Depuis  le début des années 1990 et suite à la grave crise de la dette qu'ont traversé les pays du Sud, les politiques de développement ont commencé à prendre en compte, dans leurs orientations et leurs programmes, les impasses liées à la croissance économique ultra-libérale. Les conséquences sociales des Programmes d'ajustement structurel et l'inefficacité des filets de protection sociale sur les plus démunis ont amené les Institutions Internationales, et le PNUD en tête, à introduire dans leur réflexion  des idées alternatives. Si depuis F. Perroux nous savons que croissance et développement ne sont pas équivalents, l'introduction des idées proposées par Amartya Sen pour repenser le développement sur des bases plus 'humaines' permettent de placer l'être humain au coeur des préoccupations politiques, sociales et économiques.Le principal objectif  du développement humain " est d'élargir la gamme des choix offerts à la population, qui permettent de rendre le développement plus démocratique et plus participatif. Ces choix doivent 'comprendre des possibilités d'accéder aux revenus et à l'emploi, à l'éducation et aux soins de santé et' à un environnement propre ne présentant pas de danger. L'individu doit également avoir la possibilité de participer pleinement aux décisions de la communauté et de jouir des libertés humaines, économiques et politiques." d'après le PNUD. Cette définition rejoint celle proposée par Amartya Sen dans son Nouveau Modèle Economique et dans l'ensemble de son oeuvre. 

Cependant, cet enrichissement du contenu de la notion de développement nécessite d'être analysé plus finement. C'est la tâche que j'ai été amené à réaliser dès l'entame de mon travail de recherche.

 Le premier article publié, en 2005, dans la Revue Tiers-Monde, propose une présentation synthétique de l'Approche par les Capabilités, en questionnant toutefois la capacité qu'a cette approche à constituer un nouveau modèle économique normatif, en d'autres termes à proposer un nouveau paradigme du développement. La question étant alors de savoir quelle perspective nous offre l'approche proposée par Sen?

Le sous-titre de la version française d'Un nouveau modèle économique propose trois notions centrales dans l'oeuvre de Sen : le développement, la justice et la liberté. Le titre en anglais de l'ouvrage Development as Freedom met en exergue cette notion de liberté. Pour Sen, la liberté individuelle doit à la fois constituer le moteur du développement - il en offre une vision instrumentale - ainsi que le but ultime - il propose une vision constitutive de la liberté. L'articulation de ces deux rôles fait échos aux deux conceptions de la liberté retenues par Green au 19ème siècle et popularisées par Berlin à la fin des années 1960. Selon Green, il y aurait deux types de libertés, une première que l'on pourrait qualifier de négative (la liberté des modernes selon Benjamin Constant) - qui prendrait la forme d'une absence d'ingérence de la part d'autrui dans la vie de l'individu - et une seconde, la liberté positive (la liberté des anciens) - que l'on pourrait définir comme la capacité d'agir d'un individu. Si les libéraux ont accordé une importance accrue à la première, selon Sen, il s'agirait de ne pas sous-estimer la seconde, car c'est elle qui permet à l'individu, qui a acquis une forme d'autonomie, de mener les choix de vie qui lui paraissent les plus pertinents. Sen fait référence à la qualité d'agence (agency) et la liberté d'agence est cette forme de liberté qui permet à l'individu d'acquérir autonomie et responsabilité dans les choix qu'il effectue. Le bien-être individuel repose alors non seulement sur l'aspect négatif de la liberté - l'individu n'est libre que s'il n'est pas contraint - mais également sur l'aspect positif - l'individu n'est libre que s'il peut effectivement mener le type de vie qu'il valorise.

Le développement humain comme nous l'avons défini plus haut a pour finalité l'autonomisation de l'homme ; en ce sens, la liberté individuelle occupe une place centrale dans cette forme de développement. C'est la raison pour laquelle j'ai été amené à rédiger deux articles sur la question des liberté dans le développement. Le premier article, publié en 2005 dans la revue Economie et Sociétés, est une lecture critique de Development as Freedom tandis que le second article, publié chez L'Harmattan, en septembre 2007, revient sur l'importance des libertés dans l'approche de Sen et insiste plus particulièrement sur la manière dont les institutions internationales et notamment la Banque mondiale se sont réappropriées ces notions et les ont remodelées sous le vocable de l'empowerment.