V. « Avenir et identités »

Par Jean-Paul Brilmaker
Depuis la victoire contre le nazisme et la mise en place des Nations Unies, les identités nationales, religieuses, ou culturelles diverses devaient servir au développement économique et social et non l'inverse, comme cela avait été le cas au cours de la période antérieure.  

De nombreuses conventions internationales, appliquant les principes de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, ont donc été adoptées en vue de rejeter le racisme et la xénophobie et  de promouvoir l'égalité des droits.

L'avenir était prometteur car le progrès social et économique allait être contrôlé et dynamisé par la démocratie.  Sauf que le marché, libre par hypothèse, ne peut générer, en soi, un développement durable puisque la règle du profit immédiat de chaque entreprise repose sur l'absence de direction et de coordination.

Quant aux États, conseillés, voire dirigés, par des spécialistes émargeant aux budgets des entreprises les plus profitables, ils ont été invités à conforter cet état des choses par des politiques d'aides industrielles, directes et indirectes, malgré les vains avertissements du club de Rome, dès la fin des années 60, sur les risques du progrès aveugle.

Aujourd'hui, on sait désormais que la survie de l'humanité se jouera dans le siècle en cours, voire dans la décennie. La règle du développement durable doit dès lors passer devant celle du profit immédiat, qui nous mène à l'implosion économique et écologique. Il faut donc investir dans la recherche de ce qui pourra nous sauver. Le rôle des États ne peut se limiter à apporter une obole formidable aux vierges folles de la spéculation aveugle. L'argent public doit soutenir ceux qui se tournent vers l'intérêt public.

Le système des transports et celui du logement causent la moitié des rejets de gaz à effet de serre. L'autre moitié est représentée par l'industrie, en grosse part, et l'agriculture.

La tétanisation actuelle des spéculateurs tombe à point nommé pour permettre aux États de reprendre l'initiative en rassemblant l'épargne privée au profit de projets industriels innovants, tant dans l'économie d'énergie que dans le remplacement des carburants fossiles, à l'égard de ces quatre secteurs de l'activité humaine. Les initiatives actuelles de la Région Wallonne en matière d'épargne sont opportunes à cet égard.

En ce qui concerne les déplacements au centre des villes, la Région pourrait utilement remplacer la voiture individuelle par des minicars électriques dont les itinéraires seraient réglés par ordinateur en fonction de la localisation géodésique des usagers et de leurs destinations.

Quant au transport interurbain, il serait sans doute judicieux de profiter de l'axe extraordinaire qui part de Liège - où accèdent Maastricht et Aachen  -  et qui rejoint Calais en passant par Lille et toutes les grandes villes wallonnes. Pourquoi ne pas construire un métro légèrement enterré, circulant à 500km/h, contenant des rames directes et des rames omnibus ? Ce vaste chantier public serait assurément de nature à dynamiser notre économie et à contribuer à l'après-Kyoto. Du côté du logement individuel et collectif, l'économie d'énergie et le photovoltaïque doivent faire l'objet d'investissements prioritaires de la Région.

Pour ces vastes programmes économiques, il nous faudra plus de travailleurs, plus de professeurs, plus d'entrepreneurs. Nous devrons ouvrir nos frontières et écarter ce retour des nationalismes constaté non seulement au Nord du pays mais, malheureusement aussi, au Sud. Sous divers prétextes populistes, nombre de dirigeants européens encouragent, par des discours musclés, des appartenances xénophobes préjudiciables au progrès social. La seule identité qui puisse assurer la survie de l’humanité est citoyenne, égalitaire et fraternelle comme cela se disait à la tribune de la Convention, lorsque le peuple libéré croyait enfin à son destin.

Il n’est pas excessif de penser que les Wallons sont toujours attachés à ces valeurs. L’identité féconde est celle qui regarde vers l’avenir. Si le prix à payer d’une identité citoyenne est le départ de la Flandre, cela sera triste pour ses habitants, mais cela ne peut nous arrêter.