Annabelle Tasset-Scherer (28 avril 2025)
La procrastination, ce phénomène universel qui nous conduit à remettre au lendemain ce que nous pourrions faire aujourd’hui, est un sujet qui intéresse tout particulièrement les étudiants. Nous connaissons tous ce moment où, plutôt que de rédiger ce rapport, nous passons plusieurs heures à regarder des vidéos de chats ou à organiser nos classeurs de manière parfaitement inutile. Mais pourquoi agissons-nous ainsi ? Et surtout, comment expliquer ce comportement qui semble irrationnel ? Cet article explore la science de la procrastination et propose des solutions pour transformer cette tendance en productivité.
Pourquoi procrastinons-nous ?
La procrastination est un mécanisme complexe qui trouve ses racines dans nos émotions et dans notre cerveau. Selon le psychologue Piers Steel, l’un des chercheurs les plus cités dans le domaine, la procrastination est motivée par deux principaux facteurs : l’aversion pour la tâche et la gratification immédiate (Steel, 2007). Autrement dit, nous repoussons les tâches qui nous semblent ennuyeuses, complexes ou stressantes, et nous préférons les plaisirs immédiats, comme regarder des vidéos amusantes sur YouTube.
Une étude menée par le psychologue Timothy A. Pychyl et ses collègues a révélé que la procrastination est souvent liée à des émotions négatives, telles que la honte ou l’anxiété, ressenties face à une tâche (Pychyl et al., 2000). Lorsqu’une tâche nous semble accablante, notre cerveau choisit d'éviter ce stress en se dirigeant vers des activités plus agréables, mais peu productives. Ce comportement, bien qu'il procure une satisfaction temporaire, augmente le stress à long terme, car les tâches sont repoussées et l’échéance se rapproche.
Le paradoxe de la productivité : être occupé sans être efficace
Une autre raison pour laquelle les étudiants procrastinent est liée à la manière dont nous percevons la productivité. Dans une étude de 2016, il a été démontré que les étudiants, au lieu de se concentrer sur l'accomplissement d'une tâche particulière, préfèrent multiplier les petites tâches, comme vérifier les e-mails ou organiser leur espace de travail, pour donner l’illusion d’être productifs sans rien accomplir de substantiel (Rosen, Carrier, & Cheever, 2016). Ce phénomène est souvent appelé « productivité de la procrastination ». Ainsi, tout en ayant l’impression d’être occupé, nous évitons réellement de travailler sur ce qui est important, d’où le cycle incessant de retard accumulé.
Une étude de Steel (2007) a aussi mis en évidence qu’il existe deux types de procrastination : la procrastination passive et la procrastination active. Dans le premier cas, l’étudiant se laisse simplement submerger par les tâches et évite de commencer le travail. Dans le second cas, l’étudiant semble adopter un comportement plus stratégique, cherchant à accomplir des tâches moins urgentes, mais plus faciles à réaliser, tout en négligeant l’essentiel. Les deux types peuvent avoir un impact similaire sur les performances et l'anxiété.
Comment rompre avec la procrastination ?
Il existe plusieurs stratégies éprouvées pour combattre la procrastination et retrouver un peu de productivité. Tout d'abord, il est essentiel de réduire la tentation des distractions. Une étude menée par Linda J. Caldwell a démontré que l’évitement des distractions comme les réseaux sociaux pendant les heures de travail augmentent considérablement l’efficacité des étudiants (Caldwell, 2009). Il peut être utile de télécharger des applications comme "Forest" ou "Focus@Will", qui bloquent les notifications et offrent des sons apaisants pour favoriser la concentration.
Ensuite, il est primordial de comprendre l’importance de la gestion du temps. Une étude de Gollwitzer et Sheeran (2006) a montré que la création de plans d'action détaillés, en indiquant des étapes précises et des horaires définis pour chaque tâche, réduit significativement les comportements procrastinatoires. Ainsi, l’étudiant qui se fixe un objectif clair, comme « je vais écrire 500 mots dans les 30 prochaines minutes », a plus de chances de se concentrer et de mener à bien la tâche.
Enfin, il est crucial de se donner des récompenses pour chaque étape accomplie. Cela joue sur le système de gratification immédiate que recherche le cerveau. Une étude de 2014 menée par Piers Steel a révélé que la mise en place d'un système de récompenses renforçait la motivation et diminuait l'envie de procrastiner (Steel, 2014). Se permettre une pause après avoir terminé une partie du travail ou se récompenser avec une activité plaisante, comme regarder une vidéo, peut-être une stratégie efficace pour maintenir la motivation à long terme.
Conclusion
La procrastination n’est pas une fatalité, mais plutôt un défi à relever avec les bonnes stratégies. En comprenant ses mécanismes et en mettant en place des techniques adaptées, les étudiants peuvent non seulement réduire leur procrastination, mais aussi améliorer leur gestion du temps et leur efficacité. Et, au fond, un petit peu de temps pour regarder des vidéos de chats de temps en temps ne fait pas de mal, tant que l’on reste maître de son agenda. La procrastination peut être productive ; par exemple, cet article a été écrit entièrement en période de procrastination.
Bibliographie
Caldwell, L. J. (2009). The relationship between procrastination and academic performance. Journal of College Student Development, 50(2), 140-149.
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Pychyl, T. A., Lee, J., Thibodeau, R., & Blunt, A. (2000). Five days of procrastination: An investigation of procrastination and the self-regulation of behavior. Personality and Social Psychology Bulletin, 26(1), 62-74.
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Sirois, F. M., Melia-Gordon, M. L., & Pychyl, T. A. (2013). "I'll do it tomorrow": Examining the role of procrastination in health behavior. Personality and Social Psychology Bulletin, 39(4), 537-553.
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World, A. (2024, March 27). Procrastination : En quoi remettre à plus tard peut être positif ? Atypique World. https://www.blog-atypique-world.com/post/procrastination-en-quoi-remettre-a-plus-tard-peut-etre-positif