Compiègne 2016

COMPIEGNE 2016

L’an dernier, à l’issue de la cérémonie de la stèle, 75 personnes de notre amicale se sont rendues en Allemagne, sur les lieux de notre déportation. Raphaël Mallard et moi même leur ont servi de guide.

Elles désiraient suivre au plus près le parcours de « leurs » Déportés.

Beaucoup de ces descendants avaient déjà fait ce pèlerinage, mais pour certains c’était une première.

Nos amis voulaient marcher dans les traces de leurs disparus, ils y ont marché.

Ils voulaient voir les lieux où ils ont souffert, où ils sont tombés, ils les ont vus.

Ils souhaitaient connaître les circonstances avec le plus de précisions possibles, évidemment, dans lesquelles ils ont vécu les derniers moments de leurs jeunes vies.

Nous avons fait l’impossible pour répondre à leurs attentes.

Que d’émotion dans leur cœur, que de larmes discrètes dans leurs yeux, que de tristesse dans leur regard lorsque nous précisions les faits et les lieux où ils s’étaient déroulés.

C’est par de telles actions, de telles rencontres, que nous les bannis d’autrefois, nous, hommes de toutes origines, de toutes conditions, résistants, petits et grands, nous qui avons été embarqués comme des bêtes dans ce train infernal qui est parti d’ici même le 17 août 1944, que nous œuvrons pour le rapprochement d’hommes et de femmes de deux pays qui autrefois s’exécraient, et qui aujourd’hui veulent éradiquer totalement un terrible contentieux.

Il n’est pas question de pardonner. Le pardon est strictement une affaire personnelle. Chacun le ressent ou pas. Non, il s’agit de rechercher et de trouver la compréhension de l’autre, sa reconnaissance, son désir de jeter aux oubliettes ce passé honni, et ô paradoxe, tout en le conservant dans un coin de notre mémoire, afin qu’il ne puisse jamais ressurgir dans notre histoire commune.

L’accueil qui nous a été réservé aussi bien par les autorités allemandes que par la population, nous permet d’affirmer que, petit à petit, rencontre après rencontre, nous atteignons notre but.

Le bourgmestre d’une localité allemande située sur notre parcours, ne nous disait-il pas en s’adressant au deux rescapés que nous étions: « De vous voir ici, j’en ai la chair de poule »

A Kossa autre localité marquante, nous sommes accueillis par les autorités locales mais aussi par cette vieille institutrice qui au cours des ans est devenue notre amie. Véra Blum Schwarz. Tout au long de sa carrière elle a enseigné à ses élèves non seulement le rejet du nazisme, mais aussi elle a lutté pour cette amitié Franco-Allemande. Toutes les générations d’élèves qui sont passées dans sa classe, ont connu notre histoire de A à Z.

A Durchwena, lieu tout particulièrement tragique, où trois des nôtres ont été massacrés la tête sur une souche d’arbre, pour avoir dérobé de très jeunes lapins et les avoir mangé crus, c’est un groupe d’hommes et de femmes, regroupés en association qui veille au bon entretien du monument érigé par la commune en ce lieu. Ces hommes et ces femmes nous demandent presque l’autorisation de déposer quelques fleurs à côté de notre gerbe. Quel symbole !

A Annaberg, où l’arrivée des troupes russes a marqué le point final de nos souffrances, le 8 mai 1945, ce sont encore des femmes qui nous étreignent émues aux larmes et qui nous disent : « Nous avons honte de la conduite de l’Allemagne à votre égard ».

Pour d’aucuns, ces marques de sympathie, de reconnaissance, voire de repentir, peuvent passer pour de la simple courtoisie vis à vis de visiteurs étrangers…Non, c’est plus profond que ça, je vous le garantis.

Le ressenti de ces Allemands correspond parfaitement à celui de tous nos amis présents. Il existait tout au long de ce voyage une véritable communion de pensées.

C’est Charlotte, arrière petite fille de Déporté, qui nous fait part: « de l’émotion ressentie au cours de ce séjour riche humainement, fait de partages et d’émotions fortes, qui restera inoubliable pour elle. »

« Sur les lieux mêmes de ces drames, tout prend une autre dimension » rapporte Evelyne.

« La présence de nos deux témoins a donné un éclairage plus précis, plus poignant de ce que fut la grande misère des Déportés », souligne Dany.

Quant à Maryse, elle gardera le souvenir de ce coin d’Allemagne dans son cœur, la mine et la stèle et tous ces témoignages émouvants et les discours forts et remplis d’espoir prononcés en cette occasion. »

Pour nous, Déportés, nous serions en droit de penser que tout cela a été un mauvais rêve, une parenthèse, et que désormais nos nuits seront plus sereines.

Hélas, non ! Un nouveau monstre vient de naître. Une sorte d’hydre du terrorisme.

Des individus abjects, assoiffés de sang, fanatiques religieux, remplis de haine, pratiquant une cruauté à l’image de celle des nazis, qui eux aussi massacraient femmes et enfants avec un sadisme incroyable, veulent nous imposer leurs ignobles lois par la terreur.

Tout est là. Rejet de l’autre, haine de celui qui n’est pas dans les normes imposées et terreur. Ils procèdent par rapts, emprisonnements, massacres, mutilations à l’encontre de ceux qui osent s’opposer à eux.

Exactement ce que nous avons connu

Comble de leur malfaisance, ils colportent leur guerre dans nos territoires par le biais d’attentats qui touchent un grand nombre d’innocents.

Leur triste logique est une copie fidèle de celle des nazis.

Tout comme eux, ils pensent terroriser l’Europe afin de la soumettre à leur idéologie criminelle.

Ce sera en vain vous le savez bien. Si ce n’était tragique, je dirai que c’est ridicule.

Mais si aujourd’hui je vous parle de ces monstres, ce n’est que pour mettre en garde notre jeunesse, comme je l’ai eu fait maintes et maintes fois, sur tout ce qui peut paraître comme un début de dictature de quelque origine que ce soit. Je dis bien « quelque origine que ce soit ». Elles peuvent être nombreuses… jetez un regard en arrière et ouvrez les yeux.

« Impossible de nos jours » ?

Et si !...c’est possible. Tout est possible. Le genre humain recèle certes et heureusement des valeurs qui nous permettent de vivre dans une société équilibrée et libre, mais aussi de solides crapules, conscientes de leur ignominie, chez qui les mots « amour et respect » ne figurent pas dans leur vocabulaire.

Notre expérience de témoins de ce qui s’est passé il y a des dizaines d’années, nous permet d’affirmer que l’histoire peut se répéter.

Regardons les choses en face. Examinons, décortiquons les causes des événements que nous vivons aujourd’hui.

Ne nous laissons pas influencer par des idées qui frisent parfois l’angélisme. En enfourchant le cheval de la générosité inconsciente, nous pourrions tomber dans le « refus de porter secours à personnes en danger.

« Mao, dictateur s’il en fut, ne disait-il pas que le « partisan » devait évoluer dans le peuple comme le poisson dans l’eau ?

Sans incriminer à priori qui que ce soit, je dis bien : qui que ce soit, je m’en garderai bien, nous sommes quand même en droit de nous poser la question. « Dans quel milieu évolue le partisan de l’Etat islamiste ?

Il appartient donc à tout Français ou habitant de la France à quel titre que ce soit, de faire ce qu’il faut pour que le soupçon de complaisance ne naisse à aucun moment. C’est d’autant plus important, que l’attentat de Nice nous a démontré que toutes les communautés pouvaient être touchées.

On ne pactise pas avec le diable… sinon on paye cash !

Pierre BUR