Angela Li (septembre 2025)
Ce sont des mots qui sont lancés à la légère, sans réfléchir, comme une seconde nature à la moindre contrariété. C’est une sorte de mécanisme de défense afin de mettre fin rapidement à ce qui fait souffrir le cœur en détresse. Il arrive quotidiennement, et on l’entend résonner contre les murs de brique qui encerclent le flou des étudiants pressés dans la chaleur inconfortable, d’autres fois à travers le tapotement rythmé des doigts pour l’envoyer derrière la barrière de l’écran sur le clavier qui nous sépare du monde virtuel.
D’une certaine façon, c’est une forme d’évasion, car au lieu d’être simplement énervé, ou d’essayer de trouver une solution au problème, les gens souhaitent, pendant une fraction de seconde, aussi brève soit-elle, mourir de leurs propres mains – c’est un circuit perpétuel dans le coin du cerveau, et si l’on se place dans le bon angle, il se trouvera dans le coin de l’œil.
Alors, pourquoi cela fait-il autant de sens de le voir comme une option viable?
Évidemment, la plupart du temps, les gens ne le pensent pas vraiment, ce qui explique pourquoi ces mots sont prononcés de façon si négligente. C’est devenu quelque chose de normalisé, au point où, lorsqu’une personne le dit, c’est perçu comme quelque chose de drôle, de la même manière qu’on rirait à une blague maladroite, et finalement, ils finiront par être légèrement agacés et trouveront une solution au problème, mettant ainsi fin au petit fiasco qui était…Ouais, OK, j’ai compris. Tu n’y pensais pas vraiment, alors je devrais arrêter de le prendre autant au sérieux.
Mais imagine: dans un monde qui n’est en fait pas aussi lointain qu’il pourrait le paraître, tu y penses. Sérieusement. Ça devient quelque chose de troublant, parce que tu n’arrives pas vraiment à trouver cette voix dans ta tête qui te dit que c’est, en réalité, une terrible idée.
Tu ne sauras jamais ce qui se passera après. La seconde après, ou la minute, la semaine ou le mois après.
Des fois, je déplore que la vie ne donne pas un mode d’emploi pour nous guider. Évidemment, certains ne comprendront pas: mais au moins deux sur dix d’entre vous vont comprendre. Et au fur et à mesure que le temps passe, l’automne descendra sur la ville alors que le vert se mêlera à l'orange vif et au rouge éclatant contre un fond jaune: avant que tu t’en rendes compte, septembre arrivera.
Septembre est le mois de la prévention nationale du suicide.
C’est un moment pour se souvenir des vies que nous avons perdues, de ceux qui ont lutté et qui ont été affectés par le suicide. On estime que dix à vingt millions de personnes tentent de mettre fin à leur propre vie chaque année, et parmi ce nombre, environ sept cent vingt mille personnes y parviendront – c’est environ une personne toutes les quarante secondes (Association internationale pour la prévention du suicide). C’est devenu la troisième cause de décès chez les quinze à vingt-neuf ans dans le monde.
C’est devenu une chose qui n’est plus prononcée à la légère, ce circuit sortant du coin pour s’accrocher à toi peu importe où tu vas.
Ces chiffres – qui peuvent paraître aussi facilement qu’une réponse inscrite au tableau de la classe de ton professeur de maths, sur les panneaux aux carrefours, sur ton téléphone, que l'on voit tous les jours – ne sont pas que des statistiques. Ce sont des mères. Ce sont des pères. C’est ton frère, ton ami, un étranger que tu ne connaitras jamais ou encore, tu ne sauras jamais ce qui a traversé leur esprit ou ce qu’il affronte chaque jour.
Alors la prochaine fois que vous entendrez ces mots, lancés à la légère… Pensez un peu plus à la signification, et à la lourdeur du poids qu’ils portent.