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3. 20 juin 2008 : réunion, à Liège, pour mettre sur pied le comité organisateur des États généraux de Wallonie


Les initiateurs du « Manifeste pour la convocation des États Généraux de Wallonie », ont organisé, ce vendredi 20 juin, à la Salle académique de l’Université de Liège, une réunion préparatoire visant notamment à mettre su pied un comité organisateur.

Agé aujourd’hui de 87 ans et dans l’impossibilité d’être présent, François Perin avait tenu à adresser un message de soutien aux organisateurs de la soirée : Je salue les « États Généraux de Wallonie ». Le gouvernement belge étant dans un coma chaotique, je forme le vœu qu’il ne soit pas de même de votre chaleureuse assemblée. Quelle que soit votre résolution finale, ne faites pas de Bruxelles un cadeau aux Flamands.

Dans son allocution d’ouverture, Jules Gheude, essayiste politique et l’un des initiateurs du Manifeste, a rappelé le caractère largement prévisible de la crise sans précédent que traverse la Belgique depuis les élections législatives du 10 juin 2007 : Un régime fédéral, dans lequel l’une des entités fédérées est devenue une Nation, ne peut survivre. Toute tentative visant à amender la situation ne peut que se révéler vaine. Le système du fameux « compromis à la belge » a atteint ses limites. Entre Flamands et francophones, le dialogue est tout simplement devenu impossible. Le fossé entre le Nord et le Sud ne cesse de s’élargir. Ce pays n’a plus d’avenir. Pour Jules Gheude, les responsables politiques francophones portent la lourde responsabilité d’avoir sous-estimé l’ampleur de la poussée nationaliste au Nord. Depuis le vote par le Parlement flamand des cinq résolutions en 1999, la Flandre sait clairement où elle veut aller. Elle utilise habilement le terme « confédéralisme, qui lui permet de ne pas prononcer le mot « séparatisme » qui fait peur. (…) Les responsables francophones se refusent à envisager le démantèlement de l’État et en sont toujours à réfléchir à la manière de remodeler le paysage institutionnel francophone dans le cadre fédéral belge. (…) Alors que la Belgique est à deux doigts d’imploser, ces discussions intrafrancophones entre régionalistes et communautaristes sont totalement dépassées et, pour tout dire, proprement suicidaires. L’heure est à la réflexion post-Belgique ! Et Jules Gheude de conclure : Aujourd’hui, c’est une nouvelle page importante de l’histoire du Mouvement wallon qui s’écrit. Nous n’avons pas vocation à vire résignés. Nous ne souhaitons pas non plus emprunter les chemins de l’avenir dans l’improvisation. Jusqu’à la fin septembre, moment où nous tiendrons ces États Généraux, unissons toutes nos forces dans une même et grande émotion !

Pour la préparation de ces États Généraux, les initiateurs comptent s’inspirer de l’exemple du Congrès National Wallon de 1945. Le politologue André Schreurs, dont le père, Fernand, avait été le secrétaire général de ce Congrès, a apporté à cet égard d’intéressantes explications : Les circonstances dans lesquelles a eu lieu le Congrès de 1945 étaient fort différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. Certes, l’État belge est dans une situation critique, il se disloque de plus de plus et le fédéralisme réclamé en 1945, réalisé trop tard et par étapes, n’a pu enrayer sa chute, ni assurer à la Wallonie un avenir meilleur. C’est précisément ce qui justifie aujourd’hui la tenue d’États Généraux. Pour André Schreurs, la difficulté essentielle résidera dans le fait d’assurer la parfaite représentativité de ce que l’on peut appeler « la Wallonie consciente ».

Claude Thayse, l’un des quatre initiateurs du « Manifeste », a alors expliqué le but exact de la soirée : Ceci n’est pas la tenue des États Généraux proprement dits, mais une réunion technique visant à mettre au point les modalités de leur bonne organisation. A leur arrivée, chaque participant s‘est vu remettre un bulletin, qu’il est invité à compléter s’il souhaite s’investir au niveau de la préparation de ces États-Généraux. Les quatre options - un État wallon indépendant, un État Wallonie-Bruxelles, la réunion à la France, la réunion à une autre composante européenne que la France - sont reprises, poursuit Claude Thayse, avec, pour chacune d’elle, la possibilité de faire partie d’une commission d’étude ou d’agir au niveau de la coordination et de la logistique. D’autre part, un Comité d’organisation générale sera mis sur pied, comprenant un Président, trois vice-Présidents, un secrétaire, un trésorier, un responsable de la communication, les coordinateurs des quatre commissions d’étude et dix membres cooptés.

En déplacement aux États-Unis, Daniel Ducarme, ministre d’État et député de Bruxelles (MR), estime, quant à lui qu’il est essentiel de bouger. Les Francophones de Belgique doivent réfléchir à leur avenir en travaillant par anticipation. Cela dépasse les échéances gouvernementales, et même celle du 15 juillet. Nous devons savoir ce que nous voulons, même si des phases intermédiaire risquent d’être autant d’écrans de fumée masquant l’inéluctable choix. Pour M. Ducarme, le fait régional est incontournable. (…) Cela vaut pour la Wallonie, cela vaut pour Bruxelles, mais le continuum Bruxelles-Wallonie est une réalité tout aussi incontournable. (…) Ce serait une faute de ne pas assumer cette réalité culturelle francophone, au moment où l’Europe se redessine pas ses métropoles, dont Bruxelles, Capitale européenne. (…) Je reste prêt au débat, à l’action et aux choix.


Dans une communication écrite, l’économiste Michel Quévit rappelle qu’il est dans le contexte actuel, en cas de partition de la Belgique, favorable à la création d’un État fédéral belge composé de la Wallonie et de Bruxelles. Je ne pense pas, ajoute-t-il, qu’un État wallon indépendant soit judicieux économiquement et politiquement dans le contexte européen, ni qu’une réunion avec une composante européenne soit une solution pertinente, que ce soit la France dont noue ne serions jamais qu’une région parmi d’autres dans un État encore foncièrement jacobin, ni avec une autre composante territoriale qui ne pourrait être qu’un territoire limitrophe. Le Grand-Duché de Luxembourg est loin d’être demandeur. Et je vois mal une région française ou un Land allemand souhaiter faire le pas de la création d’un État autonome avec la Wallonie.

Invité à la soirée, Thierry Bodson, secrétaire général de la FGTB wallonne, a exposé la situation socio-économique de la Wallonie :

Les transferts « Nord – Sud », pour ce qui concerne l’impôt et la sécurité sociale, sont une réalité qu’il faut analyser mais surtout nuancer. En termes de rentrées, la Flandre apporte une contribution supérieure à ce qu’elle représente au niveau de sa population. Deux milliards de plus dans un cas comme dans l’autre. Cependant, les nombreuses diminutions de cotisations sociales et d’impôts sur les salaires profitent logiquement davantage à la Flandre vu son taux d’emploi élevé. On peut considérer que cette situation provoque un transfert de la Wallonie vers la Flandre d’un montant avoisinant le milliard d’euros ; ce qui corrige en partie une première lecture des chiffres. Dans les quinze prochaines années les budgets de la sécurité sociale consacrés aux pensions et aux soins de santé augmenteront de près de 15 milliards. La plus grande partie de cette somme sera dirigée vers la Flandre. D’autre part, l’analyse de la situation économique des trois Régions révèle une situation particulière à la Région de Bruxelles. Elle enregistre le taux de chômage le plus élevé ; mais, assez paradoxalement, elle produit le plus de richesses. Pour un PIB fixé à 100 pour l’ensemble du pays, le produit de la Flandre se situe également à 100 alors que celui de la Wallonie est à 74 et celui de Bruxelles à 200. Ceci démontre que la situation économique faible de la Wallonie, et son apport « insuffisant » en cotisations, est davantage compensée par l’activité économique de la Région bruxelloise que par celle de la Région flamande.
La politique de l’emploi et l’organisation du marché du travail peuvent être organisés différemment pour mieux tenir compte des spécificités de chaque région. La difficulté dans cette démarche consiste à ne pas prendre de décisions qui mettent en danger la solidarité interpersonnelle qui doit demeurer au niveau national.

Pour Paul-Henry Gendebien, président du RW, le pseudo-gouvernement Leterme ressemble à une bicyclette sans guidon, sans pédales et sans freins. S’il survit provisoirement, c’est parce que la Flandre en escompte une nouvelles avancée des seuls intérêts flamands. Les Wallons et les Bruxellois ne peuvent et ne doivent rien en attendre de bon. La Belgique a entamé sa phase terminale. (…) Malgré l’obscurité qui nous entoure, l’espoir peut renaître dès lors que le trop long purgatoire belge pourrait prendre fin plus rapidement qu’on ne le pense. Tel est, en tout cas, notre désir et notre volonté ! (…) Des États Généraux ? Oui, bien sûr, mais à la condition de les réussir, c’est-à-dire de sortir de l’État belge et d’aller vers la France. Et à condition d’être convoqués par une autorité légitime et représentative, à savoir le Parlement wallon éventuellement élargi aux élus fédéraux wallons. Et en concertation indispensable avec Bruxelles. (…) Il faut dès lors amplifier la mobilisation de l’esprit public et accélérer la décolonisation des mentalités. (…) Dès lors que le fédéralisme est un échec historique et définitif, il est impératif de refuser une fois pour toutes le « concept Belgique » et ses diverses déclinaisons en forme d’ersatz, qu’il s’agisse d’un confédéralisme mortifère ou d’un État Wallonie-Bruxelles tout aussi vicieux et illusoire. La seule solution, c’est la France. (…) Cette sérénité et cette grandeur dont les Wallons ont un égal besoin, elles portent toutes le deux un seul nom : la France. (…) Les Wallons méritent mieux qu’une République « d’amon nos’aut », qui serait d’ailleurs une monarchie bananière – ou fromagère – avec son roitelet Saxe-Cobourg et ses petits chefs dont nous devinons d’ailleurs déjà les méthodes de gouvernement et les agissements s’ils étaient à la tête d’un tel État !

Présent à la réunion, l’ancien ministre socialiste Ernest Glinne a largement partagé les propos de Paul-Henry Gendebien et a tenu à assurer les organisateurs de la soirée de son soutien.