Nous étions 10, ce 11 avril, à nous retrouver autour du livre de Julie Otsuka:
« Certaines n'avaient jamais vu la mer ».
C'est l'histoire de ces femmes, très jeunes parfois, qui, au début du
20° siècle, partent retrouver un futur mari, ce japonais vivant aux USA qui a payé leur voyage. L'auteur décrit une réalité qui fut celle de ses aïeux.
Episode inconnu pour plusieurs d'entre nous.
Certaines ont été déconcertées par le style,mais, toutes, nous avons aimé le livre.
Ce style, justement, est fluide bien que répétitif; les phrases, courtes, tombent comme autant de tranches qu'on découperait; les mots, forts, expriment le dénuement, la brutalité. L'une d'entre nous a ressenti l'impression de « flux et reflux », comme le ferait la mer évoquée dans le titre.
Ce « nous », employé tout au long du livre, est symbole de solidarité, d'abnégation aussi, d'optimisme enfin!
On ne sait pas ce que sont ces femmes japonaises, individuellement, ce « nous »
c'est chacune d'entr'elles: elles sont une entité et chacune a vécu ce que vivent les autres.
Ce « nous », comprend aussi la culture qu'elles partagent, cet héritage qu'elles entretiennent pour se soutenir, pour se souvenir, pour le transmettre.
Nous avons exprimé notre révolte à l'évocation de l'esclavage de ces femmes;
femmes considérées comme de simples marchandises qu'on fait venir par cargaisons entières (et quelles conditions de voyage!).Elles pensent aller vers un avenir meilleur
en s'installant aux EU, elles seront des machines ayant plusieurs fonctions:
être vaillante au travail (les japonaises sont alors réputées pour leur résistance),
tenir la maison (pardon! la cabane, le coin de hangar...), assouvir le plaisir masculin.
On est loin du Prince charmant et de la vie dorée dont elles rêvaient!
En nous réjouissant de notre condition à nous, dans notre pays, à notre époque, nous évoquons le sort des femmes battues, qui meurent sous les coups de leur compagnon.
Le contexte historique fut développé: les japonais qui avaient migré aux EU ont été enfermés dans des camps et n'en sont sortis qu'en 1948!
Après l'attaque de Pearl Harbor, les américains avaient peur des japonais.
Peur d'être envahi, de subir des actes de sabotage, d'espionnage, une psychose s'était installée( à ce moment,l'actualité s'est invitée dans notre conversation).
Pourtant, les américains n'ont mis à jour aucun acte de terrorisme de la part de la population japonaise.
Des émigrés d'autres pays (italiens par ex) ont aussi été enfermés après avoir été dépossédés de leurs biens, aux EU. En 1988, l'Etat américain a reconnu la spoliation des japonais et les survivants ont reçu une indemnisation.
Nous avons parlé d'autres livres qui décrivent une condition féminine bafouée,
dont « La muette » de Djavann, qui est actuellement sur la table des nouveautés à la médiathèque.
Encore une fois, notre lecture a ouvert notre horizon, donné envie d'approfondir nos connaissances, fait réfléchir et, l'une de nous a lancé cette conclusion, en forme de boutade: « Il faudra trouver un livre où ce sont les hommes qui prennent des tartes »!
Plus sérieusement, on a opté pour la lecture de
« Le petit joueur d'échecs » de Yoko Ogawa, (existe en poche), rencontre le 9 mai.
Idée: et si on explorait les auteurs africains après les vacances?