Vers une spiritualité lasallienne

Production du Comité de Recherche Lasallienne

District France et d'Europe francophone

- janvier 2023 -

INTRODUCTION GÉNÉRALE

L’ouvrage que vous avez entre les mains ou que vous lisez sur le site mis à votre disposition est le fruit du travail du Comité de Recherche Lasallienne (CORELA) pendant plusieurs mois.

Ce Comité, créé dans le District pour approfondir la recherche sur des thèmes lasalliens et indiquer des ressources aux chercheurs, aux formateurs et aux personnes intéressées, est composé de huit personnes dont certaines ont signé les articles qui suivent[1].

 

Le thème de la recherche publiée aujourd’hui est la spiritualité lasallienne. Pourquoi mérite-t-il une nouvelle publication ? Parce qu’il s’agit d’un thème essentiel pour les éducateurs, un thème qui requiert le temps nécessaire à une lecture attentive pour une compréhension en profondeur. Les membres du CORELA sont bien conscients de la difficulté que cela peut représenter. C’est justement pour la dépasser que nous partageons le résultat de notre travail. Nous savons bien que de nombreux essais et articles ont été publiés sur ce thème depuis des décennies, mais les questions qui nous sont parfois posées nous montrent que nous les avons peut-être lus, puis oubliés.

 

D’autres Districts lasalliens dans le monde, et une commission animée par notre secrétariat à l’association à Rome, ont aussi publié des articles sur la spiritualité.

Ici, nous voulons offrir aux lecteurs et chercheurs francophones une introduction au thème, en forme d’outil, en forme de clé qui renvoie à plus grand, à plus élaboré, à plus complet.

Notre méthode a été la suivante : l’un ou l’une d’entre nous a rédigé une à deux pages qui synthétisent l’explicitation du thème envisagé et donne les références et les clés de lecture des textes plus longs, proposés sur le site dédié.

La version imprimée ne comporte que ces textes d’introduction et renvoie, pour lecture plus approfondie, au site dédié qui comprend les textes plus longs d’auteurs lasalliens d’aujourd’hui et des décennies passées.

 

Nous espérons qu’ainsi, avec ces premiers textes explicatifs et les références qu’ils donnent, nos lecteurs lasalliens d’aujourd’hui pourront facilement et de façon renouvelée, approfondir leurs propres connaissances et leurs découvertes, et qu’ils pourront plus facilement répondre à des demandes d’intervention sur la spiritualité lasallienne dans notre réseau éducatif ou au-delà.

 

Claude REINHARDT, FSC

Coordinateur du CORELA

DES DÉFINITIONS

1. Le mot spiritualité

Le dictionnaire Larousse en ligne[2] nous en donne deux brèves définitions :

Le mot spiritualité, un mot employé souvent aujourd’hui, avec des sens différents, et sans trop savoir …

-         Quand on entend une expression comme : un moment de spiritualité ou d’intériorité, que veut-on dire ?  Relation à soi-même, silence pour se trouver soi-même, recherche au-delà de soi-même ? Temps de silence solitaire ou partagé ? 

-         Ce mot est-il l’équivalent de « vie spirituelle », souvent comprise comme développement personnel, ou ouverture à des spiritualités, comme le note Françoise Delsol : les occidentaux d’aujourd’hui qui rejoignent des spiritualités ou des religions orientales comme le bouddhisme, n’adoptent pas leurs morales mais leur spiritualité (qu’ils identifient souvent au développement personnel).[3]

-         S’agit-il d’une activité de l’esprit, d’un exercice spirituel, de discipline intérieure, de recherche d’une/de la vérité ? Est-ce un essai de rapprochement avec le surnaturel, le divin, ou l’attention de l’intelligence sur des maximes reconnues comme vraies, comme conduisant au vrai ?

-         Se réfère-t-on à une spiritualité particulière qui a un contenu (héritée d’un fondateur ou d’un groupe, d’une tradition), des points de repères et des techniques, un corpus et une méthode ?

-         Comment comprenons-nous l’expression du présentateur de l’émission l’esprit des lettres, sur KTO : votre émission qui présente les livres de religion et de spiritualité ?


2. Des écoles de spiritualité

-         Chez les chrétiens, on parlera d’écoles de spiritualité. Le Père Raymond Deville, ancien supérieur de la Société de Saint-Sulpice, en a donné les caractéristiques principales.[4]

·       Une emphase mise sur un aspect ou un autre de la foi chrétienne, de la vie dans l’Esprit…

·       Une certaine manière de prier, de faire oraison et une compréhension spécifique de la mission.

·       Les écoles de spiritualité ont toujours leurs propres méthodes pédagogiques, implicites ou explicites (Jean-Baptiste de La Salle et son explication de la méthode d’oraison).

·       Chaque école a ses textes bibliques préférés qui requièrent une forte attention.

·       Finalement les écoles de spiritualité s’enracinent dans une expérience spirituelle intense. L’expérience qui donne naissance à une nouvelle école de spiritualité est généralement double : l’expérience de la vie intérieure personnelle du fondateur et l’expérience de la formation spirituelle des premiers disciples, vécue comme une nouvelle expérience qui a réussi.

C’est ainsi qu’on parle de spiritualité franciscaine, carmélitaine, bénédictine, etc.

 

3. Une spiritualité lasallienne

Dans la rubrique des spiritualités vécues des “Cahiers Carmélitains”, le Frère Aubert-Joseph, alors visiteur d’Égypte, écrivit un long et remarquable article sur la spiritualité lasallienne[5]. Il commence par définir le mot spiritualité d’une façon synthétique qui convient bien à celle dite « lasallienne » : l’esprit qui anime l’attitude, les pratiques, l’apostolat des membres d’une congrégation religieuse. Plus loin dans son introduction, il précise, parlant de Jean-Baptiste de La Salle : dans son œuvre spirituelle, dans la doctrine qu’il a laissée à ses fils, il a réussi, avec un sens remarquable de la mesure, une magnifique synthèse de la vie de prière et de la vie apostolique, marquant nettement pour des religieux-éducateurs laïcs, les points d’appui essentiels de leur vie spirituelle et de leur vie active.

C’est certainement cette « magnifique synthèse » qui est la caractéristique essentielle de la spiritualité lasallienne.

Lasalliens d’aujourd’hui, enseignants et éducateurs, nous savons et expérimentons, sans pouvoir toujours le définir brièvement ou l’articuler, que cette spiritualité dite lasallienne est une spiritualité « incarnée », comme le disent certains. Nous découvrons et vivons une spiritualité d’éducateurs, pour éducateurs, héritée de l’expérience du fondateur et des premiers frères, vécue puis enrichie par toutes les générations d’éducateurs depuis eux. Pour ceux qui s’approchent de la famille lasallienne et entrent progressivement dans son héritage pédagogique et spirituel, c’est aussi une spiritualité qui invite à son propre approfondissement et à son propre développement à partir de l’expérience nouvelle de chaque personne. C’est une spiritualité de l’action, une spiritualité en action. L’historien et biographe le plus récent de saint Jean-Baptiste de La Salle, Bernard Hours, ne parle-t-il pas d’un Mystique en action ?[6] 

 

Claude REINHARDT, FSC, mars 2023

1.     UNE SPIRITUALITÉ POUR LES ÉDUCATEURS D’AUJOURD’HUI

Après quelques années d’expérience professionnelle, beaucoup d’adultes dans notre société française se posent la question suivante : mon métier a-t-il un sens ? Des enquêtes et des témoignages nous le montrent : des adultes changent radicalement d’orientation et de profession pour trouver un métier qui ait du sens, dans la mesure où il intégrerait les relations humaines, les relations interpersonnelles, beaucoup plus que le métier qu’on laisse. Parmi ces adultes, certains s’orientent vers les métiers de l’éducation. Quelle est la compréhension lasallienne de ce métier ?

 

A.  Métier et vocation : partir de l’expérience de l’éducateur

Vocation : appel, appelé

Commençons par rappeler ce que les dictionnaires nous enseignent sur deux définitions du mot vocation : a) appel à …, et b) attirance, disposition pour quelque chose.

L’origine du mot est le latin vocare. Un petit coup d’œil sur les langues de nos voisins contribue à éclairer notre compréhension : l’anglais a emprunté le mot vocation, mais utilise aussi call (l’appel qui vient de, par exemple God’s call) et calling (it is my calling = c’est l’appel que je ressens, ma vocation) ; l’allemand est intéressant, qui à partir du mot Ruf l’appel, forme der Beruf : le métier et, avec des nuances de sens, die Berufung : la vocation.

Jean-Baptiste de La Salle dit aux Frères : Dieu vous a appelés !

C’est en partant de l’expérience vécue des premiers maîtres qui deviendront les premiers Frères que de La Salle les conduit à prendre conscience de l’appel dont ils sont les destinataires : ils sont appelés, envoyés, établis, aujourd’hui on ajouterait missionnés ! Il ne s’agit pas de spiritualité abstraite ou déductive d’une argumentation intellectuelle, mais de la découverte, de l’écoute attentive d’un appel, sur la base d’un travail professionnel, c’est-à-dire de l’expérience quotidienne d’enseigner les enfants des artisans et des pauvres.

 

Faites réflexion à ce que dit saint Paul que c’est Dieu qui a établi dans l’Église des apôtres, des prophètes et des docteurs et vous serez persuadés que c’est lui aussi qui vous a établis dans votre emploi…[7]

 

Vous ne devez pas douter que ce soit un grand don de Dieu, que la grâce qu’il vous fait de vous charger d’instruire les enfants, de leur annoncer l’Évangile et de les élever dans l’esprit de religion…[8]

 

C’est dans toute notre vie humaine, avec ses temps de lente croissance et ses moments décisifs, c’est dans les rencontres de notre vie, notre recherche spirituelle et notre découverte d’un Dieu qui aime toute personne humaine que nous prenons conscience que Dieu est là, au milieu de nous et qu’il nous appelle à le faire connaître. En effet, comme nous le dit Jean-Baptiste de La Salle reprenant saint Paul, il veut que tous soient sauvés et c’est vous qu’il a choisis pour l’aider dans cet ouvrage…[9] 

Des Vocations lasalliennes encore aujourd’hui ?

Notre expérience de la mission partagée et de l’association ainsi que les documents de l’Institut, nous invitent à promouvoir toutes les vocations lasalliennes aujourd’hui.

On le sait, les vocations de Frères aujourd’hui en France se font bien rares. Ce n’est pas le sujet de cet article, mais on peut au moins rappeler que les derniers « rentrés » dans l’Institut ont connu les Frères, soit comme élèves, soit comme collègues. La connaissance personnelle et le compagnonnage dans la mission ont compté de façon importante pour eux. Dans d’autres régions lasalliennes, la RELAN (Région Lasallienne d’Amérique du Nord) par exemple, tous les novices ont été jeunes enseignants laïcs avant d’entrer au noviciat. Et dans la RELAF (Afrique), tous ont été élèves dans des établissements où des Frères enseignent et forment communauté. Leur cheminement est clair : du métier à la vocation !

Métier et vocation chez les éducateurs laïcs 

Après le Concile Vatican II et le chapitre général des F.E.C. de 1966-1967, le recrutement des enseignants et éducateurs laïcs a été intense. De cette expérience du travail en commun entre Frères et Laïcs est né le questionnement sur les motivations, sur l’histoire de cette mission, sur la vie et l’œuvre du fondateur, alors même que se multipliaient les publications des recherches lasalliennes relancées dans les années 60.

Dès lors et jusqu’à aujourd’hui, les Districts (provinces) lasalliens ont créé, organisé et développé diverses sortes de formation et d’accompagnement : conférences, sessions brèves et longues, assemblées, stages et retraites pour traiter ensemble, entre Frères et Laïcs, les thèmes suivants et pour s’inscrire dans une dynamique de progression spirituelle et professionnelle :

-         Approfondir notre conviction que ce métier est plus qu’un métier, il est une vocation. Chacun et chacune peut en prendre conscience à partir de sa propre expérience et de son propre profil spirituel.

-         Découvrir progressivement, comme « dévoiler » le sens profond de ma vocation en éducation, à l’école de Jean-Baptiste de La Salle.

-         Ce « dévoilement » est possible car on découvre que la spiritualité lasallienne est une spiritualité « ouverte » et proposée à chacun(e), puisqu’elle est basée sur son expérience de vie dans son contexte particulier : son pays, sa culture et la façon de vivre l’association entre éducateurs dans le contexte local. La Déclaration de 2020 sur la MEL a quelques phrases intéressantes sur la question

-         On y découvre alors l’itinéraire d’un fondateur qui peut nous inspirer, on se met, pour ainsi dire, « à l’école » de Jean-Baptiste de La Salle. On lit ses écrits, mais on découvre surtout son itinéraire de vie, un contexte familial, social et ecclésial, puis la succession des événements et des rencontres qui ont marqué sa vie, occasions d’un discernement personnel puis communautaire qui conduit, à chaque étape de la vie, à un engagement nouveau, sans révélation fulgurante ou spectaculaire, mais avec décision dans la foi et détermination dans l’action qui en découle.

-         Dieu qui conduit toutes choses avec sagesse et avec douceur et qui n’a point coutume de forcer l’inclination des hommes, voulant m’engager à prendre entièrement le soin des écoles, le fit d’une manière imperceptible et en beaucoup de temps, de sorte qu’un engagement me conduisit dans un autre, sans l’avoir prévu dans le commencement.[10]

-         Se mettre à l’école de Jean-Baptiste de La Salle, c’est aussi recevoir et comprendre sa pensée et son message, repérer les nombreuses références à la Parole de Dieu, lire ses méditations et ses lettres, découvrir la grandeur du métier et la profondeur de la vocation, s’entendre appelé ambassadeur et ministre, percevoir l’unité profonde de la vie de l’éducateur chrétien qui, dans son métier vécu comme vocation, vit son baptême.

 

Ces thèmes, avec leurs variations et leurs nuances, nous allons les approfondir dans les pages qui suivent, vous suggérant de nous accompagner.

Pour le faire, tissons entre nous les liens de la fraternité, car rien ne se comprendrait vraiment hors d’une relation fraternelle. Pour servir les enfants et les jeunes, et surtout les pauvres, Jean-Baptiste de La Salle a fondé une communauté de Frères qui a elle-même engendré d’autres communautés, comme aimait à le répéter le Frère John Johnston, ancien supérieur général.

La fraternité nous enjoint de partager notre expérience avec nos collègues et de faire découvrir aux jeunes leur propre vocation !

 

Claude REINHARDT, FSC, mars 2023

 

B.  Au cœur : la relation fraternelle

Si « l’esprit de cet Institut » est un esprit de foi et un esprit de zèle[11], il est aussi un esprit de communauté et de fraternité ! Au cœur des relations humaines de cette communauté se trouve beaucoup plus qu’un simple esprit d’entreprise ou celui d’une collaboration professionnelle même bienveillante et motivée. Du premier groupe de maîtres réuni par La Salle, graduellement structuré et organisé par lui, va naître une communauté, une nouvelle société (petite et humble dans ses commencements) de maîtres chrétiens, qui vont prendre le nom de Frères, vivre de façon uniforme, et faire apparaître un « nouveau style », une nouvelle manière d’éduquer et d’être en relation avec les élèves et entre eux.

L’esprit de fraternité

Certes, les chrétiens se comprennent comme frères et sœurs de toute autre personne humaine, fils ou fille de Dieu, du même Dieu et père. Oui, la fraternité est inscrite dans la devise de la République française (liberté, égalité, fraternité). Que veut-on dire alors quand on parle de fraternité lasallienne ?

Pourquoi rencontre-t-on en France ce mouvement qui a pris le nom de Fraternité éducative La Salle, où, dans les fraternités locales, l’on se réunit pour réfléchir et partager sur son propre métier comme vocation ? Pourquoi les Frères des Écoles Chrétiennes d’aujourd’hui comme d’hier font-ils le pari de vivre en communauté fraternelle, communauté de prière et de vie quotidienne, communauté stable de Frères associés dans la mission d’éducation.

Et enfin, comme l’écrit le Frère André-Pierre Gauthier[12], n’est-il pas audacieux de parler de fraternité à l’école, malgré les limites et le cadre que ce lieu impose, ou propose ?

La fraternité lasallienne naît de la charité qui conduit à servir les pauvres par l’éducation humaine et chrétienne, une éducation qui inclut donc transmission de connaissances et annonce de l’Évangile. S’agissant d’une telle annonce, on peut penser que la fraternité est la condition requise pour l’annonce heureuse de l’Évangile et pour sa réception par les enfants pauvres, dans le respect du maître/frère qui leur est proche et dans la confiance qu’il inspire. Elle est aussi la conséquence de cette annonce et de tout ce qui est vécu dans l’école et qui conduit justement à vivre cette fraternité.

Mais la fraternité n’est pas donnée par un diplôme ou une qualification professionnelle, comme un ingrédient dans le « kit » du succès aux examens et concours. C’est une dimension qui s’apprend dans la prière, dans l’étude et dans les relations elles-mêmes, entre collègues et avec les jeunes. Blain, biographe du fondateur, cité par le Frère Léon Lauraire[13], montre les étapes et les éléments qui ont permis ce progrès intérieur et extérieur dans l’expérience éducative : par leur formation, dont les retraites annuelles, les Frères deviennent Frères entre eux. Au noviciat puis dans les années de formation pédagogique et le contact rapide avec la pratique, qui comprend un travail en équipe et l’accompagnement par un frère inspecteur des écoles, ils deviennent les Frères aînés de ceux qui viennent recevoir leurs leçons. Travail sur soi donc, par la vie de prière et l’oraison, le travail en communauté dans l’étude et les tâches éducatives, dans la mise en œuvre de la Conduite des Écoles[14], et grâce à l’accompagnement ; voilà les éléments qui, vécus dans un même élan charismatique après Jean-Baptiste de La Salle et les premiers Frères, permettent la maturation et l’épanouissement de la fraternité ! 

 

Ce nom (de Frères) leur apprend que la charité qui a donné naissance à leur Institut, doit en être l’âme et la vie… (…) Il leur dit que, Frères entre eux, ils se doivent des témoignages réciproques d’une amitié tendre, mais spirituelle et que devant se regarder comme les frères aînés de ceux qui viennent recevoir leurs leçons, ils doivent exercer ce ministère de charité avec un cœur charitable.[15]

 

Frères entre eux

Aujourd’hui, chacun selon sa propre vocation peut développer cette dimension, les Frères bien sûr, et les nombreux Laïcs, hommes et femmes engagés aujourd’hui dans la mission d’éducation. La famille lasallienne nous offre justement les conditions pour vivre et développer cette dimension de la fraternité, dans le grand élan de l’association pour le service éducatif des pauvres et des jeunes qui nous sont confiés.

Frères aînés des jeunes

À l’école de Jean-Baptiste de La Salle, pas de châtiment corporel, pas d’autorité agressive et en surplomb, mais un maître qui donne l’exemple et qui, par sa présence et ses paroles, instaure une relation personnalisée, sur fond de bienséance[16], de civilité et de respect. La fraternité se vit alors vraiment : le maître est présent, la relation est ajustée, ni faible ou démagogique, ni autoritaire ou agressive, l’élève aussi est présent, il se sait respecté et aimé, il a confiance. Présence et confiance permettent transmission des connaissances et annonce de l’Évangile.

L’esprit de fraternité s’entretient et grandit

L’esprit de fraternité n’est pas un état d’esprit immobile. Il se conquiert et grandit par les efforts quotidiens sur soi-même, la volonté de servir les jeunes au mieux, la détermination à serrer les liens de l’association entre éducateurs, le respect du projet fondateur en même temps que la mise à jour de nos projets éducatifs locaux. L’esprit de fraternité grandit encore, souligne Léon Lauraire cité plus haut, dans des équipes éducatives solidaires, conviviales et ouvertes.

Chacun et chacune découvre alors que la fraternité n’est pas une notion vague ou un mot à la mode, mais qu’elle est pour lui/elle, la façon la plus excellente de vivre sa vocation.  

 

Claude REINHARDT, FSC, Mars 2023

 

C.   La communauté (de vie, de mission, associés)

 

Que ce Chapitre soit un temps de naissance et de renaissance pour les communautés lasalliennes, les communautés de Frères, les communautés de Laïcs et de Frères, les communautés de Laïcs lasalliens, qui s’évangélisent les unes les autres afin d’aller annoncer joyeusement la Bonne Nouvelle aux sœurs et aux frères qui ont faim d’espérance et de possibilités.[17]

 

Le mot « communauté » aux origines de l’Institut

Dès les origines de l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes, le mot communauté est omniprésent. Dans son Mémoire sur l’habit (1690), Jean-Baptiste de La Salle précise que cette Communauté se nomme ordinairement la Communauté des Écoles chrétiennes et n’est présentement établie ni fondée que sur la providence. On y vit avec règles, avec dépendance pour toutes choses, sans aucune propriété et dans une entière uniformité. 

On s’y emploie, dans cette Communauté, à tenir les écoles gratuitement dans les villes seulement, et à faire le catéchisme tous les jours, même les dimanches et fêtes[18]. Dans ce court texte le mot communauté apparaît 40 fois[19]. Le mot communauté désigne alors l’ensemble des Frères dispersé en diverses maisons.

Lors de la première assemblée des principaux Frères (1686), ceux-ci délibèrent sur la dénomination de la communauté[20]. À cette occasion, le débat porte principalement sur l’émission de vœu(x) afin de concrétiser l’engagement communautaire. Un seul sera choisi, celui d’obéissance[21], et pour une durée temporaire de trois ans (renouvelable). En effet, Jean-Baptiste de La Salle ne veut pas précipiter les choses et préfère un vœu temporaire et le limiter à celui qui pour lui est essentiel à une véritable vie communautaire.

En 1694 sont prononcés les trois premiers vœux perpétuels : association pour le service éducatif des pauvres, stabilité dans l’Institut et obéissance. Le mot « communauté » est remplacé par celui de « Société » pour désigner l’ensemble des Frères. La communauté va alors désigner chaque maison des Frères avec son directeur.

Ces deux notions communautaires sont aussi présentes dans les Règles communes[22]. Jean-Baptiste de La Salle, au chapitre 3, précise qu’on fera paraître dans cet Institut et on y conservera toujours un véritable esprit de communauté[23]. Puis il détaille que cela concerne aussi bien les exercices (temps de prières), que le réfectoire, le dortoir, les récréations. Temps où le silence est privilégié. 

Ces aspects sont repris aussi bien dans la Déclaration sur la mission éducative lasallienne dès la première partie au point 3 (La Conduite des écoles chrétiennes : un projet communautaire)[24] ; que dans l’actuelle Règle des Frères des Écoles chrétiennes

La communauté dans la Règle d’aujourd’hui

Dans la dernière Règle (2015), le chapitre 4 est consacré à la vie communautaire. Mais le mot communauté apparaît dans les autres chapitres. C’est le mot le plus employé, sous différents angles : apostolique, de foi et de prière, éducative, fraternelle. Auxquels il faut rajouter le mot fraternité.

Dès le début du chapitre 4, au point 45, la Règle indique que Jean-Baptiste de La Salle a été conduit à fonder une communauté d’hommes qui, éclairés par Dieu et communiant à son dessein salvifique, se sont associés en vue de répondre aux besoins d’une jeunesse pauvre et loin du salut. Aujourd’hui encore, toute communauté de Frères puise en cet événement ses motivations fondamentales[25]. Ainsi, la communauté n’existe que pour répondre au mieux à sa mission, celle d’éduquer comme le précise le point 45.1 : Pour chaque Frère, la communauté est un lieu privilégié pour évangéliser sa vie, s'épanouir humainement et discerner les besoins éducatifs. Les Frères, par leur présence et leur participation active, construisent une communauté consacrée et fraternelle, vouée à la mission[26]. Nous remarquons aussi que la communauté, au-delà de sa mission éducatrice, est aussi un lieu d’épanouissement social et spirituel pour chaque Frère. 

Mais vivre en communauté ne va pas de soi et exige l’intervention divine car la vie communautaire des Frères est, avant tout, un don de Dieu, qu’ils reçoivent par Jésus-Christ présent au milieu d’eux. C’est Lui qui leur donne l’Esprit d’amour qui habite en chaque Frère et fait l’unité de la communauté (point 48)[27]. Dieu est au centre et à l’origine de la communauté. Une communauté à construire en permanence car vouée au ministère apostolique d’éducation, la communauté sait que la mission est toujours à découvrir, aux différentes étapes de la vie et au contact de nouvelles réalités. Aussi participe-t-elle à la révision des objectifs comme des méthodes, dans une attitude de recherche évangélique et de remise en question de la valeur pastorale de son activité (point 54)[28].

Afin de perdurer, une communauté ne doit pas se refermer sur elle-même, mais doit être accueillante : les Frères cherchent à partager largement la fraternité qu’ils cultivent dans leur communauté. Celle-ci, maison et école de communion, est ouverte activement aux autres, avec générosité, spécialement aux Partenaires, aux jeunes en recherche de vocation et aux proches parents de ses membres. Cette ouverture doit s’harmoniser avec les exigences de la vie personnelle et de la vie communautaire (point 52)[29]. Un partage communautaire particulièrement vécu avec les laïcs membres des fraternités, comme le rappelle le texte de la Déclaration[30].

La communauté (famille) lasallienne

Un courant spirituel naît d’un fondateur que des disciples vont partager. Pour Jean-Baptiste de La Salle se seront les Frères des Écoles chrétiennes. Mais depuis la deuxième moitié du XXe siècle, des laïcs, de plus en plus nombreux dans les établissements dit des Frères, vont demander à pouvoir eux aussi vivre de cette spiritualité, faisant de leur métier d’éducateur une vocation d’Église. En France cela sera acté notamment lors du Chapitre de 1986 et la création du CLF[31]. Un mouvement qui va devenir international, avec la mise en place de l’AIMEL[32] et d’un corpus de textes dont l’un des derniers est la Déclaration

La pierre angulaire qui soutient la construction de cette mission a été et sera toujours la communauté[33]. C’est par cette phrase que débute le chapitre 2 de la troisième partie de la Déclaration. Car être lasallien c’est appartenir à une communauté et s’engager au sein de cette même communauté dans une tâche commune[34]. La communauté et la mission sont indissociables, l’avers et le revers d’une pièce de monnaie. La communauté n’existe que pour une mission : l’éducation (chrétienne et humaine). 

Dans notre tradition, l’Association lasallienne se décline en cinq caractéristiques : la mission, la communauté, la vocation, la spiritualité, l’ouverture universelle. Une mission qui repose sur trois piliers que sont la foi, la fraternité et le service. Comme un siège à trois pieds, il suffit qu’un seul manque pour qu’il y ait instabilité, effondrement. Pour Jean-Baptiste de La Salle, le service correspond à un zèle ardent. 

La communauté est donc intrinsèquement liée à notre tradition, à notre mission éducative. 

Dans sa conclusion, la Déclaration indique 12 propositions, 12 affirmations. La quatrième est ainsi formulée : 

 

Nous croyons que la communauté éducative est un élément clé de la construction de la personne et de la transmission des valeurs. La fraternité et le sens de la communauté sont la plus grande et la meilleure contribution de la pédagogie lasallienne aux processus éducatifs. Cette fraternité favorise la croissance harmonieuse des personnes, aide à trouver un sens à la vie, permet la création de liens affectifs et solidaires, communique la sécurité et le respect des différences. De plus, elle aide à construire des rêves communs et des engagements transformateurs.[35] 

 

Des aspects de la communauté éducative rejoignent ainsi ceux de la communauté de Frères. Une communauté de vie, de mission et d’association pour le service éducatif[36]. 

 

Dominique CELLIER, FSC, Mars 2023

2.   LA PAROLE DE DIEU CHEZ JEAN-BAPTISTE DE LA SALLE

La Parole de Dieu qui questionne, qui illumine et fait comprendre le sens de la vie et des engagements, est une des expériences fondatrices de la première Communauté des Frères. Le texte de la Règle de 1718[37] indique une pratique qui a vivifié et qui vivifie les Communautés : les Frères portent sur eux le Nouveau Testament et en font une lecture quotidienne. La Conduite des Écoles chrétiennes signale un des moments où le Maître s’approprie cette Parole : avant de commencer la classe[38]. Ici, la lecture de la Parole de Dieu est directement liée à la Mission, puisque le Maître est en classe, devant ses élèves, le texte signale encore que tout en lisant, le Maître « veille ».

La posture de Jean-Baptiste de La Salle

Jean-Baptiste de La Salle, dans son interprétation des Écritures s’en tient aux méthodes qui avaient cours à son époque. Dans ses écrits, on ne le voit jamais discuter une interprétation des Écritures ou proposer une exégèse. Les réflexions exégétiques, même celles qui étaient traitées à son époque, ne figurent pas dans ses réflexions. Sa lecture et son interprétation sont généralement marquées par celles des Pères de l’Église.

Mais ce qui est caractéristique, et qui mérite d’être souligné : Monsieur de La Salle tient à ce que les Frères aient un contact direct et vivant avec la Parole de Dieu : c’est tout à la fois la source et l’expression de leur oraison, c’est l’objet d’une lecture quotidienne, c’est encore une présence physique proche, puisque les Frères portent toujours le Nouveau Testament sur eux, et c’est aussi la clef d’interprétation de leur ministère, comme le montrent les Méditations pour le Temps de la Retraite.

La Parole de Dieu dans l’Explication de la Méthode d’Oraison

Elle rappelle en toute occasion que l’oraison part de la Parole de Dieu et chemine avec elle. Les modèles d’actes et de prières que propose le Fondateur dans sa Méthode, sont un véritable tissu de citations bibliques. 

Jean-Baptiste de La Salle aime à prier le Mystère de l’Humanité du Seigneur. Le Dieu qu’il prie est un Dieu qui vient dans le monde, un Dieu qui se fait proche. L’insistance sur l’Incarnation est révélatrice de cette conscience de la présence réelle et actuelle de Dieu en Jésus-Christ, dans l’Histoire des Hommes et dans l’Histoire de chaque Frère.

Dans l’Explication de la Méthode d’Oraison, le lien est étroit entre « Parole de Dieu » et oraison. Ce lien est la base de la proposition lasallienne d’oraison. Il faut se rappeler que pour Jean-Baptiste de La Salle, l’oraison est conversation avec Dieu sur ce que l’on vit ou que l’on voudrait vivre ; une conversation qui emprunte les paroles mêmes de Dieu et de Jésus pour être vivante. Si Dieu me parle, je lui réponds avec ses propres paroles ; et aussi la volonté d’entrer dans son mystère et d’y demeurer. L’enseignement de l’Explication de la Méthode d’Oraison est que l’oraison est confrontation de la Parole de Dieu et de la vie et des engagements de celui qui prie. Dieu se révélant sans cesse et dans sa Parole et dans nos vies ; de plus, Dieu est toujours présent à son œuvre, à sa création, à ses créatures.

Les Méditations

Les Méditations pour les Dimanches sont habituellement des commentaires de l’Évangile du jour (ou du mystère qui est célébré), le lien avec la vie des Frères ou celle des Communautés y est toujours mis en valeur. Quant aux Méditations pour le Temps de la Retraite, elles sont une réflexion sur la mission des Frères à partir de l’Écriture sainte, tout particulièrement les Épîtres de saint Paul. En y présentant une Histoire du Salut actualisée dans l’Histoire des Écoles chrétiennes, Jean-Baptiste de La Salle conduit les Frères à la lire et à la comprendre comme leur histoire personnelle, une Histoire sainte où Dieu est présent aux hommes, dans leur vie quotidienne, une histoire faite avec Dieu. Les Frères font l’expérience de « l’ici et maintenant » de Dieu dans leur vie, au présent. C’est dans cette histoire actuelle que le Christ continue de se révéler et que l’on chemine avec Lui. Il n’est pas possible de comprendre et d’interpréter cette histoire, sans plonger aussi dans l’Écriture sainte, afin d’être questionné par elle et d’y trouver le modèle, et le sens, de ce qui arrive.

Dans les Méditations pour les Fêtes des Saints, Jean-Baptiste de La Salle rappelle fréquemment aux Frères la nécessité dans laquelle ils sont de lire la Parole de Dieu, de la connaître, de la méditer, de la comprendre. Ceci apparaît de manière très significative à l’occasion de la fête des Évangélistes ou des Apôtres ou de certains Pères de l’Église, comme saint Jérôme.

À propos de la lecture des Livres saints, Jean-Baptiste de La Salle emploie des expressions comme : instruire, puiser les vérités, étudier, vous deviendrez savants dans la science des saints, faites souvent votre étude, savoir, écoutez, lisez, vous instruire vous-mêmes à fond, qui désignent toutes surtout une activité intellectuelle. D’autres termes corrigent cette impression : « méditer souvent, nourrissez tous les jours votre âme… méditant souvent, ils servent de règle de conduite, dans l’oraison, vous appliquer à l’oraison ; ainsi que tout ce qui concerne la pratique » ; ici, plus qu’un savoir, la connaissance de l’Écriture est une rencontre avec le Seigneur. Elle nourrit la vie des Frères, elle nourrit leur prière, elle nourrit aussi leur apostolat.

Parole de Dieu et Ministère éducatif

Le même mouvement qui conduit le Maître à la rencontre de Jésus-Christ comme Parole Vivante, se poursuit dans le ministère. Il étudie, médite l’Écriture Sainte, y apprend à connaître Jésus-Christ, pour le communiquer à ses disciples. L’expérience de Jésus-Christ dans l’Écriture Sainte peut se transformer en Conduite des Écoles chrétiennes et guider la pratique du ministère du Maître. Ceci apparaît particulièrement dans les Méditations pour le Temps de la Retraite.

 

Pour porter les enfants que vous instruisez à prendre l’esprit du christianisme, vous devez leur apprendre les vérités pratiques de la foi de Jésus-Christ et les maximes du Saint Évangile.[39]

 

Le rapport entre l’Évangile, la pratique de Jésus-Christ (ou de Dieu) et le comportement du Maître, dans son emploi plus particulièrement, est fortement souligné.

 

Méditez souvent les paroles de l’Écriture Sainte pour vous encourager à faire le bien et à vous conduire suivant l’esprit de votre état.[40]

 

Le texte de MF 102,2, pour la fête de saint Ignace, martyr, établit clairement ce lien entre le Maître, « les enfants que vous formez », et l’Évangile :

 

Comme il était tout à Jésus-Christ, et qu’il s’était consacré à lui pour prêcher l’Évangile, il voulait aussi que les chrétiens à qui il enseignait sa doctrine, ne s’attachassent qu’à Jésus, et ne travaillassent que pour lui.

Si vous aimez bien Jésus-Christ, vous vous appliquerez avec tout le soin possible à imprimer son saint amour dans les cœurs des enfants que vous formez pour être ses disciples. Faites donc en sorte qu’ils pensent souvent à Jésus, leur bon et unique Maître, qu’ils parlent souvent de Jésus, qu’ils n’aspirent qu’à Jésus et qu’ils ne respirent que pour Jésus.[41]

 

      Jean-Louis SCHNEIDER, FSC, Mars 2023

3.    QUELQUES ÉLÉMENTS DE LA SPIRITUALITÉ LASALLIENNE

A.  Le salut offert à tous

Être sauvé, obtenir le salut : qu’est-ce que cela signifie ?

 

Le mot salut comprend un élément négatif (sauvé de) et un élément positif (sauvé pour). En termes religieux cela signifie être sauvé de la condition humaine de péché et de mort, et être sauvé pour la vie éternelle en union avec Dieu. La doctrine selon laquelle le salut vient de Dieu par Jésus Christ est au cœur de la foi chrétienne. Bien que le salut soit opéré par la grâce de Dieu, l’effort humain est exigé pour sa réalisation.[42]

 

C’est croire en Jésus qui permet d’être sauvé, car le Christ a accompli l’œuvre de rédemption, il s’est livré Lui-même en sacrifice et a été crucifié pour racheter nos péchés. 

C’est aussi un don de Dieu créateur, du Dieu à l’œuvre au cœur du monde pour lui donner consistance et réalité – s’il est aussi don du Dieu Rédempteur[43]. Il est accompli d’une façon mystérieuse par l’action de la grâce de Dieu et de l’effort humain ; le salut nous vient par la communauté de l’Église et par l’action des individus dans son sein ; bien qu’il y ait un rapport entre le salut en ce monde et le salut éternel, l’expérience complète du salut dans l’expérience ultime de l’union intime avec Dieu transcende les limites de ce monde, ses réalisations pour le bien, et son histoire.[44]

L’éducation chrétienne au service du salut

Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité[45]. Pour cela, les jeunes ont besoin de guides vigilants pour leur apporter les lumières nécessaires qui puissent les conduire sur le chemin du salut[46]. Ce salut concerne la personne tout entière. [Pour l’éducateur, l’enseignant l’adulte], il s’agit d’éveiller l’élève aux réalités qui structurent la vie humaine : les relations, les comportements éthiques, la vie intérieure, l’ouverture à la transcendance qui est le signe de l’humanité…[47]

Pour les éducateurs, enseignants, adultes, s’ils sont chrétiens, la spiritualité lasallienne leur manifeste comment ils sont les « coopérateurs » ou « ambassadeurs de Dieu » auprès des jeunes. Elle leur dit comment leur engagement au nom de l’Évangile et de l’Église est au service du « salut » des jeunes, de tous les jeunes, un salut qui prend en compte tout ce qui fait leur vie, qui est croissance humaine de toutes les dimensions de leur existence, et qui en révèle la dimension transcendante et éternelle. S’ils appartiennent à d’autres traditions ou sensibilités spirituelles, la spiritualité lasallienne leur donne des points de repère pour que leur travail soit compris comme une contribution à la construction d’une humanité fraternelle, capable de se dépasser en recherchant le vrai, le bien, le beau[48]. Quelques phrases aussi dans la déclaration de 2020 sur la MEL

La spiritualité lasallienne déborde en un « zèle ardent » pour le salut des âmes par le travail apostolique de l’éducation chrétienne[49]Élever construit l’Église, ce qui veut dire encore qu’on ne se sauve pas tout seul. Le salut passe par la médiation de l’amour de Jésus-Christ, manifesté par le Maître qui se préoccupe du salut des enfants : « aimez ceux que Dieu vous a confiés, comme Jésus-Christ a aimé son Église ». Ce zèle se traduira par des marques sensibles d’amour : instruire, élever, mettre en état de paraître, faire connaître les richesses de la grâce, les faire devenir les héritiers du Royaume[50].

 

 

Dans quel but ? : construire le Royaume…

 

Dans l’éducation est impliqué le « salut » des enfants, un salut qui concerne la vie terrestre et la vie éternelle. De ce fait, c’est donner à l’acte éducatif une portée infinie qui dépasse la simple transmission de connaissances. En outre, pour que les élèves perçoivent la possibilité d’un monde qu’en langage biblique nous appellerions le « Royaume de Dieu » la relation éducative doit être de type fraternel. L’école chrétienne s’inscrit bien dans ce projet de « connaissance salvifique ». Outre la transmission de connaissances religieuses elle doit viser à l’éveil au vrai, au beau, au bien ; elle doit promouvoir des relations humaines placées sous le signe de la bienveillance, du respect, du dialogue ; elle doit être attentive et initier à la vie intérieure ; elle doit inciter à repérer les signes de la transcendance qui fonde l’existence humaine et l’appelle au dépassement de soi et du monde. Tout ce qui y contribue dans la sphère profane comme spécifiquement religieuse participe à cet égard de l’action pastorale dans une école chrétienne.[51]

 

Le Royaume de Dieu n’est pas clairement défini, il n’a pas de limites spatio-temporelles : il est à la fois présent au milieu de nous et à venir, comme une promesse. C’est un mystère. Il repose sur les valeurs chrétiennes : amour, humilité, justice, paix… Son entrée est à chercher, c’est un chemin de conversion qui doit aboutir à un avenir meilleur sur terre et dans les cieux.

 

Magalie DEVIF, Mars 2023

 

B.  L’esprit de foi et l’abandon à la Providence

Le plus important, c’est l’esprit…

Le chapitre sur l’esprit de foi des Règles Communes (1718) commence ainsi :

 

Ce qui est de plus important et ce à quoi on doit avoir plus d’égard dans une communauté, est que tous ceux qui la composent aient l’esprit qui lui est propre : que les novices s’appliquent à l’acquérir et que ceux qui y sont engagés mettent leur premier soin à le conserver et à l’augmenter en eux ; car c’est cet esprit qui doit animer toutes leurs actions et donner le mouvement à toute leur conduite, et ceux qui ne l’ont pas et qui l’ont perdu doivent être regardés et se regarder eux-mêmes comme des membres morts, parce qu’ils sont privés de la vie et de la grâce de leur état, et doivent aussi se persuader qu’il leur sera très difficile de se conserver dans la grâce de Dieu.[52]

 

Jean-Baptiste de La Salle compose cette introduction au chapitre sur l’esprit de foi de la Règle de 1718 au moment où les Frères, après le Chapitre Général de 1717 lui demandent de réviser le texte des Règles. Le Fondateur est au soir de sa vie, il a laissé les responsabilités de gouvernement entre les mains du Frère Barthélemy, il accompagne les novices de Saint-Yon en leur livrant son expérience de l’oraison et il répond aux sollicitations des Frères responsables de l’Institut. Le temps de la fondation se termine, l’Institut a commencé à prendre le visage que nous lui connaissons, il est animé et conduit par les Frères eux-mêmes. Aussi, ce paragraphe introducteur apparaît-il comme l’ultime message public que Jean-Baptiste de La Salle adresse, non seulement aux Frères ses contemporains, mais également à tous ceux qui, dans la suite, recevront cet esprit de foi comme l’esprit de leur état et de leur ministère.

La Méditation pour le Dimanche de la Pentecôte peut éclairer notre compréhension de l’esprit de foi, en reliant celui-ci à l’Esprit Saint. L’esprit de foi appartient à la plénitude de l’Esprit Saint : 

 

Vous avez besoin de la plénitude de l’Esprit de Dieu dans votre état, puisque vous devez n’y vivre et ne vous y conduire, que selon l’esprit et les lumières de la foi. Et, il n’y a que l’Esprit de Dieu qui puisse vous mettre dans cette disposition.[53] 

 

Cette force singulière qui procède de l’Esprit se manifeste selon un double aspect, que Monsieur de La Salle désigne comme foi et zèle : c’est la vie de Dieu qui nous remplit et qui déborde pour se communiquer ensuite aux autres :

 

  Vous exercez un emploi qui vous met dans l’obligation de toucher les cœurs. Vous ne le pourrez faire que par l’Esprit de Dieu. Priez-le qu’il vous fasse aujourd’hui la même grâce qu’il a faite aux saints Apôtres et qu’après vous avoir remplis de son Esprit pour vous sanctifier, il vous le communique aussi pour procurer le salut des autres.[54]

 

Fin de l’Institut et esprit de foi

Le chapitre 11 du Recueil ouvre une autre piste, dans la ligne de ce qui précède d’ailleurs, en faisant le lien entre l’esprit de foi et la fin de l’Institut : 

 

La foi doit servir de lumière et de guide à tous les chrétiens pour les conduire et les diriger dans la voie de leur salut. C’est ce qui fait dire à saint Paul que le juste, c’est-à-dire le véritable chrétien, vit de la foi, parce qu’il se conduit et qu’il agit par des revues et des motifs de foi ; c’est pour ce sujet qu’il est d’une grande conséquence que les Frères des Écoles chrétiennes, qui ont pour fin de leur Institut d’élever les enfants qui sont confiés à leurs soins dans l’esprit du christianisme, et de faire en sorte de le leur procurer, soient si pénétrés et si abondamment remplis de l’esprit de foi qu’ils regardent les sentiments et les maximes de foi comme la règle de leurs actions et de toute leur conduite, et l’esprit de foi comme l’esprit de leur Institut.[55]

 

Jean-Baptiste de La Salle ne se situe pas d’abord dans le cadre de la « communauté », mais parle de ce qui caractérise tous les chrétiens ou le véritable chrétien. Elle est une caractéristique de l’identité chrétienne. Le Fondateur n’oppose nullement ces deux « commencements », car la suite de son développement est pratiquement identique dans les deux textes. En fait, on peut dire qu’il nous propose deux portes d’entrée dans l’esprit de foi, celle de la cohérence de la communauté et celle de la mission d’éduquer. D’ailleurs, dans ses Méditations, Monsieur de La Salle fait clairement le lien entre l’esprit de foi et le ministère auprès des jeunes. Il souligne cette dimension dans les 2e et 3e points de la Méditation 139, pour la fête de saint Pierre. Il emploie, pour dire la mission, l’expression « toucher les cœurs » et parle de « miracle » :

 

Soyez persuadés que vous ne contribuerez au bien de l’Église, dans votre ministère, qu’autant que vous aurez la plénitude de la foi, et que vous vous conduirez par l’esprit de foi, qui est l’esprit de votre état et dont vous devez être animés. 

Avez-vous une foi qui soit telle qu’elle soit capable de toucher les cœurs de vos élèves et de leur inspirer l’esprit chrétien ? C’est le plus grand miracle que vous puissiez faire, et celui que Dieu demande de vous puisque c’est la fin de votre emploi.

 

Et dans la Méditation pour la fête de saint Pierre le Martyr :

 

Avez-vous une foi aussi vive que ce saint, vous qui êtes obligés d’exceller dans l’esprit de foi, ayant à enseigner aux enfants les maximes du saint Évangile et les mystères de notre religion ? Dites souvent à Dieu avec les saints Apôtres : Seigneur, augmentez notre foi.[56]

 

Avant tout, l’esprit de foi introduit la personne dans un chemin de conversion, mettant toute sa vie dans la lumière et sous l’impulsion de la foi. La foi convertit sans cesse le regard, lui permettant de reconnaître dans le monde, dans l’histoire et dans l’homme l’action salvatrice de Dieu. Elle convertit l’intention, ordonnant toute l’activité à l’accomplissement de l’œuvre du salut. Et elle convertit le cœur, le disposant toujours davantage à l’abandon confiant à la conduite de Dieu. Il s’agit d’un itinéraire de foi et non une situation intangible, aussi parfaite soit-elle, comme le montrent les expressions qu’il emploie tout au long de ce chapitre 2 de la Règle : mettent leur premier soin à le conserver et à l’augmenter en eux... ils auront toujours en vue les ordres et la volonté de Dieu... par lesquels ils auront égard de se conduire et de se régler... ils s’appliqueront à avoir une grande retenue des sens... ils s’étudieront à avoir une continuelle vigilance sur eux-mêmes... s’il leur est possible... ils feront le plus qu’ils pourront attention...[57]

Trois effets de l’esprit de foi

Monsieur de La Salle énumère trois effets de l’esprit de foi dans le second chapitre des Règles Communes : ne rien envisager que par les yeux de la foi, ne rien faire que dans la vue de Dieu, attribuer tout à Dieu.[58]

Ne rien envisager que par les yeux de la foi

La tournure négative, fréquente sous la plume de Jean-Baptiste de La Salle, peut nous paraître gênante, on préfèrerait l’équivalent positif : tout considérer avec les yeux de la foi. Le premier effet est la conséquence de la foi comme principe dynamique pour interpréter la réalité. Ce regard nouveau, dit Jean-Baptiste de La Salle, est un don de l’Esprit Saint qui illumine le cœur de l’homme et 

 

leur fera connaître toutes choses en les montrant, non pas seulement par ce qu’elles ont d’apparent, mais selon ce qu’elles sont en elles-mêmes, et selon qu’on les connaît lorsqu’on les approfondit par les yeux de la foi.[59] 

 

Il invite les Frères à projeter cette vision de foi sur la réalité qu’ils vivent, sur celle des enfants qui viennent dans leurs écoles, ceux qui apparaissent pauvres et ignorants : 

 

Reconnaissez Jésus sous les pauvres haillons des enfants que vous avez à instruire. Adorez-le en eux. Aimez la pauvreté. Et honorez les pauvres... Que la foi vous le fasse faire avec affection et zèle, puisqu’ils sont les membres de Jésus-Christ.[60]

 

Ne travailler que dans la vue de Dieu

Le second effet présente la foi comme principe dynamique d’action. 

 

                     C’est particulièrement dans vos actions que votre foi doit paraître, en ne les faisant que par esprit de foi, comme vous y êtes obligés selon l’esprit de votre Institut.[61]

 

C’est, par conséquent, dans l’engagement actif avec les hommes que se manifeste la relation intérieure avec Dieu, c’est là que s’exprimera surtout le fruit de l’esprit de foi : le zèle. 

Attribuer tout à Dieu

Le troisième effet de l’esprit de foi nous introduit dans une vision globale de l’histoire du salut, à partir de la perspective du Mystère Pascal de Jésus-Christ. Dieu conduit l’histoire jusqu’à son plein accomplissement en Christ, en qui il a réconcilié tous les êtres pour lui (Col.1:20). Dans cette vision chrétienne, qui unit croix et résurrection, rien n’échappe au dessein divin, tout y a un sens, sans avoir besoin de recourir à un providentialisme facile : Nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien.[62]

L’abandon à la Providence

L’abandon à la Providence est d’abord une expérience vitale qui encadre toute la vie de Jean-Baptiste de La Salle. En 1682, avec les maîtres, il s’abandonne à la Providence, et pose des gestes concrets : renoncement à son canonicat, distribution de ses biens aux pauvres, solidarité vécue avec les pauvres maîtres. Et, sur son lit de mort en 1719, il peut dire : J’adore en toute chose la conduite de Dieu à mon égard. C’est encore une des règles de sa conduite personnelle, comme dans les Règles que je me suis imposées. Deux passages mettent en relief la manière dont il comprend l’abandon à Dieu ou l’abandon à la Providence dans sa vie :

-   Je regarderai toujours l’ouvrage de mon salut et l’établissement et la conduite de notre Communauté comme l’ouvrage de Dieu : c’est pourquoi je lui en abandonnerai le soin, pour ne faire tout ce qui me concerne là-dedans que par ses ordres ; et je le consulterai beaucoup sur tout ce que j’aurai à faire, soit pour l’un, soit pour l’autre ; et je lui dirai souvent ces paroles du prophète Habacuc : Domine, opus tuum.

-   Je me dois souvent considérer comme un instrument, qui n’est bon à rien qu’en la main de l’Ouvrier ; ainsi je dois attendre les ordres de la Providence de Dieu pour agir, et cependant ne les pas laisser passer quand ils sont connus.[63]

L’abandon à la Providence est lié à son expérience personnelle et à l’intuition centrale et unificatrice de sa démarche spirituelle : l’esprit de foi. Jean-Baptiste de La Salle a fortement conscience que Dieu est présent à l’Histoire des hommes, singulièrement à la vie des Écoles chrétiennes, de la Communauté qui y est consacrée, des hommes, des enfants, des familles qui sont touchées par ce mouvement ; qu’Il donne les moyens pratiques de s’approprier cette Histoire afin de la conduire à son terme. Il fait aussi l’expérience que cette démarche de fondation des Écoles chrétiennes dans laquelle il est engagé, que la vie de ces écoles elles-mêmes, n’est pas son œuvre, mais l’œuvre de Dieu et que c’est à Lui de mener la tâche à son terme. C’est d’ailleurs ce que lui rappellent les Frères dans leur lettre du 1er avril 1714 :

 

Nous, principaux Frères des Écoles chrétiennes, ayant en vue la plus grande gloire de Dieu, le plus grand bien de l’Église et de notre Société, reconnaissons qu’il est d’une extrême conséquence que vous repreniez le soin et la conduite générale du saint œuvre de Dieu qui est aussi le vôtre, puisqu’il a plu au Seigneur de se servir de vous pour l’établir et le conduire depuis si longtemps.

Tout le monde est convaincu que Dieu vous a donné et vous donne les grâces et les talents nécessaires pour bien gouverner cette nouvelle compagnie, qui est d’une si grande utilité à l’Église, et c’est avec justice que nous rendons témoignage que vous l’avez toujours conduite avec beaucoup de succès et d’édification.

 

Il est intéressant de comparer le discours que Jean-Baptiste de La Salle tient aux premiers Maîtres, à Reims, lorsque ceux-ci s’inquiètent de l’avenir et du manque de moyens matériels, avec la Méditation 67, pour le 14e Dimanche après la Pentecôte, De l’abandon à la Providence. Dans les deux cas, Monsieur de La Salle s’appuie sur le passage évangélique de Mt. 6 : 24-33, où Jésus fait appel aux lys des champs et aux oiseaux du ciel, pour souligner la priorité que devrait avoir le Royaume de Dieu dans les soucis des disciples. Entre-temps, il y a eu l’engagement personnel de Jean-Baptiste de La Salle. Il parle alors de ce qu’il vit et non plus de ce que les autres sont appelés à vivre.

Pour Jean-Baptiste de La Salle, Dieu est bien le Dieu de l’Histoire du Salut. Ce qui, au passage, rend son expérience spirituelle indissociable du récit de cette Histoire.

De l’abandon à la Providence à la conscience de la présence de Dieu

Généralement, on parle de « sentiment » de la présence de Dieu, mais ce mot « sentiment » ne doit pas nous égarer vers le sentimental, l’incertain, le spontané. 

Une certitude chez Jean-Baptiste de La Salle : Dieu est présent dans le monde, il revient à l’être humain d’en prendre conscience. C’est d'ailleurs un trait spécifique de son humanité : sur terre, il n’y a que l’Homme pour savoir que Dieu est présent. Il lui revient d’en prendre conscience. Là où nous vivons, la présence de Dieu nous précède toujours.

L’abandon à la Providence est possible, parce que Dieu est présent dans le tissu de la vie. On peut alors trouver Dieu partout, comme le rappelle la Méditation sur sainte Thérèse, « tout abandonnée » à Dieu :

 

  C’était la foi seule qui la conduisait alors dans cet état, et qui lui servait de lumière. Aussi, comme elle trouvait tout en Dieu, elle avait le bonheur de trouver Dieu partout : en quelque état et en quelque lieu qu’elle fût, Dieu lui servait de guide.[64]

 

L’expression de ce sentiment a été pendant longtemps une des marques caractéristiques des classes des Frères dans lesquelles, toutes les demi-heures, un élève lançait : Souvenons-nous que nous sommes en la sainte présence de Dieu.

 

Jean-Louis SCHNEIDER, FSC, Mars 2023

 


C.  Prière et attention à Dieu – Méthode d’oraison

 

Vous exercez un emploi qui vous met dans l'obligation de toucher les cœurs ; vous ne le pourrez faire que par l'Esprit de Dieu. Priez-le qu'il vous fasse aujourd'hui la même grâce qu'il a faite aux saints apôtres, et qu'après vous avoir rempli de son Esprit pour vous sanctifier, il vous le communique aussi pour procurer le salut des autres.[65]

 

La prière est un appel de l'attention qui nous aide à être en accord avec le temps de Dieu, qui est le temps de l'essentiel, de l'amour, de l'écoute, de la gratuité, de la profondeur spirituelle, de la relation personnelle tranquille.[66]

D’après la méthode d’oraison de saint Jean-Baptiste de La Salle

Saint Jean-Baptiste de La Salle a écrit une méthode d’oraison, très détaillée. Voici quelques directives adaptées de l’Explication de la Méthode d’Oraison par Frère William MANN.

Premier mouvement

Prenez quelques minutes de calme pour vous souvenir que Dieu est présent en ce moment même.

– Dans toute la création, tout ce qui vous entoure

– En vous-même, vous gardant en vie

– Au milieu de ceux avec qui vous priez

– Dans l’eucharistie et la Parole de Dieu

– En vous, par la grâce de Dieu qui travaille dans votre vie

– Dans la chapelle en tant que la demeure de Dieu

– Dans les jeunes et les pauvres

Demandez les grâces nécessaires pour mieux comprendre la volonté de Dieu sur vous et pouvoir vous donner plus consciemment à cette volonté.

Je me consacre tout à vous pour procurer votre gloire, autant qu’il me sera possible et que vous le demanderez de moi. (De La Salle, 1694)

Deuxième mouvement

Contemplez le mystère de l’amour de Dieu à l’œuvre dans le monde. Lisez l’évangile du jour deux ou trois fois, lentement. Quels mots attirent particulièrement votre attention ? Écoutez ce qui est dit, regardez ce qui se passe, essayez de prendre part au mystère, de contempler Jésus avec amour. Réfléchissez sur le mystère de l’amour de Dieu à l’œuvre dans votre propre vie.

– Est-ce que l’évangile a quelque rapport avec ma propre vie ?

– Comment ce texte vous invite-t-il à être plus fidèle au ministère de l’éducation humaine et chrétienne de la jeunesse ?

– Comment essayez-vous de partager le message évangélique avec vos compagnons de vie et de travail… avec ceux qui sont confiés à vos soins ?

– Si vous laissiez ce passage de l’écriture devenir vivant en vous maintenant, qu’est-ce que vous auriez à changer dans votre vie ? Quels sont les obstacles à ce changement ?

Troisième mouvement

Prenez la résolution de laisser l’Esprit travailler en vous et à travers vous aujourd’hui.

– Où l’Esprit vous appelle-t-il à œuvrer aujourd’hui pour que les autres aient une vie plus heureuse, plus pleine, plus sainte, plus remplie d’amour ?

– Prenez quelques minutes maintenant pour remercier Dieu pour ce temps passé en prière et pour vous offrir de nouveau à lui, « autant qu’il vous sera possible » pour accomplir la volonté de Dieu… le plan de Dieu.

Intériorité

L’Intériorité est souvent comprise spontanément comme la recherche de soi, de son intimité. Or le retour sur soi, dans le silence, est le début de la vie intérieure. Nous touchons à un des fondamentaux de l’être humain : prendre conscience de son existence. Par cette possibilité de retour sur soi, l’homme peut établir une relation de soi à soi qui constitue sa vie intérieure. Mais la vie intérieure n’est pas seulement alimentée par cette relation. Ses relations aux autres, une fois la distance prise, en sont aussi les éléments constitutifs. De même, le rapport distancié de l’homme à son environnement (paysage, image, musique…) peut cultiver la vie intérieure. Dans ce rapport, l’homme ne cherche pas à combler un vide mais à accueillir en toute liberté ce qui s’offre à lui.

Cependant, dans une perspective chrétienne, l’intériorité nous mène vers l'accueil d'une altérité qui est en nous, d’une altérité qui va prendre le visage de Dieu, des autres... C’est au cœur de la vie intérieure que Dieu se révèle présent dans les événements, les relations à soi et aux autres mais aussi à nous-mêmes comme Tout Autre, une altérité radicale.

La prière peut alors jaillir comme conversation avec Dieu ou contemplation de Dieu ou de son action, et nous permettre de retourner dans le monde pour faire ce à quoi nous sommes appelés.

Colette ALLIX Mars 2023

D. Métier, ministère, médiateur, apôtres

Le métier d’enseignant, professeur, éducateur

 

[Les professeurs et personnels d’éducation] concourent à la mission première de l’École qui est d’instruire et d’éduquer afin de conduire l’ensemble des élèves à la réussite scolaire et à l’insertion professionnelle et sociale. Ils préparent les élèves à l’exercice d’une citoyenneté pleine et entière. Ils transmettent et font partager à ce titre les valeurs de la République. Ils promeuvent l’esprit de responsabilité et la recherche du bien commun, en excluant toute discrimination.[67]

 

L’école lasallienne, de statut privé sous contrat avec l’État et appartenant à l’Enseignement catholique, propose une éducation chrétienne : cette proposition éducative spécifique de l’école catholique possède ainsi en elle-même une dimension pastorale en tant que mise en œuvre de la mission ecclésiale au service d’une société de justice et de paix[68]. Elle est plus précisément définie dans le Projet éducatif lasallien (PEL) et le Parcours d’éducation à la Justice (PEJ) qui sont inspirés de la spiritualité lasallienne.

Passer du métier au ministère[69] 

Si la spiritualité lasallienne semble destinée plus spécifiquement à la mission d’enseignant, d’éducateur, elle ne se limite cependant pas à cette catégorie de personnes. Car l’éducation est aujourd’hui l’affaire de tous : la spiritualité lasallienne s’étend plus largement aux adultes en lien avec les enfants et les jeunes (personnel administratif, parents, anciens élèves…) et ne se cantonne pas uniquement au métier, son sens / sa portée est plus large. Tout comme l’enseignant / l’éducateur ne limite pas son travail à inculquer des connaissances ou à transmettre des savoirs, celui-ci est présent pour aider l’enfant et le jeune à grandir, s’épanouir, à lui faire découvrir le sens de la vie. C’est-à-dire à allier conjointement la vie du corps, de l’esprit, du cœur, de l’âme[70].

Être médiateur

L’enseignant, l’éducateur, l’adulte / chrétien / lasallien au contact des enfants et jeunes a un rôle de médiateur, c’est-à-dire qu’il est « l’instrument » pour que la Parole de Dieu soit médiatisée. L’acte éducatif ou relation éducative – ce rapport privilégié avec l’élève – permet de créer les situations et les dynamismes qui nous introduisent dans une attitude spirituelle, en nous découvrant les médiations qui nous font recevoir la Bonne Nouvelle au-delà de nos attitudes coutumières paralysantes[71]

L’adulte au service des enfants et jeunes exprime et traduit sa spiritualité à travers ses attitudes : La liberté respectueuse des autres, la responsabilité consciente, la recherche sincère de la vérité, la critique équilibrée et sereine, la solidarité et le service des hommes, la sensibilité à la justice, la conscience d’être appelés à être des agents du changement dans une société en transformation continue, l’ouverture de la conscience de ses élèves à la transcendance les disposant ainsi à accueillir la vérité révélée[72].

 

C’est pourquoi les responsables d’une école catholique ont une mission d’être des « aiguillons » pour une cohérence toujours plus grande entre l’identité chrétienne de l’école et sa vie réelle.[73] 

 

 Devenir apôtre

 

Jean-Baptiste de La Salle a cerné et défini en accueillant un don de l’Esprit un ministère apostolique d’éducation en découvrant que l’éducation chrétienne des enfants et des jeunes était d’une grande nécessité pour la construction de l’Église. Aujourd’hui, encore plus que dans son temps, la seule chance pour des jeunes d’approcher l’Église est l’école catholique.[74]

 

La spiritualité lasallienne a une dimension mystique – union à la personne de Jésus, participation à son amour des pauvres et des petits – et aussi une dimension opérative, motivant un engagement plus profond dans l’association des Frères pour le service éducatif des pauvres, et dans l’action proprement éducative.[75] 

 

Les laïcs lasalliens sont des hommes et des femmes de Dieu : Ce sont des gens de foi. Dieu est pour eux une réalité. Ils sont en relation avec Lui par une prière régulière. Ils marchent avec Dieu. Jésus-Christ est pour eux la Voie, la Vérité et la Vie. Ils sont attentifs à la présence de l’Esprit qui les aide à formuler les jugements et à prendre les décisions que requiert leur vie quotidienne... Ce sont des hommes et des femmes qui suivent le Christ comme l’a suivi saint Jean-Baptiste de La Salle. Ils sont donc engagés d’une façon ou d’une autre, à faire de la présence et de l’amour du Christ une réalité visible et efficace au milieu des jeunes.[76]

 

Magali DEVIF, Mars 2023

 

 

E.  Esprit de zèle ardent

La signification de l’expression « zèle ardent » est essentielle dans la spiritualité Lasallienne, puisque Jean-Baptiste de La Salle en fait un des éléments de l’esprit de l’Institut des Frères : esprit de foi et de zèle ardent. Dans les Règles Communes et dans le Recueil de Différents Petits Traités[77], Monsieur de La Salle présente le zèle ardent, dans les mêmes termes :

 

- Secondement, l’esprit de leur Institut consiste dans un zèle ardent d’instruire les enfants et de les élever dans la crainte de Dieu, de les porter à conserver leur innocence s’ils ne l’ont pas perdue et de leur donner beaucoup d’éloignement et une très grande horreur pour le péché et pour tout ce qui pourrait leur faire perdre la pureté.[78]

- Pour entrer dans cet esprit, les Frères de la Société s’efforceront par la prière, par les instructions et par leur vigilance et leur bonne conduite dans l’école, de procurer le salut des enfants qui leur sont confiés, en les élevant dans la piété et dans un véritable esprit chrétien, c’est-à-dire selon les règles et les maximes de l’Évangile.[79]

 

Le zèle est donc directement relié à la mise en pratique de l’Évangile. Le zèle est aussi qualifié d’ardent, de sincère et véritable, on peut y être obligé, il est actif, animé, il peut être aussi fort imparfait. Il peut s’agir d’un grand zèle. C’est le zèle du Frère, mais aussi celui de Dieu, de l’Église, de David, de Paul, du prophète Élie. Le zèle doit animer le ministère du Frère.

Un zèle qui est fait d’intelligence des choses de Dieu et de la vie des jeunes, de prière, d’enseignement, de vigilance, d’exemple et de pratique de piété, ainsi que de vie chrétienne[80].

Le zèle et le ministère d’éduquer

Le zèle est étroitement associé au ministère, c’est un aspect de l’emploi du Frère. Il s’agit du ministère d’instruire les enfants, de leur annoncer l’Évangile et de les élever dans l’esprit de religion », de prendre soin de leur conduite[81], d’en faire les héritiers du Royaume de Dieu. Il porte encore, ce zèle, sur l’exemple du Maître et la cohérence de sa conduite avec ses instructions[82].

Le ministère est non seulement celui de Dieu, mais aussi celui de Jésus-Christ et de l’Église. Le zèle est pour le salut des enfants que Dieu vous confie, le salut de vos disciples, des âmes. Il a rapport à Dieu, à l’ouvrage de Dieu, c’est une attitude à avoir dans l’accomplissement de celui-ci[83].

Le zèle sincère et véritable apparaît comme équivalent à la charité, il se manifeste par des attitudes : patience dans les peines, mépris des persécutions des hommes, donner sa vie, la sanctification des enfants de l’Église, instruire, élever les enfants, les rendre héritiers du Royaume de Dieu et de Jésus-Christ.

Le zèle fait inspirer aux disciples d’entrer dans le Mystère de la Rédemption pour en vivre : Jésus-Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort pour eux ». Le zèle de Dieu est aussi son affection pour le salut des âmes, il se traduit par l’envoi de son Fils pour retirer celles-ci de leur fâcheux état, c’est-à-dire de leur engagement dans le péché et de l’impossibilité de s’en délivrer. Le zèle et l’affection de Dieu se traduisent par son engagement dans l’Histoire du Salut, dans le processus Incarnation - Rédemption.[84]

Le zèle est associé à l’amour, l’urgence, l’excès, au dépassement, il a aussi un caractère absolu : ne rien souffrir... faire aussitôt tout ce qu’il sera possible. C’est un devoir, dans lequel des priorités existent : le premier objet, votre première application. Il est orienté dans une direction précise : vers les enfants qui peuvent être caractérisés plus précisément, quant à leur comportement. Il produit des fruits, du succès.[85]

Ainsi, le zèle est « mise en pratique », « enseignement », « exemple ». Il conduit l’engagement, ou est une caractéristique de celui-ci jusqu’à sacrifier et consommer toute votre vie[86].

En somme, une expression plus actuelle pour dire « le zèle ardent », pourrait être : « la créativité dans la mission d’éduquer ».

Les marques du zèle

Plusieurs signes, plusieurs « marques » spécifiques, permettent de reconnaître qu’on est bien dans la mise en œuvre de ce zèle pour le salut des enfants que Dieu vous a confiés.

Il faut travailler à la vigne du Seigneur de toute l’affection de votre cœur et comme ne travaillant que pour lui. Ce que prolonge MR 201,2,2 : Faites en sorte par votre zèle de donner des marques sensibles que vous aimez ceux que Dieu vous a confiés. Ces marques sensibles sont l’appartenance à l’Église comme membre vivant, devenir des saints, procurer le secours de l’instruction. Ce zèle est au service de la construction de l’Église, vous lui donnez des preuves de votre zèle.

 

Pour les pauvres

L’Institut des Frères des Écoles chrétiennes a été fondé à l’intention d’une catégorie particulière de jeunes : les pauvres. Ici encore, les passages sont nombreux et significatifs :

 

- Vous donc qui avez succédé aux Apôtres dans leur emploi d’instruire et de catéchiser les pauvres[87].

- Vous avez tous les jours de pauvres enfants à instruire. Aimez-les tendrement comme a fait saint Cyprien, suivant en cela l’exemple de Jésus-Christ[88].

- Vous ne pouvez pousser trop loin le désintéressement dans votre emploi... ce sont de pauvres enfants que vous avez à enseigner[89].

- Vous êtes, par votre état, chargés d’instruire les pauvres enfants[90].

- Vous êtes chargés, par votre emploi, d’aimer les pauvres puisque la fonction que vous y avez est de vous appliquer à les instruire[91].

 

La gratuité est définie comme essentielle à l’Institut. Les enfants des artisans et des pauvres sont ceux de ces gens qui sont occupés toute la journée à gagner leur vie[92]. Le clivage social se fait à cette jointure dans la société du temps : ceux qui sont obligés d’avoir un emploi « mécanique » qui les oblige à travailler tous les jours ouvrables, pour survivre, et les autres, qui n’ont pas besoin de travailler de leurs bras. Ces enfants des pauvres sont loin du salut : le travail que Dieu confie aux Frères sera de mettre son salut à leur portée. C’est-à-dire accomplir son dessein pour eux, faire advenir, rendre possible le salut qui leur est destiné. Pauvretés d’aujourd’hui ?

Aujourd’hui, cette orientation vers « les pauvres » demeure essentielle, elle est toujours une composante fondamentale de tout projet éducatif lasallien, de tout projet d’établissement, et finalement du projet du Réseau La Salle en France. La Déclaration sur la Mission Éducative Lasallienne, dans le second de ses points de ses points est claire :

 

Nous croyons que dans le visage des pauvres et des vulnérables se trouve la puissance salvifique de Dieu. Notre tradition plonge ses racines dans le service préférentiel des pauvres, des exclus, des laissés-pour-compte, c’est-à-dire de ces enfants et jeunes dont la condition de vulnérabilité s’oppose à la construction de leurs rêves et d’une vie digne et heureuse. Aujourd’hui, notre engagement consiste à identifier les nouveaux types de pauvreté - qui sont toujours aux frontières de la déshumanisation, du manque d’opportunités, de la marginalisation- et à servir ceux qui en souffrent[93].

 

Il est question des « exclus, des laissés pour compte », des jeunes pour qui « la condition de vulnérabilité s’oppose à la construction des rêves », on parle bien des « nouveaux types de pauvreté qui sont toujours aux frontières de la déshumanisation, du manque d’opportunités, de la marginalisation ». Pour bien comprendre cet appel au service des pauvres, la Déclaration pour la Mission Éducative Lasallienne, reprenant la Circulaire 412, (1980, page 9), rappelle de quelles sont les pauvretés visées : La misère et la marginalisation sont le produit de systèmes politiques et économiques qui fabriquent la pauvreté, en privilégiant un petit nombre de personnes, en concentrant la richesse, en favorisant la corruption et en oubliant l’essence de la politique, qui est de construire le bien commun[94]. La suite de ce passage parle encore de marginalisation, de misère, de faim : ce sont ces pauvretés que les Lasalliens sont appelés à prendre en compte afin d’y remédier, « autant qu’il leur sera possible ».

C’est bien aussi ce que reprend le 46ème Chapitre Général des Frères, lorsqu’il affirme :

 

Nous, Frères des Écoles Chrétiennes, appelés par Dieu et interpellés par les diverses formes de pauvreté et d’injustice dans notre monde, nous reprenons l’intuition fondatrice et prophétique de la Famille Lasallienne, et nous nous engageons, ensemble et par association, à être des témoins de communion et d’espérance par le service éducatif et évangélisateur chez les pauvres et ceux qui le sont devenus.[95]

 

 

Et dans la Règle des Frères des Écoles Chrétiennes de 2015, celle qui sert actuellement, dans le chapitre 2 qui porte sur La Mission :

 

Envoyés principalement auprès des pauvres, les Frères sont conduits personnellement et communautairement à prendre conscience des racines mêmes de la pauvreté qui les environne et à s’engager résolument par le service éducatif dans la promotion de la justice et de la dignité humaine.[96]

 

Quand il est question de « justice » et « d’injustice », « d’exclus », de « laissés pour compte », «de « vulnérabilité », de « déshumanisation », il s’agit bien de pauvreté matérielle, celle qui marginalise les jeunes et leur famille. La dimension sociale est bien présente et prioritaire, gardons-nous de l’édulcorer.

Dans un projet évangélique d’éducation

L’École chrétienne s’inscrit dans le projet de Dieu sur sa Création, sur les jeunes, sur les Maîtres qu’il a appelés, choisis et envoyés. Une de ses caractéristiques est la gratuité, laquelle est signe de la gratuité du Salut de Dieu, parce cette école est un don de Dieu aux enfants des artisans et des pauvres. Ce qui se passe dans l’École chrétienne est l’œuvre de Dieu, de Jésus-Christ, du Saint Esprit. Les réalités humaine, sociale, chrétienne des jeunes, leurs perspectives d’avenir, la connaissance de leurs comportements, de leurs limites et de leurs nécessités ; tout ceci est pris vraiment en compte.

L’École chrétienne construit l’Église, en y faisant entrer les enfants, comme des pierres vivantes de l’édifice, en les initiant aux Sacrements du Salut et en les instruisant du mystère de la très sainte Trinité. 

L’École chrétienne fait devenir disciple. C’est le Mystère de Jésus qui est la source du pouvoir de réconciliation universelle. Ce pouvoir ne vient pas d’une décision juridique, d’une compétence acquise, sociale ou professionnelle. On fait l’expérience d’être disciple, on vit dépendant du Maître, on vit comme lui, sans omettre la démarche pascale de l’expérience de l’échec.

L’accès à ce mystère passe par la relation avec nos disciples. Jésus se découvre vivant dans la relation, non dans l’abstraction des idées. La démarche du disciple chez les Maîtres est indissociable de celle vécue chez les enfants. Jean-Baptiste de La Salle associe le salut personnel au salut de ceux que nous instruisons. La Parole qui me questionne est aussi celle qui questionne la vie des jeunes qui me sont confiés.

Devenir disciple est en relation avec un itinéraire vécu au quotidien, grâce à des pratiques évangéliques qui animent l’emploi : l’attention aux ordres de Dieu au cœur de la vie, du Monde, de l’Histoire ; la lecture de l’Écriture ; la prière ; la Liturgie ; particulièrement l’Eucharistie.

Le « zèle », dans les Méditations pour le Temps de la Retraite est associé à la créativité, au don de Dieu, au Sauveur, au ministre de l’Évangile. Le zèle conduit aussi à veiller, à accompagner, à enseigner, à donner l’exemple. Ce zèle conduit encore à faire vivre l’École chrétienne, pour faire grandir l’Église. Il s’exerce d’abord pour les pauvres, il permet de toucher les cœurs. Le zèle impose encore au Maître de se former, afin de se mettre à la portée des enfants et d’aider les jeunes à se construire et même à se réconcilier avec Dieu et avec les autres.

 

Jean-Louis SCHNEIDER, FSC, Mars 2023

 

 

F.  La fraternité pour la Mission

Dans le 1er chapitre des Règles Communes : « De la fin et de la nécessité de cet Institut »

Comme tout texte « inaugural » ou « premier », ce premier chapitre de la Règle doit être regardé de près, car il dit des choses et ouvre des perspectives qui éclairent, tant par ce qu’il dit que par ce qu’il ne dit pas, ce que les Frères veulent exprimer sur le sens de leur vie dans cette « Société des Écoles Chrétiennes », ainsi que sur l’existence même de cet Institut. Nous sommes encore dans le temps de la fondation, dans celui des « origines », un moment où les contraintes institutionnelles – ecclésiastiques en particulier – ne sont pas encore trop fortes. Autrement dit, un temps où il est possible de dire une vision de la vie de cette « communauté nouvelle », dégagée des formules toutes faites et imposées de l’extérieur à la vie de ce groupe.

Une fraternité d’associés pour la Mission d’éduquer

Dès le 1er article, les Frères des Écoles chrétiennes sont désignés comme étant des « associés » qui font « société », avec une désignation singulière : Ceux de cet Institut se nommeront du nom de Frères. La « Société » n’existe pas comme un en-soi, mais est toujours liée à un ‘pour’ : « tenir les écoles gratuitement ». Ce « pour » une constante de la pensée des Frères et de Jean-Baptiste de La Salle dès les origines.

Cette « Société » n’est pas caractérisée par l’aspect ‘religieux’ de l’existence de ses membres. Ici, c’est l’exercice d’un métier, d’une profession, ainsi qu’une manière de l’exercer : « tenir les écoles gratuitement », qui définit la Société. Très clairement, l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes se définit par sa Mission et non par « l’état » de ses membres.

Le second article définit la place du Frère, de façon négative : il n’est pas prêtre, il n’est pas clerc. 

Avec ces deux premiers articles de la Règle, se dessine une identité pour les membres de cette ‘Société’, « ceux de cet Institut » : ils font « société » justement ; ils s’affichent comme tenant les écoles gratuitement ; ils s’appellent et se font appeler ‘Frères’ ; ils ne sont ni prêtres ni clercs, ou faisant les « fonctions de ».

La Mission d’éduquer ou l’École chrétienne

Le 3ème article dit la ‘fin’ de l’Institut : donner une éducation chrétienne aux enfants et indique un moyen, déjà évoqué en RC 1,1 : tenir les écoles. L’article donne quelques caractéristiques de cette école. Depuis le 1er article, on sait qu’elle est gratuite. Ici, on apprend que les enfants sont sous la conduite des maîtres, du matin jusqu’au soir. Il s’agit donc d’une école à plein temps, pas d’un cours du soir, ou du dimanche, ou qui aurait lieu dans les espaces laissés inoccupés par d’autres activités plus lucratives pour les familles (petit commerce, gardiennage des autres enfants…).

Dans cet article, les « Frères » sont devenus des « Maîtres ». Une transformation du vocabulaire qui n’est pas innocente de la part de Monsieur de La Salle, il connaît le sens des mots ; d’ailleurs le texte de 1705 lui est semblable. L’école chrétienne est caractérisée par une relation continue (du matin au soir) entre les enfants et les Maîtres. Ceux-ci étant les « conducteurs ». Ce n’est pas non plus une simple école de catéchisme, mais bien une école de la vie, où l’on apprend à bien vivre, de manière inspirée. Dans cette école, on est instruit des mystères de notre sainte religion, ce qui a bien évidemment un caractère didactique, on y apprend à bien vivre, comme dans les Règles de la Bienséance et de la Civilité chrétiennes, et on y reçoit une éducation chrétienne, celle qui convient à ces enfants et à ces jeunes.

Les destinataires privilégiés

Les articles 4 à 6 du 1er Chapitre des Règles Communes présentent les destinataires particuliers de cette éducation chrétienne. Et ici, il ne faut pas perdre de vue que ces destinataires se retrouvent, presque mot pour mot, dans les deux premières Méditations pour le Temps de la Retraite, celles-ci apparaissent donc comme une « relecture » des engagements initiaux et de la mission d’éduquer. Ces trois articles se concentrent sur une catégorie particulière de jeunes : les enfants des artisans et des pauvres. Ce sont eux qui sont la clientèle privilégiée (mais non exclusive, on le sait) des écoles chrétiennes.

La porte d’entrée de la Règle est la même que celle de la spiritualité lasallienne : le souci des enfants des artisans et des pauvres ; un souci pour Dieu qui devient un souci et une priorité tant pour l’Institut des Frères des Écoles Chrétiennes que pour les Maîtres qui le composent. Il est frappant de constater que la très grande nécessité de cet Institut est motivée par une analyse avant tout ‘sociologique’, même si ce mot est anachronique pour l’époque. De plus on est revenu à une réponse globale : l’institution des écoles chrétiennes qui fait écho à l’établissement des Écoles chrétiennes de la Méditation 194.

La visée de cette école est précisée :

-     lutter contre les mauvaises habitudes en faisant vivre aux enfants de bonnes habitudes, dès leur jeune âge,

-     donner des instructions fréquentes,

-     l’usage des sacrements.

À la fin de ce 1er chapitre de la Règle, on renvoie le lecteur à son jugement personnel : on peut aisément juger qu’elle en est l’importance et la nécessité, comme si ce texte s’adressait à d’autres personnes que les Frères, ou peut-être s’agissait-il de convaincre les Frères eux-mêmes du bien-fondé de leur engagement ?

Le lien étroit entre ce 1er chapitre des Règles Communes et les deux premières Méditations pour le Temps de la Retraite, nous conduit à reconnaître ces seize Méditations comme un instrument de relecture du projet qui s’exprime dans ce chapitre « De la fin de cet Institut ».

 

À partir de ce que l’on est, s’approprier la Mission Lasallienne

Outre le fait que ce 1er chapitre des Règles Communes ne décrit pas les Frères comme des ‘religieux’ et qu’il présente l’Institut des Frères des Écoles Chrétiennes ainsi que l’institution des écoles chrétiennes comme une réponse à une nécessité sociale, on ne trouve dans ce même chapitre, aucune trace des mots « Dieu », « Jésus-Christ », « Esprit-Saint », « Église », « Très Sainte Vierge »… aucun de ces mots auxquels on pourrait s’attendre dans la Règle d’un Institut religieux. Cette absence est aussi très significative. L’ouverture est maximum.

Mais il est clair, également que tout le contexte est chrétien ; on retrouve des expressions comme : « Institut des Frères des Écoles Chrétiennes », « institution des écoles chrétiennes », donner une éducation honnête et chrétienne, faire connaître les mystères de notre sainte religion, inspirer les maximes chrétiennes. Néanmoins, le ton général de ce 1er chapitre de la Règle est très ‘sécularisé’ (encore un anachronisme), surtout pour l’époque où il est écrit. Ce qui témoigne de la très grande liberté et de l’audace de Monsieur de La Salle et des premiers Frères, par rapport aux normes convenues de leur époque.

L’insistance porte sur l’engagement au service d’une démarche éducative, présentée comme une « nécessité », en direction des « enfants des artisans et des pauvres ». 

 

Jean-Louis SCHNEIDER, FSC, Mars 2023

4.   LES FORMULES LASALLIENNES : SIGNIFICATIONS ET USAGES

A.  Souvenons-nous que nous sommes en la sainte présence de Dieu

Jean-Baptiste de La Salle dans le chapitre 2 de l’Explication de la Méthode d’oraison[97] (EM) explique aux Frères :

EM 2,15 

On peut considérer Dieu présent en trois différentes manières :

Premièrement, dans le lieu où on est ; 

Secondement, en soi-même ; 

Troisièmement, dans l’église. 

EM 2,16 

Chacune de ces trois manières de considérer Dieu présent peut se diviser en deux autres manières. 

EM 2,16,1 

Car on peut considérer Dieu dans le lieu où l’on est : 

1. Parce qu’il est partout ; 

2. Parce que lorsqu’il y a dans quelque lieu deux ou trois personnes assemblées au nom de Notre Seigneur, il est au milieu d’elles.[98] 

EM 2,16,2 

On peut considérer Dieu présent en soi-même de deux manières : 

Premièrement, comme étant en nous pour nous faire subsister[99]

Secondement, comme étant en nous par sa grâce et par son Esprit.[100]

 EM 2,16,3 

On peut enfin considérer Dieu présent dans l’église : 

Premièrement, parce qu’elle est la maison de Dieu[101]

Secondement, parce que Jésus-Christ Notre Seigneur y est au très saint Sacrement de l’Autel.

Nous traduisons habituellement cette attention par l’invitation « Souvenons-nous que nous sommes en la sainte présence de Dieu ! » au début de notre prière ou de nos temps de travail.

Ainsi, l’éducateur lasallien se rappelle la présence de Dieu dans sa vie quotidienne et dans sa mission. C'est une invitation à placer Dieu au centre de ce qui se passe tout au long de la journée. 

Le Frère Luke Salm[102] nous propose l’analyse suivante : 

 

Souvenons-nous. - Cela suppose que l'esprit est agité lorsqu'on tente de se rendre attentif à la présence de Dieu. Cela suppose que nous ayons oublié quelque chose. En effet, nous l'avons oublié. Dans les activités visant à assurer le fonctionnement d'une salle de classe ou d'une école, dans la précipitation pour arriver en temps voulu à une réunion du personnel ou pendant que nous nous préparons à participer à un atelier, Dieu peut difficilement se trouver au premier plan de nos préoccupations immédiates. Prenons donc un temps d'arrêt pour nous rappeler ce qui est -et surtout qui- est au centre de l'œuvre tout entière.

Nous sommes en la sainte présence. - Le mot « nous » désigne chacun de nous, individuellement et collectivement. Il présume aussi que nous sommes des personnes et que, par conséquent, la présence de Dieu est une présence personnelle. Une telle présence diffère de la manière dont nous sommes présents aux choses (meubles) ou même aux autres personnes (dans une foule, par exemple) avec lesquelles nous n'entretenons pas de relations interpersonnelles. Notre conscience de la présence de Dieu est le type de présence d'une personne à une autre. Et la présence en question est sainte, autrement dit stupéfiante, parce que la personne devant laquelle nous sommes présents est sainte, et que nous sommes rendus saints par le rappel de sa présence.

La sainte présence de Dieu. - Nous, qui sommes limités dans l'espace et le temps, sommes invités à saisir dans la foi et à reconnaître le Dieu qui nous est présent et non seulement à nous, mais à tout l'univers créé par lui ; le Dieu qui est un mystère absolu et qui, en même temps, est le fondement même de notre existence, le Dieu dont l'essence même nous est communiquée par la grâce, à nous qui sommes des créatures raisonnables de Dieu. Nous rappeler la présence de Dieu dans ce sens, cela nous met en relation avec la source de notre identité comme personnes et avec le but ultime qu'est notre destinée éternelle.

 

C’est pourquoi après la réponse « Et adorons-le ! » il est bon de prendre un temps de pause en silence pour savourer et percevoir cette présence, actualiser le mystère de l’incarnation et s’en remettre à l’Esprit Saint pour ensuite témoigner de cette présence dans la mission qui nous est donnée car  Vous exercez un emploi qui vous met dans l'obligation de toucher les cœurs; vous ne le pourrez faire que par l'Esprit de Dieu[103].

Pour terminer recevons ces paroles que Jean-Baptiste de La Salle adressait à des frères dans deux lettres :

 

La présence de Dieu vous sera d'une grande utilité pour vous aider et vous animer à bien faire vos actions.[104]

Rentrez souvent en vous-même pour renouveler et fortifier en vous le souvenir de la présence de Dieu. Plus tâcherez-vous de l'avoir et plus aurez-vous de facilité à bien faire vos actions et bien remplir vos devoirs.[105]

 

B.  Vive Jésus…

… A jamais ! est la prière finale caractéristique de tout temps lasallien, de prière ou de travail.

Elle manifeste la place centrale donnée au Christ dans la spiritualité lasallienne. Nous retrouvons l’importance de l’Incarnation et de l’hospitalité : 

 

À travers l’association pour le service éducatif des pauvres, le Lasallien, bénéficiaire de la grâce du salut, se voudrait le témoin du mystère de l’incarnation pour l’aujourd’hui. Cela suppose qu’il contribue à créer et à entretenir en lui-même une intimité hospitalière. Être éducateur, dans cette perspective, repose sur le préalable indispensable d’une hospitalité reçue par l’enfant, le préparant à « s’élever à une intimité hospitalière ». L’expression « Vive Jésus dans nos cœurs » utilisée en guise de signal journalier de la communauté ou encore la lecture de la Méditation 85 par exemple, nous persuadent que la tradition pédagogique lasallienne a toujours accordé à l’hospitalité du cœur une importance particulière. On comprend dans ce même contexte l’expression « toucher les cœurs » (cf. I 6,27,1; I 06,28,02 ; MF 85,2 et 85,3; MD 39,3), si chère à de La Salle, et le grand respect des enfants que cela induit. Pour de La Salle, la personne, surtout celle en situation de pauvreté, est à traiter comme une icône de Dieu (MF 96, 3).[106]

 

Les méditations 85 et 86 (Pour la fête de la Nativité de Jésus-Christ Notre Seigneur) nous aident à comprendre cette spiritualité centrée sur l’Incarnation issue de l’École française du XVIIe siècle qui a formé Jean-Baptiste de La Salle. 

MF 85

2.1 Vous recevez souvent Jésus dans votre cœur ; mais n’y est-il pas comme dans une étable, n’y trouvant que de la malpropreté et de la corruption, parce que vous avez de l’affection pour autre chose que pour lui ? 

Si vous le regardiez comme votre Sauveur et votre Rédempteur, quel honneur ne lui rendriez-vous pas ? Ne lui tiendriez-vous pas compagnie, en le considérant comme Dieu, par l’application à sa sainte présence ; et le considérant comme homme, par la méditation de ses souffrances et de sa Passion ?

2.2 Si vous voulez profiter de la venue de Jésus-Christ en vous, il faut que vous le laissiez maître de votre cœur, et que vous vous rendiez dociles à tout ce qu’il exigera de vous, lui disant souvent avec le prophète Samuel[107] : Parlez, Seigneur, car votre serviteur écoute : et avec David[108] : J’écouterai ce que le Seigneur dira en moi.

3.1 Puisque nous savons que Jésus-Christ doit venir aujourd’hui en nous, et que nous le reconnaissons pour ce qu’il est, préparons-lui une demeure qui soit digne de lui ; et disposons tellement notre cœur à le recevoir, qu’il lui soit agréable d’y faire sa résidence ! (…)

C’est pour cette fin que le Fils de Dieu est descendu sur la terre, et veut descendre dans notre cœur afin de nous faire participer à sa nature et de nous faire devenir des hommes tout célestes.

 

MF 86

1.2 La pauvreté, que Jésus exerce éminemment dans sa naissance, nous doit engager à avoir beaucoup d’amour pour cette vertu ; car c’est pour nous la faire aimer qu’il naît dans cet état.

Ne nous étonnons donc pas quand nous manquerons de quelque chose, même du nécessaire, puisque Jésus naissant a manqué de tout.

C’est ainsi qu’on doit naître dans la vie spirituelle, dépouillé et dénué de toutes choses. Et, comme le Fils de Dieu a voulu que l’humanité dont il s’est revêtu fût dans cet état, il veut aussi que nous soyons dans cette disposition, afin qu’il prenne une entière possession de notre cœur.

Sont donc liés la conscience de la présence de Dieu, l’hospitalité de notre cœur et l’accueil de la pauvreté. L’expression qui ouvre et celle qui conclut la prière et le travail lasallien sont des repères qui tissent toute notre vie sans interruption, se répondant l’une l’autre sans rupture quel que soit la durée entre deux invocations.

 

C.  Ensemble et par association

D’hier à aujourd’hui

Vœux de 1694

Très sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, (…) , je, Jean-Baptiste de La Salle, prêtre, promets et fais vœu de m’unir et demeurer en Société avec les Frères (…)  pour tenir ensemble et par association les écoles gratuites, en quelque lieu que ce soit, (…)  ou pour faire dans ladite Société ce à quoi je serai employé soit par le corps de la Société, soit par les Supérieurs qui en auront la conduite.

Vœux actuels

Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint Esprit, (…), je... promets et fais vœu de m’unir et de demeurer en société avec les Frères des Écoles Chrétiennes qui se sont associés pour tenir ensemble et par association les écoles au service des pauvres, en quelque lieu que ce soit que je sois envoyé et pour y faire ce à quoi je serai employé, soit par le Corps de la Société, soit par ses Supérieurs.

Dans La Déclaration pour la mission au XXIe siècle 

Depuis plus de 300 ans, « ensemble et par association » est notre style particulier, un aspect fondamental de notre charisme. Au cours des dernières décennies, nous avons observé l’évolution de cette mission, devenue mission partagée avec d’autres lasalliens de différents états de vie, et même d’autres croyances religieuses. 

D’autre part, nous les Lasalliens nous nous sentons tous appelés non seulement à partager le travail, mais aussi la spiritualité et les relations communautaires. Comme à l’époque du Fondateur, nous sommes aujourd’hui invités à répondre en association aux défis que la mission lasallienne nous pose. L’association est donc à la base de notre engagement et elle est aussi l’expression du sentiment d’appartenance[109].

5e conviction : Nous croyons que notre Association lasallienne est un don de Dieu au monde et un moyen extraordinaire de continuer à faire fructifier l’héritage vivant que nous avons reçu il y a trois siècles. Notre association s’exprime également dans des réseaux de communautés éducatives sensibles aux réalités des élèves. Frères et laïcs engagés dans la mission éducative, nous sommes l’expression actuelle du plan de Dieu, et donc nous répondons ensemble et par association aux besoins des enfants et des jeunes des peuples.

Sens de l’expression[110]

« Ensemble » 

En langage lasallien, le mot « ensemble » a toujours une connotation spécifique de communauté locale donnée ; de lasalliens qui vivent ensemble, prient ensemble, travaillent ensemble, décident ensemble de la façon de guider et d’améliorer leur vie et leur école, qui passent ensemble de nombreux moments conviviaux, de fête et loisirs, qui se soutiennent mutuellement dans les difficultés. 

Ils imaginent et mettent en œuvre des solutions efficaces aux problèmes éducatifs et pastoraux détectés. Ces solutions s’inscrivent dans l’esprit général qui anime tous les lasalliens mais qui permettent de s’adapter parfaitement aux conditions locales.

« Association »

Elle se vit avec l’ensemble de l’Institut lasallien qui donne l’inspiration, l’impulsion, l’aide au discernement, l’interpellation, l’ouverture à une communion humaine et ecclésiale plus large. Les lasalliens forment des réseaux interconnectés, bien plus larges que les communautés locales, qui permettent d’ajouter de manière coordonnée les actions lasalliennes spécifiques des différents lieux à l’action générale du reste des lasalliens de sorte que la mission lasallienne commune avance peu à peu partout.

« Ensemble et par association »

L’Institut forme les membres des communautés locales pour qu’ils aient une manière commune de penser, de ressentir et d’agir, des objectifs concordants et un très fort sentiment d’appartenance. Mais l’Institut a à son tour besoin de la contribution des petites communautés locales, dont les membres sont quotidiennement en contact avec la réalité des enfants et des jeunes, de leurs besoins, de leurs problèmes scolaires. La communauté locale devra ouvrir grand ses yeux et être très sensible pour déceler de nouveaux besoins éducatifs et catéchétiques ; sa manière créative de concevoir des réponses efficaces à ces besoins enrichira et stimulera le corps entier de la Société.

Il existe une tension féconde entre la communauté lasallienne locale et l’Institut pris dans son ensemble. Si la première échouait, tout se réduirait à un simple idéalisme théorique, sans plongée dans la vie réelle et quotidienne, une pure évasion idéaliste, un volontarisme stérile. Si le second n’était pas là, l’activité pourrait devenir une simple routine répétitive, qui ne répondrait à aucun problème. La mission lasallienne doit donc être réalisée « ensemble et par association ». 

Par conséquent, par sa devise pratique bien connue « ensemble et par association », tous les lasalliens donnent et tous reçoivent.

 

D. Touchez les cœurs

 

Vous exercez un emploi qui vous met dans l’obligation de toucher les cœurs ; vous ne le pourrez faire que par l’Esprit de Dieu. Priez-le qu’il vous fasse aujourd’hui la même grâce qu’il a faite aux saints apôtres, et qu’après vous avoir remplis de son Esprit pour vous sanctifier, il vous le communique aussi pour procurer le salut des autres.[111]

 

L'expression « toucher les cœurs » n'est pas propre à saint Jean-Baptiste de La Salle. Elle appartient au langage religieux traditionnel dans l'Église.

Être chrétien ne se limite pas à l’intelligence, même si elle est importante pour parvenir à une foi éclairée. L’adhésion doit être de toute la personne symbolisée familièrement par « le cœur ». C’est le signe d’un engagement plus complet. D’où l’insistance de Jean-Baptiste de La Salle sur la nécessité de gagner les cœurs des élèves, de toucher les cœurs. Ce sont des expressions que l’on rencontre au moins 35 fois dans ses écrits. Or, à son époque le verbe « toucher » quelqu’un signifiait le mettre en mouvement, le faire changer. C’était une acception dynamique du verbe, et pas seulement affective ou sentimentale. Cette nuance est importante lorsqu’il s’agit de la vie chrétienne.

Jean-Baptiste de La Salle insiste sur une relation éducative forte, comme moyen de former ou de changer profondément les dispositions d’une personne et pour l’orienter vers Dieu. C’est cette action éducative qui permet d’acquérir des convictions, des désirs et le courage de vivre en chrétien. Ce qui pourrait sembler a priori étranger à la formation chrétienne en devient ainsi le ressort essentiel, celui qui aura une action durable. Ce qui caractérise la pédagogie voulue par Jean-Baptiste de La Salle, c’est une relation éducative riche et exigeante.[112]

« Toucher les cœurs… »  Avec le mot cœur, nous découvrons un océan de significations diverses.  Mais pour Jean-Baptiste de La Salle, il s’agit toujours du centre vital, de la faculté de découvrir ce qui dépasse le simple intellect. Pour lui, il est impensable de former les intelligences des enfants sans leur faire découvrir qu’ils sont aimés, sans leur faire comprendre, comme le dira trois siècles plus tard le renard au petit Prince, que l’essentiel est invisible pour les yeux et qu’on ne voit bien qu’avec le cœur.

         Là encore, que de questions pour nous derrière ces affirmations ! Quelle place dans nos pratiques éducatives pour tout ce qui concerne la vie spirituelle ? Comment faire comprendre aux jeunes qu’ils sont aimés, qu’ils sont appelés à aimer, que leur vie a un sens qui dépasse les succès aux examens et la réussite sociale ? (Complétez, la liste, elle est loin d’être close !)

 

E.  Que l’école aille bien[113]

On cite souvent la phrase du Fondateur « que l'école aille bien».  On ne la trouve que dans sa correspondance comme : 

 

Il faut non seulement vous acquitter de votre devoir dans l'école mais aussi dans vos autres exercices, car l'école sans les exercices ne va pas bien.[114]

Ayez soin que l'école aille toujours bien aussi bien que la régularité dans la maison.[115]

Je suis bien aise que votre école aille bien et que vous ayez un nombre suffisant d’enfants ; ayez soin de les bien instruire.[116]

 

On explique habituellement cette expression dans le sens d'une bonne organisation des établissements scolaires ou du grand nombre de diplômes qui doivent y être obtenus.  Ces deux interprétations sont erronées. Sans doute, Jean-Baptiste de La Salle veut que ses écoles fonctionnent bien et qu'elles assurent la réussite de leurs élèves, mais ce n'est pas précisément ce résultat qu'il vise par là. Son projet est plus ambitieux, il l'a exposé au chapitre 1er de sa Règle : 

 

La fin de cet Institut est de donner une éducation chrétienne aux enfants et c'est pour ce sujet qu'on y tient les écoles afin que les enfants y étant sous la conduite des maîtres depuis le matin jusqu'au soir, ces maîtres leur puissent apprendre à bien vivre en les instruisant des mystères de notre sainte religion, en leur inspirant les maximes chrétiennes et ainsi leur donner l'éducation qui leur convient.[117]

 

Mais ces maîtres ne peuvent remplir leur fonction que s'ils ont le souci de développer en eux une authentique vie chrétienne, animée de foi et de zèle. Et la source où ils la doivent nourrir et fortifier n'est autre, dans la pensée du Fondateur, que l'application régulière à tous leurs exercices.

Toute la vie du Frère épouse donc un mouvement de flux et de reflux entre Dieu, qu'il trouve dans ses exercices, et les « disciples » dont il a la charge à l'école :

 

Vous avez des exercices qui sont établis pour votre propre sanctification; quoique si vous avez un zèle ardent pour le salut de ceux que vous êtes chargés d'instruire, vous ne manquerez pas de les faire et de les rapporter à cette intention. Et en le faisant, vous attirerez sur eux les grâces nécessaires pour contribuer à leur salut, vous assurant que si vous en usez ainsi, Dieu se chargera lui-même du vôtre.[118]

 

On pourra compléter la compréhension des exercices en lisant l’article sur la méthode d’oraison.

En conclusion quand nous disons « Que l’école aille bien », nous parlons des maîtres et de l’esprit de foi et de zèle qui les habitent beaucoup plus que de l’organisation matérielle de l’école. C’est bien la mission qui est au centre de cette expression, l’école est le moyen de la remplir.

 

Colette ALLIX, Mars 2023

LISTE DES ABRÉVIATIONS

CA Cantiques spirituels I

CB Cantiques spirituels II

CE Conduite des écoles

DA Devoirs d’un chrétien I

DB Devoirs d’un chrétien II

DC Devoirs d’un chrétien III

E Exercices de piété

EM Explication de la méthode d’oraison

EP Écrits personnels

FD Règle du Frère directeur

GA Grand abrégé des devoirs

I Institutions et prières

LA Lettres autographes

LC Lettres copiées

LI Lettres imprimées

MA Méditations additionnelles

MD Méditations pour les dimanches

MF Méditations pour les fêtes

MH Mémoire sur l’habit

MR Méditations pour le temps de la retraire

PA Petit abrégé des devoirs

R Recueil de différents petits traités

RB Règles de la bienséance

RC Règles communes

RD Directoires

BIBLIOGRAPHIE

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Conduits par l’Esprit « Vade-mecum » du Signum Fidei, FSC, Secrétariat pour la Mission Éducative, Maison Généralice, Rome, 1993.

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Josean VILLALABEITA, FSC, Cahier MEL 54, Pour procurer votre gloire, l’identité lasallienne d’après les formules des vœux des frères, Rome, 2019.

NOTES DE BAS DE PAGE

[1] En cette année 2023, les membres du CORELA sont, dans l’ordre alphabétique : Colette Allix, F. Dominique Cellier, Fabrice Deroissart, Magali Devif, Jean-Pierre Jossen, Jean-Baptiste Murez, F. Claude Reinhardt, F. Jean-Louis Schneider.

[2] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/spiritualit%C3%A9/74250

[3] Chantal DELSOL, La fin de la chrétienté. Cerf, Paris 2021, p. 108

[4] Raymond DEVILLE,  L’École française de spiritualité. Desclée de Brouwer, Paris, 2008

[5] Frère Aubert-Joseph, FSC, La spiritualité des Frères des Écoles Chrétiennes, dans “Cahiers Carmélitains”, Choubrah, Le Caire, début des années 70

[6] Bernard HOURS, Jean-Baptiste de La Salle, un mystique en action, Salvator, Paris, 2019

[7] MR 201,1

[8] MR 201,1

[9] MR 193

[10] Jean-Baptiste BLAIN, La vie de Monsieur Jean-Baptiste de La Salle Instituteur des Frères des Écoles chrétiennes, Livre 1, Chap. X, Rouen, 1773, p. 169

[11] Jean-Baptiste de LA SALLE, Œuvres Complètes, Règles communes des F.E.C., chap. 2, F.E.C, Rome, 1993. Repris en exergue de la Règle des F.E.C. d’aujourd’hui (révisée en 2015)

[12] André-Pierre GAUTHIER, FSC, À l’école de la fraternité, Cerf, Paris, 2015, p. 173-175

[13] Léon LAURAIRE, FSC, Le défi de la Fraternité, Cahiers MEL n°56, Maison Généralice, Rome, Mars 2021, p. 7

[14]  Jean-Baptiste de LA SALLE, La Conduite des écoles, in Œuvres Complètes, Rome, F.E.C., 1993

[15]  Jean-Baptiste BLAIN, Cahiers Lasalliens, 7, p. 241, cité par Léon LAURAIRE, FSC, Le défi de la Fraternité, Cahiers MEL n°56, Maison Généralice, Rome, Mars 2021, p. 7

[16] Jean-Baptiste de LA SALLE, Règles de la Bienséance, dans Œuvres Complètes, Rome, F.E.C., 1993

[17]  Frère Supérieur Robert SCHIELER, discours d’ouverture du Chapitre Général, 1er mai 2022

[18] Jean-Baptiste de LA SALLE, Mémoire sur l’habit, 1690, in Œuvres complètes, Rome, 1993, p. 53

[19] Thèmes lasalliens, Volume 3, Chapitre 69 “Communauté, Société, Institut”, Rome, 1996, p. 41.

[20] Ibid.

[21] Ce n’est qu’en 1725, lors de la reconnaissance de l’Institut par le pape Benoît XIII, que furent rajoutés les vœux de pauvreté et de chasteté. Aujourd’hui les Frères prononcent donc 5 vœux. 

[22] Il s’agit de l’œuvre manuscrite de 1718 et qui reprend celle de 1705. La première version imprimée date de 1726.

[23]  Jean-Baptiste de LA SALLE, Règles communes, 1690, in Œuvres complètes, Rome, 1993, p. 4.

[24] Collectif lasallien, Déclaration sur la mission éducative lasallienne, défis, convictions et espérances, Rome, 2020, p. 22. 

[25] Institut des F.E.C., Règle des Frères des Écoles chrétiennes, Rome, 2015, p. 49

[26] Ibid., p. 49

[27] Ibid., p. 51

[28] Ibid., p. 54

[29] Ibid., p. 53-54

[30] Collectif lasallien, Op. cit.

[31] CLF : Centre Lasallien Français. C’est une formation sur deux ans proposée à tous lasalliens, Frères et laïcs.

[32] AIMEL : Assemblée Internationale de la Mission Éducative Lasallienne. Elle a lieu tous les sept ans depuis 2006. Elle précède le Chapitre général. La France organise une AMEL tous les quatre ans (avant chaque Chapitre de District) depuis 2006

[33] Collectif lasallien, Op. cit.

[34] Ibid.

[35] Ibid., p. 118

[36] Jean-Baptiste de LA SALLE parle même d’un ministère ecclésial de l’éducation à propos des Frères des Écoles chrétiennes 

[37] RC 2,3

[38] CE 1,2,7

[39] MR 194,3,1

[40] MF 192,2,2, sainte Catherine

[41] MF 102,2

[42] Luke SALM, FSC, Thème lasallien, 59 “Salut”, p. 229. 

[43] Jean PUNGIER, FSC, Une spiritualité pour enseignants et éducateurs, F.E.C., Paris, sans date, p. 8.

[44] Luke SALM, FSC, Thème lasallien, 59 “Salut”, p. 233.

[45] Timothée 2 :4

[46] Luke SALM, FSC, Thème lasallien, 59 “Salut”, p. 232

[47] Jacques D’HUITEAU, FSC, Intervention sur “La spiritualité lasallienne dans un monde éclaté et sécularisé”, diapositive 18

[48] Jacques D’HUITEAU, FSC, Intervention sur “La spiritualité lasallienne dans un monde éclaté et sécularisé”, diapositive 23

[49] Luke SALM, FSC, Thème lasallien, 4 “Apôtre”, p. 34

[50] Jean-Louis SCHNEIDER, FSC, Thème lasallien, 26 “Élever”, p. 243

[51]  Jacques D’HUITEAU, FSC, Intervention sur “La spiritualité lasallienne dans un monde éclaté et sécularisé”, diapositive 18

[52] RC 2,1

[53] MD 43,3

[54] MD 43,3

[55] RC 11,1,1

[56] MF 117,3

[57] RC 2

[58] RC 2,2

[59] MD 44,1, pour le Lundi de Pentecôte

[60] MF 96,3, pour la fête des Rois

[61] MF 147,3, sur sainte Marthe

[62] RM. 8 :28

[63] EP 3,0,8 & 9

[64] MF 177,3,1

[65] Méditation 43,3

[66] Álvaro Rodríguez ECHEVERRÍA, FSC, LETTRE PASTORALE AUX FRÈRES : ASSOCIÉS AU DIEU VIVANT Notre vie de prière, Rome, Noël 2002

[67] « Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation », Bulletin officiel n°30 du 25 juillet 2013, p. 1

[68] Statut de l’Enseignement catholique en France, juin 2013, 1re partie, section 2, article 18

[69] Jean-Marie THOUARD, FSC, Les réflexions actuelles des Frères à propos de leur association avec les Laïcs, F.E.C., vers 1989

[70] Jacques D’HUITEAU, FSC, Intervention sur “La spiritualité lasallienne dans un monde éclaté et sécularisé”, diapositive 17

[71] Alain HOURY, FSC, Spiritualité lasallienne, 12/09/2016, p. 2

[72] Alvaro Llano RUIZ, FSC, Lasalliana 43, fiche 19, C -189 « Spiritualité de l’éducateur aujourd’hui (2/2), [Texte initial « Le laïc catholique, témoin de la foi dans l’école »].

[73] Jacques D’HUITEAU, FSC, Intervention sur “La spiritualité lasallienne dans un monde éclaté et sécularisé”, diapositive 17

[74] Jean-Marie THOUARD, FSC, Les réflexions actuelles des Frères à propos de leur association avec les Laïcs, F.E.C., vers 1989, p.1 

[75] Alain HOURY, Spiritualité lasallienne, 12/09/2016, p. 6.

[76] Conduits par l’Esprit « Vade-mecum » du Signum Fidei, FSC, Secrétariat pour la Mission Éducative, Maison Généralice, Rome, 1993, p. 15-16.

[77] R 11,1, 6

[78] RC 2,9

[79] RC 2,10

[80] Voir particulièrement MR 201 & MR 202

[81] MR 201

[82] MR 202

[83] MR 201 & MR 202

[84] MR 201

[85] MR 201 & MR 202

[86] MR 201,3,2

[87] MR 200,1,2

[88] MF 166,2,2, saint Cyprien

[89] MF 153,3,2, saint Caïetan

[90] MF 133,3,2, sainte Marguerite d’Écosse

[91] MF 173,1,2 saint François d’Assise

[92] Voir MR 193,1 et 194,2

[93] Collectif Lasallien, Déclaration sur la Mission Éducative Lasallienne, Rome, 2020, pages 117-118

[94] Collectif Lasallien, Déclaration sur la Mission Éducative Lasallienne, Rome, 2020, page 89

[95] Document du 46ème Chapitre Général, Circulaire 477, Rome, 2022, page 11

[96] Règle des Frères des Écoles Chrétiennes, Rome, 2015, Article 16.1

[97] Jean-Baptiste de LA SALLE, Méthode d’oraison, 1739

[98] Mt 18,20

[99] Ac 17,28

[100] 1 Co 6,19

[101] Ps 92,5

[102] Luke SALM, FSC « Une pratique traditionnelle », Cahier MEL 21, coordonné par Jacques GOSSELIN, FSC, Rome, 2005, p. 26-27

[103] MD 43,3,2, Méditation pour le jour de la Pentecôte

[104] L 102,7

[105] L 1,5

[106] Pierre OUATTARA, FSC, « Le service éducatif lasallien, quel moyen de salut aujourd’hui ? » Etudes lasalliennes 17, Que l’école aille toujours bien, Approche du modèle pédagogique lasallien, coordonné par Diego MUNOZ, FSC, et P. GIL, FSC, Rome, 2013, p. 288

[107] 1 S 3,10

[108] Ps 84,9

[109] Collectif Lasallien, Déclaration sur la mission éducative lasallienne : Défis, convictions et espérances. Maisons généralice, Rome, Septembre 2020, p. 70

[110] Josean VILLALABEITIA, FSC, Cahier MEL 54, Pour procurer votre gloire, l’identité lasallienne d’après les formules des vœux des frères, Rome, 2019, en particulier p. 27 & p. 61

[111] Méditation 43,3,2, Pour le dimanche de la Pentecôte

[112] Léon LAURAIRE, FSC, « Conduite des écoles – approche pédagogique », Cahiers lasalliens 62, Rome, 2006, p.154

[113] Jacques Goussin, FSC, Thèmes lasalliens 1 article 31 « Exercices », Rome, 1993

[114] LA 49,6

[115] LA 57,12

[116] LA 58,20

[117] RC 16

[118] MR 205,2