE LA VENTE MOBILIERE DONT IL S'AGIT, L'ARRET ATTAQUE A ECARTE LES CALCULS DE L'ETAT ESTIMATIF PRODUIT PAR MME Y..., NON EN RAISON DU FAIT QUE L'EXPERT X... ESTIME LE MOBILIER A LA VALEUR QU'IL AVAIT EU LE JOUR OU IL AVAIT REDIGE SON RAPPORT, COMME LE SOUTIENT LE MOYEN, MAIS POUR AVOIR RECONSTITUE TROIS ANS ET DEMI APRES LA VENTE "LA VALEUR DE REMPLACEMENT" DE CE MOBILIER, - QUI ETAIT IMPLICITEMENT MAIS NECESSAIREMENT CELLE AU JOUR DE LA VENTE DE CE DERNIER -, "A PARTIR DES PHOTOGRAPHIES ET DES DIRES DE MME Y...";

QUE PAR CES MOTIFS, LA COUR D'APPEL, QUI N'A PAS DENATURE LE DOCUMENT INVOQUE, A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION;

QUE LE MOYEN NE PEUT DONC ETRE ACCUEILLI;

SUR LE SECOND MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENCORE FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR DEBOUTE MME Y... DE SA DEMANDE EN RESCISION POUR LESION DE LA VENTE DE L'IMMEUBLE AU MOTIF QUE SI LE PRIX DE CET IMMEUBLE AVAIT ETE EXPRESSEMENT FIXE EN CAPITAL, PUIS CONVERTI ENSUITE EN RENTE VIAGERE, IL N'EN DEMEURAIT PAS MOINS QUE LA RESERVE, AU PROFIT DE LA VENDERESSE, D'UN DROIT D'USAGE ET D'HABITATION, EN PRIVANT L'ACQUEREUR DE LA JOUISSANCE IMMEDIATE DES BIENS ET EN LUI IMPOSANT DES OBLIGATIONS D'UNE DUREE ET D'UN COUT INDETERMINE, DONNAIT A LA VENTE DE L'IMMEUBLE UN CARACTERE ALEATOIRE RENDANT IMPOSSIBLE L'ACTION EN RESCISION POUR LESION, ALORS QUE, EN DECLARANT AINSI QU'UNE VENTE AVEC RESERVE DU DROIT D'USAGE ET D'HABITATION AVAIT OBLIGATOIREMENT UN CARACTERE ALEATOIRE, CE QUI EST CONTRAIRE AU PRINCIPE SELON LEQUEL L'ACTION EN RESCISION EST RECEVABLE LORSQUE LES CIRCONSTANCES DONNENT AUX JUGES LE MOYEN DE DETERMINER LA VALEUR DES OBLIGATIONS SOUMISES A L'ALEA, LES JUGES DU SECOND DEGRE ONT VIOLE L'ARTICLE 1674 DU CODE CIVIL;

MAIS ATTENDU QUE, LA COUR D'APPEL AYANT SOUVERAINEMENT RELEVE QUE LA RESERVE, AU PROFIT DE MME Z..., D'UN DROIT D'USAGE ET D'HABITATION, CONSTITUAIT UNE CLAUSE PRIVANT L'ACQUEREUR DE LA JOUISSANCE IMMEDIATE DES BIENS VENDUS ET LUI IMPOSANT DES OBLIGATIONS DONT LA DUREE, L'ETENDUE ET LE COUT, INDEPENDAMMENT DE L'AGE DE LA VENDERESSE ET DE L'ETAT DE L'IMMEUBLE, ETAIENT INDETERMINES, ELLE EN A JUSTEMENT DEDUIT QUE L'ACTION EN RESCISION N'ETAIT PAS RECEVABLE EN RAISON DU CARACTERE ALEATOIRE DE LA VENTE;

QU'IL S'ENSUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 24 FEVRIER 1982 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS."

Cour de cassation Assemblée plénière Audience publique du vendredi 4 avril 2008 N° de pourvoi: 07-14523

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 1er mars 2007), rendu sur renvoi après cassation (Civ. III, 14 mars 2006, pourvoi n° 05-14.245), que Paulette V..., aux droits de laquelle viennent les consorts Z..., a vendu, le 7 avril 1998, à M. et Mme X... une maison dont elle s'est réservé le droit d'habitation jusqu'à son décès et dont le prix de vente a été converti en une rente viagère ; que l'acte de vente comporte deux clauses résolutoires, l'une en cas de défaut de paiement du prix, l'autre en cas de défaut de paiement de la rente ; qu'après avoir vainement mis en demeure les acquéreurs de payer, dans un délai de trois mois, les arrérages impayés de la rente par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reproduisant la clause résolutoire stipulée en cas de défaut de paiement du prix, Paulette V...les a assignés pour obtenir la résolution de la vente et le paiement de dommages-intérêts sur le fondement des articles 1654 et 1656 du code civil ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, que le juge doit redonner aux faits leur exacte qualification sans s'arrêter à la dénomination qu'en ont donnée les parties ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le prix de vente avait été totalement converti en rente viagère ; que la cour d'appel ne pouvait faire application de la clause résolutoire pour non paiement du prix et les condamner à payer l'indemnité prévue par ladite clause, et non point les dispositions relatives au non paiement, à le supposer avéré, des arrérages de la rente ; qu'il était constant qu'aucune mise en demeure visant les dispositions contractuelles relatives au non paiement de la rente et à ses conséquences n'avait été adressé aux époux X... ; que la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que, dès lors que le prix avait été converti en rente viagère, la rente n'était qu'une modalité de paiement du prix et qu'en s'abstenant de payer un terme de cette rente à son échéance, l'acheteur était défaillant dans son obligation de payer le prix au moment où il était exigible, la cour d'appel, qui a constaté que les époux X... ne justifiaient pas du paiement des arrérages impayés dans le délai qui leur avait été imparti, en a déduit, à bon droit, que la clause résolutoire pour défaut de paiement du prix devait recevoir application ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts Z... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, prononcé par le premier président en son audience publique du quatre avril deux mille huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt ;

Moyen produit par Me de Nervo, avocat aux conseils pour M. et Mme X....

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué

D'AVOIR prononcé la résolution de la vente intervenue le 7 avril 1998 entre les époux X..., acheteurs, et Mme veuve V...et d'avoir condamné les premiers à payer des dommages-intérêts aux ayants droit de la seconde ;

AUX MOTIFS QU'il était constant que la vente du 7 avril 1998 avait été conclue moyennant le prix de 44 200 francs, converti en totalité en une rente viagère annuelle de 2 400 francs payable par trimestre à terme échu ; qu'en s'abstenant de payer un terme de la rente à son échéance, l'acheteur devenait défaillant dans son obligation de payer le prix, la rente n'étant qu'une modalité de ce paiement ; que le vendeur avait dès lors la faculté de se prévaloir, par application de la clause résolutoire figurant à la page 4 de l'acte de vente, de la résolution de la vente par le seul fait qu'au jour de l'expiration du délai de libération accordé, le nouveau propriétaire restait débiteur d'une partie du prix ; que par lettre recommandée en date du 20 octobre 2000, faisant référence à la clause résolutoire figurant à la page 4 de l'acte, Mme V...avait mis en demeure les époux X... de lui régler le montant de sept trimestrialités échues et impayées dans un délai de trois mois ; qu'il appartenait aux époux X... de démontrer qu'ils avaient payé les sept échéances litigieuses ; qu'ils produisaient à cet égard les souches d'un carnet de quittances ; qu'il était curieux qu'ils produisent ces souches, qui auraient dû rester en possession du créancier, et non les quittances elles-mêmes ; qu'aucune valeur probante ne pouvait être accordée à ces documents ; qu'en application de la clause résolutoire figurant en page 4 de l'acte de vente, il y avait lieu de prononcer la résolution de la vente et de condamner les époux X... à payer la somme de 637,82 euros à titre de dommages-intérêts ;

ALORS QUE le juge doit redonner aux faits leur exacte qualification sans s'arrêter à la dénomination qu'en ont donnée les parties ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le prix de vente avait été totalement converti en rente annuelle et viagère ; que la cour d'appel ne pouvait faire application de la clause résolutoire pour non-paiement du prix et condamner les exposants à payer l'indemnité prévue par ladite clause, et non point les dispositions relatives au non-paiement, à le supposer avéré, des arrérages de la rente ; qu'il était constant qu'aucune mise en demeure visant les dispositions contractuelles relatives au non-paiement de la rente et à ses conséquences n'avait été adressée aux époux X... ; que la cour d'appel a violé l'article 12 du nouveau code de procédure civile."