N.B: Ces textes sont ceux qui ont été publiés. Ils ont été édités par les auteurs pour leurs audiences. Veuillez consulter les originaux dans les Archives Générales de la Société des Missionnaires d'Afrique à Rome (Italie)
Alger,
Messieurs,
Au mois d'août de l'année dernière, j'ai eu l'honneur de vous faire connaître que la S.C. de la Propagande venait de créer dans le Sahara et dans le nord du Soudan une mission nouvelle et que le Saint Père avait daigné m'en confier la direction avec le titre de Délégué Apostolique.
Je vous demandais, en même temps, Messieurs, de me mettre à même, par vos aumônes, de commencer l'œuvre immense et difficile dont je me trouve chargé. J'avais tellement compté sur elles, après l'accueil plein de bienveillance du Conseil de Paris, lorsqu'il a daigné m'admettre à l'une de ses réunions, que je n'ai pas hésité à escompter l'avenir et que je me trouverai aujourd'hui, si mes espérances n'étaient pas réalisées, dans un embarras véritable.
Voici en peu de mots, Messieurs, ce qui est déjà fait. La première chose et la plus essentielle étant de former de bons ouvriers, j'ai commencé par ouvrir un séminaire spécial de Missionnaires tout près d'Alger, sur la paroisse d'El-Biar. Les R.R.P.P. Jésuites ont bien voulu en accepter la direction, le R.P. Vincent, ancien maître des novices de leur Compagnie à Alger, a été placé à la tête de cet établissement.
Le séminaire reçoit des jeunes gens qui se destinent à la prêtrise et seront les missionnaires proprement dits, et, dans un rang inférieur, des frères qui seront Catéchistes. Les uns et les autres prennent, après un temps suffisant d'épreuves, l'habit et tout le genre de vie matériel des arabes, afin de se préparer à la vie du désert, qui est extrêmement pénible pour les européens, et qui serait mortelle si on ne s'y formait peu à peu d'avance. Quinze jeunes gens sont déjà entrés au Séminaire de la Mission. Quatre d'entre eux seulement ont été admis à prendre l'habit de missionnaires, ce sont les PP. Finateu, prêtre du diocèse d'Alger, Charmetant, prêtre du diocèse de Lyon, Bouland clerc minoré du diocèse de Belley, Deguerry, clerc minoré du diocèse de Belley . Mais les uns et les autres doivent encore y rester dix-huit mois, pour se préparer sérieusement par l'étude des langues arabe et berbère et par la prière à leur mission future.
En même temps que nous formons le corps de notre armée nous préparons les avant-postes et ce sont encore les PP. Jésuites qui nous rendent cet important service. Ils ont, sur ma demande, et avec les ressources que je leur fournis, établi à Laghouat, aux confins du désert, une maison composée de quatre religieux, deux Pères et deux Frères. Ils vont y ouvrir une école pour les enfants indigènes, dès que vos allocations m'auront permis de louer une maison nouvelle contigüe à la leur. En attendant ils se familiarisent avec les langues et les mœurs du pays. Enfin j'ai reçu dans nos orphelinats quelques enfants du Sahara et même du Soudan : c'est la première moisson que je recueille directement dans ce champ nouveau que le père de famille me confie.
Voilà donc trois œuvres simultanément commencées depuis six mois : le Séminaire de la mission, les premières installations de Missionnaires sur les confis du Sahara, l'éducation chrétienne d'un certain nombre de petits enfants venus du désert. Le nombre de ces derniers peut être facilement et considérablement accru, à cause de la facilité de les acheter aux caravanes sahariennes, soit au Mzab soit sur les marchés de Tunis.
Mais pour tout cela, Messieurs, il faut des ressources et vous seuls pouvez me les donner, et je suis déjà engagé pour une somme relativement considérable. La location de la maison qui sert de Séminaire coûte trois mille francs. L'entretien des élèves et des maîtres huit mille cinq cents francs. L'entretien de la mission et la location de la maison d'école pour les Jésuites de Laghouat deux mille cinq cents francs. L'éducation des enfants recueillis quinze cents francs, en tout 15.500 frs. J'ose espérer, Messieurs, que vous m'allouerez cette somme sur les réserves de l'exercice de 1868 ?
Veuillez agréer, Messieurs...
Charles, Archevêque d'Alger
Source: Ceillier, Jean Claude. Cardinal Lavigerie Anthologie de Textes Volume 1, 35-38.