... Selon Jean-Pierre VANDEMOERE

Le message éternel des Vierges Mères et des Vierges Noires.

 
 
« Les mythes de la Vierge parlent des déesses mères. Le mythe d'Isis en Egypte et le mythe de Déméter en Grèce.
Les mythes d'Isis et de Déméter racontent l'histoire de la mère initiatrice.
Isis, symbole de la femme éprouvée, humiliée, qui souffre mais ne perd pas courage, voit sa foi récompensée.
Isis apparaît comme la déesse suprême qui montre aux hommes le chemin long et difficile de l'initiation. »
 
 
 

De nombreuses religions de l’antiquité ante chrétienne ont célébré le renouveau de la création à une date  suivant de très près le solstice d’hiver, quand s’éveille astronomiquement le Nouveau Soleil, Néo Hélios en grec, deux mots dont sont dérivés le mot français noël, contraction de no (néo) et de ël (hélios).

 

Pour les chrétiens, Noël est la date de la naissance de Jésus, le Dieu fait homme. Des trois évangiles synoptiques, seuls deux font référence à la nativité : celui de Matthieu et celui de Luc. L’évangéliste Luc étant le plus disert, c’est à lui que nous réfèrerons pour résumer à grands traits ce qu’elle fut.

 

Un édit de César Auguste ayant ordonné que tous devaient se faire recenser dans leurs villes d’origine, Joseph, descendant de David et fiancé à Marie, monta donc de Nazareth en Galilée – où il résidait – jusqu’en Judée, à Nazareth qui était le fief de la maison de David.

Or, Marie était enceinte  et le temps advint pour elle d’enfanter. Comme l’hôtellerie était pleine et ne pouvait l’accueillir, Marie emmaillota son enfant et le coucha dans une crèche.

Mais la conception même de Jésus recèle un mystère puisque Marie n’a point connu d’homme.

 

Les esprits forts s’esclaffent lorsque l’on évoque devant eux « l’immaculée conception ». Ils ont tort. Car des récits de vierges mères abondent dans l’Antiquité et sont porteurs de sens.

 

Conceptions et naissances miraculeuses.

 

Ainsi, la vierge Dévâki enfanta de Krishna, comme le lui avait annoncé l’un des dévas du monde.

Venu de l’Asie, le culte de la Grande Mère des Dieux pénétra en Italie au IIème siècle avant Jésus-Christ. Quoique étant mère de tous les dieux, elle est réputée être vierge et sans génitrice elle-même.

Mithra, le dieu indo-iranien, naît lui-même de la vierge Anahita.

En Finlande, la vierge Luonatar donna naissance au barde Wämoinen.

Le roi de Chaldée, Sargon, aurait été conçu sans la participation d’un homme.

Même les animaux femelles pouvaient enfanter sans recourir à des mâles : ce fut le cas des juments de Rhésus, roi de Thrace, ainsi que des cavales d’Erichtonius, roi troyen.

Les anciens Égyptiens, pour leur part, pensaient qu’il n’existait pas de mâles vautours, les femelles étant fécondées par le vent du Nord.

 

Certes, le mythe des vierges mères peut être tenu  pour une réponse au mépris que les hommes manifestaient en ce temps-là envers la fonction procréatrice de la femme. Mais pas seulement.

Car que signifie ici la virginité ? Pour les anciens, elle n’était pas automatiquement synonyme de préservation de l’hymen puisque nombre des « vierges mères » furent mariées et connurent donc l’acte de chair. Mais la conception du fruit de leurs entrailles, voire la naissance de ce dernier pouvaient être considérées comme « miraculeuses ».

 

Junon se flattait d’avoir eu Mars et Hébé sans le secours d’aucun homme.

Isis - veuve de son mari Osiris tué et dépecé par le frère de ce dernier, Seth - avec l’aide da sa sœur Nephtys, réussit à insuffler le souffle de vie à son époux le temps d’une union d’où naîtra leur fils, Horus.

 

Une sacralisation.

 

La virginité de ces femmes n’est pas synonyme de pureté. Elle les sacralise.

« Les choses sacrées sont celles que les interdits protègent et isolent et les choses profanes étant celles auxquelles ces interdits s'appliquent et qui doivent rester à l'écart des premières. La relation (ou l'opposition, l'ambivalence) entre Sacré et Profane est l'essence du fait religieux. » - Durkheim.

 

Mais pourquoi en faire des personnages sacrés ? La réponse à cette question peut être trouvée en se référant à certaines de leurs représentations.

Souvent, en effet, les Vierges Mères sont représentées à l’intérieur d’une mandorle, une figure géométrique constituée de l’intersection de deux cercles, l’un représentant le monde céleste, l’autre le monde terrestre. Ces femmes sont les seules qui peuvent établir le lien entre ces deus mondes.

Ce que vont amplement confirmer

 

Les Vierges Noires, des « Notre Dame d’alchimie ».

 

« Je suis noire, mais je suis belle », lit-on dans le Cantique des Cantiques (1,5).

 

Bien avant que les Vierges Noires mariales – représentations quelque peu « sulfureuses »  (selon le Vatican qui ne put cependant s’opposer à leur déferlement) de Marie portant l’enfant Jésus – ne fleurissent dans l’occident médiéval, diverses représentations de Vierges Mères fuligineuses  abondaient dans l’antiquité, à proximité de dolmens, de sources, de puits ou d’arbres sacrés, dans des grottes également, tous lieux que les prêtres et les chamans avaient dits être « bénis par la nature » parce que là, selon eux, les énergies du Ciel et de la terre « communiquaient ».

On en trouve sur tout le pourtour de la mer Méditerranée, mais aussi en Orient, en Afrique, chez les Celtes, etc.

Elles ont pour noms La Déesse Mère de Pessinonte, Minerve la Cécropienne, Vénus de Paphos, Diane Dictynna, Proserpine la Strygienne, Cérès, Junon, Bellone, Hécate, Ramonte, Bélisama, Ishtar, Xoanon, Cybèle, Déméter, Kali la noire, Isis.

Les Bohémiens ont la leur, tenue enfermée dans une des cryptes des Saintes Maries de la Mer : Sarah.

 

La si longue liste de leurs différents patronymes témoigne de leur influence en des lieux divers, mais ces différences d’appellations ne doivent pas masquer que toutes représentent la Prima Caelitum, la Première des Cieux. « Mon être est unique, nombreuses sont les formes, divers les rites, infinis les noms par lesquels me vénère l'Univers entier. » - Apulée.

 

Que symbolisent-elles ? La Terre Mère féconde, celle qui donne vie aux arbres et aux plantes, celle que foulent des pieds et des pattes les êtres humains et les animaux.

Mais plus encore, le message porté par les Vierges Mères, c’est la couleur des Vierges Noires qui va nous l’enseigner.

 

On a parfois prétendu que la couleur noire de ces statuettes était due à leur séjour prolongé dans la terre ou à la fumée des cierges.

Or, rien n’est plus faux. C’est intentionnellement que ces statuettes sont fuligineuses.

Et nous serions bien avisés d’écouter ce que l’absence de couleur – le noir qui retient et absorbe – a à nous dire.

 

De nos jours, en Occident, la couleur noire est mal vue. Elle fait songer immanquablement au deuil et à la tristesse qui l’accompagne.

Mais symboliquement, le noir évoque les profondeurs de l’être.

Et ce sont ces profondeurs que les vierges noires invitent à transmuter.

Il ne s’agit ni plus, ni moins, que d’une invitation à opérer une alchimie interne, prélude à la régénération, et ce n’est certes pas pour rien que la première phase de l’alchimie opérative se traduit au laboratoire par l’œuvre au noir.

La couleur noire est le symbole de l’indistinction de la materia prima, racine principe et commencement de tout, que l’alchimiste accompagne vers la lumière.

 

Toute Vierge Noire- Virgini pariturae, la Vierge qui doit enfanter - est donc en quelque sorte une « Notre Dame d’Alchimie ».

 

La Vierge-Mère – mère des Dieux au premier chef – se révèle être ainsi le principe féminin, l’alter ego du principe masculin à égalité avec ce dernier. Tous deux, ensemble, forment le couple transcendant à l’origine de toutes choses.

 

Marie de Magdala et Isis.

 

Puisque nous avons évoqué la figure d’Isis, il convient de poser une question – laquelle, à première vue, peut paraître iconoclaste - : Marie de Magdala, encore appelée Marie Madeleine, est-elle de quelque manière que ce soit un avatar de l’épouse d’Osiris ?

Que sait-on d’elle ? Ce que nous en disent les Évangiles, à savoir qu’elle fut une disciple de Jésus et qu’elle le suivit jusqu’à sa mort. Elle fut de plus le premier témoin de la résurrection et chargée par le Christ d’apporter « la bonne nouvelle » aux apôtres. Là-dessus, Marc, Matthieu, Luc et Jean sont d’accord.

Un roman à sensation – le Da Vinci Code – en a fait la compagne du Christ dont elle aurait eu des enfants. Les rois mérovingiens auraient été les descendants de Marie de Magdala et de Jésus.

 

Mais revenons à notre question : qu’est-ce qui nous a incités à la poser ?

Une expression populaire : « pleurer comme une Madeleine ».

La Madeleine dont il est ici question est Marie-Madeleine.

Certes, elle a beaucoup pleuré en repentir de ses péchés la première fois qu’elle se présenta devant Jésus. Mais était-ce suffisant pour que ses larmes soient passées à la postérité ? Cela paraît peu vraisemblable.

Par contre, il est une autre « pleureuse » célèbre : Isis, dont le nom signifie certes « siège » ou « trône ». Mais, selon Robert Graves, Isis serait une onomatopée sémite – Ish-ish – signifiant « celle qui pleure ».

De fait, elle a beaucoup pleuré son époux Osiris.

Et cela pourrait justifier que le rôle de pleureuse attribué à Marie Madeleine dans le christianisme naissant trouve son origine dans l’Égypte ancienne.

 

Une nécessaire transmutation.

 

Mais revenons à Marie de Nazareth.

Certains textes alchimiques décryptés font d’elle la Matière Première des Mondes alors que sa mère, Anne, représenterait la Prima Materia, protectrice et génératrice de tous les possibles. C’est d’ailleurs pourquoi l’on invoque sainte Anne lors des baptêmes afin qu’elle étende son aile tutélaire sur les nouveaux membres de l’Église.

 

Cette référence alchimique indique que les Vierges Mères et les Vierges Noires nous invitent à une transmutation radicale afin que puisse naître « l’homme nouveau ». Il naît d’un « travail intérieur » à accomplir seul afin de « devenir comme un Dieu » créateur de monde.

 

L’artiste est tel. De la matière brute auquel il a recours au départ il fait une œuvre qu’il destine à l’humanité. C’est pourquoi l’art est porteur de dialogue de paix, d’harmonie, d’amour et d’unité. C’est pourquoi également les intégrismes de tous bords – politiques et religieux – s’en prennent à lui avec une telle violence, car il pointe du doigt et il bouscule le ridicule et l’horreur qui sourdent  des diktats ou de l’observation sans âme des rituels, autant d’insultes à la conscience.

 

Dans Matthieu XXV, 1 à 13, on lit : « Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent à la rencontre de l'époux. Cinq d'entre elles étaient folles et cinq sages. Les folles, en prenant leurs lampes, ne prirent point d'huile avec elles ; mais les sages prirent, avec leurs lampes, de l'huile dans des vases. Comme l'époux tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent. Au milieu de la nuit, on cria : voici l'époux, allez à sa rencontre ! Alors toutes ces vierges se réveillèrent et préparèrent leurs lampes. Les folles dirent aux sages : donnez-nous de votre huile, car nos lampes s'éteignent. Les sages répondirent : non; il n'y en aurait pas assez pour nous et pour vous ; allez plutôt chez ceux qui en vendent et achetez-en pour vous. Pendant qu'elles allaient en acheter, l'époux arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces et la porte fut fermée. Plus tard, les autres vierges vinrent, et dirent : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous. Mais il répondit : je vous le dis en vérité, je ne vous connais pas. Veillez donc puisque vous ne savez ni le jour, ni l'heure. ».

 

Oui, veillons ! Soyons plus que jamais vigilants en ces temps troublés.

 

 

Jean-Pierre Vandemoère

Co-auteur, avec François Michalon, du livre en cours d'écriture “Je vous salue Marie”, aux Éditions Fortuna

 
 

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