Engy Elhakim (1 mai 2025)
Aaah, la cérémonie de graduation ! Ce moment à la fois solennel et euphorique, où les étudiants, vêtus de longues toges noires et coiffés de curieux chapeaux carrés, s’apprêtent à tourner une page importante de leur vie. Discours inspirants, larmes de joie, musique cérémonielle, photos en rafale… Tout semble parfaitement orchestré. Mais si on vous disait que ce rituel, devenu presque universel, plonge ses racines au cœur du Moyen Âge européen ?
Tout commence au XIIe siècle, dans les premières universités du continent, notamment à Oxford, Bologne ou Cambridge. À l’époque, les étudiants sont presque tous des membres du clergé ou en formation religieuse. Leur apparence doit donc refléter leur statut spirituel : ils portent des robes longues et des capuchons, non seulement pour se distinguer des laïcs, mais aussi pour se protéger du froid intense des amphithéâtres de pierre… souvent non chauffés. Ces habits austères sont en fait les ancêtres directs de la toge universitaire que l’on connaît aujourd’hui.
Mais que dire de ce fameux chapeau carré, le mortier ? Loin d’être un simple accessoire à lancer en l’air pour la photo, il tire son origine du biretta, un couvre-chef porté par les ecclésiastiques catholiques dès le XVe siècle. Ce chapeau symbolisait à la fois l’autorité religieuse et la connaissance. Avec les siècles, le biretta se transforme pour devenir le mortier moderne, orné de son petit pompon suspendu, qui devient presque un trophée académique à part entière. D’ailleurs, selon la tradition, le pompon est déplacé du côté droit au côté gauche au moment de recevoir le diplôme, un geste symbolisant la transition.
Lorsque ces traditions traversent l’Atlantique, elles trouvent un écho très fort aux États-Unis, un jeune pays, mais avide de symboles forts pour marquer les étapes de la vie. En 1895, un comité interuniversitaire américain (Intercollegiate Commission) est créé pour uniformiser les vêtements de graduation. Il impose alors le port d’une toge noire standardisée, d’un mortier carré, et d’un capuchon coloré selon la discipline étudiée – bleu pour les lettres, vert pour la médecine, violet pour le droit, etc. Ce code vestimentaire vise à promouvoir l’égalité entre tous les diplômés, indépendamment de leur origine sociale ou économique.
Et que serait une graduation sans sa bande-son emblématique ? Depuis 1905, les diplômés avancent au rythme majestueux de la marche "Pomp and Circumstance" du compositeur britannique Edward Elgar. Cette pièce, initialement jouée lors d’une cérémonie à l’université de Yale, est rapidement devenue incontournable dans les écoles et universités du monde entier. Son tempo lent et solennel donne à chaque pas un air de conquête, comme si chaque étudiant gravissait symboliquement les marches de l’avenir.
Mais parlons du moment préféré de tous : le lancer du mortier ! Ce geste festif et libérateur trouve ses origines en 1912 à l’Académie navale américaine. À la fin de leur formation, les futurs officiers reçoivent un nouveau chapeau officiel et jettent leur ancien couvre-chef en l’air dans un geste de joie collective. Cette coutume est si populaire qu’elle est vite adoptée dans les universités civiles. Aujourd’hui, ce lancer est devenu l’un des moments les plus attendus – et les plus photographiés – de toute la cérémonie.
Mais les traditions évoluent. De plus en plus d’universités dans le monde adaptent la cérémonie à leur culture locale. En Inde, certaines institutions ont décidé de bannir les tenues dites « coloniales », comme la toge, pour les remplacer par des vêtements traditionnels tels que le sari, le kurta ou le veshti. Ce changement reflète une volonté de réaffirmer l’identité culturelle tout en célébrant la réussite académique. D’autres universités choisissent d’inclure des danses, des chants ou des éléments religieux dans la cérémonie, rendant chaque graduation unique à sa communauté.
En somme, la cérémonie de graduation est bien plus qu’un simple rituel de fin d’études. C’est une tradition millénaire qui mêle héritage religieux, académique, culturel et émotionnel. Elle symbolise l’effort, le passage à l’âge adulte et l’ouverture vers l’avenir. Alors, la prochaine fois que vous ajusterez votre toge et tiendrez votre mortier bien droit sur la tête, souvenez-vous : vous ne portez pas seulement un costume… vous incarnez une histoire vieille de plus de 800 ans.
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