Hans-Jean Arp : une vie dans l’Europe.
Né à Strasbourg, ville avec laquelle ses rapports sont longtemps restés compliqués, Arp a toute sa vie navigué entre l’Allemagne, la Suisse et Paris.
Sa ville natale a mis beaucoup de temps à reconnaître l’importance de cet enfant du pays, mais elle s’est bien rattrapée depuis. Deux grandes expositions lui ont été consacrées, en 1986 et en 2008 (« Art is Arp », formule de Marcel Duchamp). Et le Musée d’Art Moderne et Contemporain possède aujourd’hui une superbe et importante collection de ses œuvres qui mérite visites et contemplations régulières.
Une formation artistique européenne
Hans-Jean Arp est né le 16 septembre 1886 à Strasbourg, rue du Vieux Marché aux Poissons, dans une famille de la haute bourgeoisie alsacienne. Il grandit en parlant couramment le français, l’allemand et l’alsacien et restera très marqué par cette dimension européenne inscrite dans son double prénom.
Il montre très tôt des dispositions artistiques et complète sa formation de peintre entre Strasbourg, Paris et Weimar. En 1906, sa famille s’installe en Suisse, où il commence à mener des recherches formelles qui l’amèneront progressivement vers l’abstraction.
Il participera directement à toutes les avant-gardes de l’époque : blaue Reiter, Dada, surréalisme, art abstrait et rencontrera tous les plus grands noms de l’art moderne.
Une démarche artistique individualiste
Dans les années 20, il s’éloignera des mouvements collectifs, des cloisonnements et des mots d’ordre dogmatiques pour construire une démarche plus personnelle, empreinte de légèreté, d’humour et de tendresse.
Ce n’est que dans les années 30 qu’il commence à produire les célèbres sculptures biomorphiques et organiques, poétiques objets de contemplation qui feront sa renommée.
Cette notoriété ira en grandissant et, à partir des années 50, il sera mondialement considéré comme un maître : des livres lui seront consacrés, des expositions internationales organisées, des commandes publiques et des acquisitions seront réalisées par tous les grands musées du monde.
Arp est décédé le 6 juin 1966 à Bâle.
"Nous ne voulons pas copier la nature. Nous ne voulons pas reproduire, nous voulons produire. Nous voulons produire comme une plante produit un fruit"
Les trois sculptures d’Arp - Hommage à Rodin, Objet sur seuil, Torse des Pyrénées - ont été installées à l'Esplanade juste après sa mort et sont très représentatives de ses recherches. Les œuvres d’Arp ont presque toujours un caractère organique et vivant, tel des plantes qui croissent et se métamorphosent : « l’art ne représente plus la nature, mais il est devenu la nature même ».
Si le jeu du hasard est souvent à l’origine d’une sculpture, celle-ci fait ensuite l’objet d’un long mûrissement sous l’œil et la main du sculpteur vers un idéal de plénitude et de sérénité poétique.
Cette plénitude des formes est très exigeante dans la finition et la patine des œuvres. Les photos des années soixante montrent que les trois sculptures présentes Avenue du Général de Gaulle mériteraient un sérieux travail de restauration pour retrouver leur patine d’origine.
C'est désormais fait pour le célèbre Torse des Pyrénées, qui ne peut malheureusement plus être exposé sur l'Avenue et a trouvé sa place au Musée d'Art Moderne et Contemporain (voir article ci-dessous)
Les aventures rocambolesques du Torse de Pyrénées
Le « Torse des Pyrénées » était la sculpture d’Arp la plus emblématique et la plus précieuse parmi celles installées à l’Esplanade, car elle était la plus proche des célèbres sculptures biomorphiques, lisses et arrondies, qui ont fait la réputation internationale de l’artiste.
Depuis 1965, elle était installée devant l’immeuble 15-17-19 de l’avenue du Général de Gaulle, où elle se reflétait avec élégance dans un petit bassin.
En mai 2006, la ville de Strasbourg porte plainte suite à la « disparition » de cette statue. Cette plainte trouve rapidement un écho dans la presse régionale, puis nationale et internationale. On commence à parler d’un réseau international de trafic d’art...
Très rapidement, Jean-Jacques Blech, alors président de l’Association Syndicale des Résidents de l’Esplanade se manifestera. C’est un jardinier chargé de l’entretien des espaces verts qui a découvert la statue, deux mois plus tôt, jetée au sol et abîmée, et l’a mise à l’abri dans les locaux de L’ASERE. Jean-Jacques Blech sera entendu par la police et retenu quelques heures en garde à vue avant que cette affaire soit éclaircie et classée sans suites.
La ville de Strasbourg récupère alors le Torse et le stocke dans les réserves du Musée d’Art Moderne et Contemporain. Une querelle se développe alors entre la Ville de Strasbourg et l’ASERE pour déterminer qui est le propriétaire de cette œuvre acquise en 1965 par la SERS (société d'aménagement et d'équipement de la région de Strasbourg) et installée depuis sur le terrain privé de l’ASERE.
Un accord sera finalement trouvé. Le Torse de Pyrénées a été restauré et, en raison de sa grande valeur et de sa fragilité, sera désormais présenté dans la salle consacrée à Arp au Musée d’Art Moderne.
Le samedi 2 décembre 2017 à 11h une stèle a été inaugurée à l’emplacement initial de la sculpture.