Le militantisme wallon court le risque de se déchirer sur ces options.
Pour l’heure, la raison serait une union tactique autour de l’émergence de la Wallonie, de développer ses potentialités pour qu’elle jouisse des moyens pléniers de son épanouissement, sur les deux axes de l’économique et du culturel.
Il serait suicidaire d’engager le mouvement wallon dans une de ces nouvelles lignes de fracture, tant que la Wallonie en tant que région ne jouit pas d’une reconnaissance plus épanouie de la part des Wallons eux-mêmes.
Deux axes d’action devraient être prioritaires.
1. Combler le déficit symbolique évident. L’importance de la prise de possession symbolique saute aux yeux. La Région wallonne doit être en possession de compétences culturelles.
Pour une société, la possibilité de retrouver sa capacité de créer et la maîtrise de son avenir passe par la construction d’une image d’elle-même intégrant de façon cohérente, passé, présent et visions d’avenir.
Privée des moyens symboliques de se construire une image valorisante, la Wallonie devient seulement perceptible par les avatars d’une laborieuse reconversion économique et nullement par les fleurons de son savoir-faire passé et présent.
S’il est nécessaire de travailler à des rapprochements avec nos voisins, notamment la France, l’urgence est de travailler le mental des Wallons. Il est urgent de réconcilier les Wallons avec eux-mêmes et avec leur région.
On peut réfléchir à un principe d’Antonio Gramsci, pour qui il ne peut y avoir de prise de pouvoir politique sans prise préalable du pouvoir culturel.
2. Construire une plate-forme commune. Éviter de nouvelles dissensions dans le mouvement wallon est capital.
L’histoire du mouvement wallon est jalonnée de fractures
alors que le mouvement flamand a eu la sagesse de revendiquer sur base d’une plate-forme commune, en mettant à chaque succès la barre un peu plus haut.
Nous devons conjurer ce sort : cesser de nous diviser entre régionalistes, indépendantistes, francophiles en nous lançant des anathèmes. Je m’emploie sans grand succès à raisonner des ayatollahs de tous bords, connaisseurs infaillibles des vérités de demain :
d’une part, ceux qui jettent l’anathème sur tous les francophiles accusés à tort d’être des rattachistes jacobins ;
d’autre part ceux qui, obnubilés par la France, en oublieraient le sort des travailleurs wallons et les jetteraient dans des aventures irresponsables.
Je suis las :
- de ces épithètes de « ringards » adressés par les francophiles aux régionalistes
- ou de ces accusations de jacobins, voire de collabos, adressés par ces derniers à ceux qui cherchent une solution digne en regardant vers la France.
La plate-forme commune serait pourtant simple à dessiner : quel que soit le cadre politique futur, obtenir le maximum pour la Wallonie, en faire une région forte et cohérente. Il faut valoriser au mieux les potentialités réelles d’autonomie que nous donnent les institutions actuelles et aussi celles que la réforme en cours nous donnera.
Il faut pousser les Wallons à réinvestir la scène politique, à redevenir les acteurs à part entière du développement de la Wallonie, les acteurs premiers de leur devenir.
Si nous, Wallons,
n’avons pas l’intelligence, le courage, le simple bon sens de faire taire nos dissensions, alors notre avenir est gravement compromis ;
ne parvenons pas à faire comprendre à nos gens de plumes, à nos gens de pouvoir, à nos entrepreneurs de cesser de s’autodénigrer, alors notre avenir sera sombre ;
alors, nous serons le jouet insignifiant d’une Flandre de plus en plus arrogante ; la réforme de l’État, qui de toute façon aura lieu, se fera à notre détriment et il ne sera même plus question de nous orienter vers la France qui ne voudra plus d’un agglomérat qui ne sait même pas qui il est.
Il est temps, quel que soit l’avenir à long terme de la Wallonie, de travailler à court terme à un réveil wallon.