Miriam Biello-Tommasel (octobre 2025)
En tant que femme, vous trouvez-vous chanceuse de pouvoir vivre sans limite? Sans regards malveillants. La pure liberté ? Sans conditions. Ces pensées me sont venues alors que je complètais la dernière page du roman Que sur toi se lamente le Tigre, écrit par Emilienne Malfatto, journaliste et photographe en Irak.
Les femmes dans le livre sont des êtres bienveillants, mais dans une société patriarcale, elles n’ont nulle part où se tourner pour s’épanouir à leur plein potentiel. Prenons la mère, qui s’est dite poussée dans cette vie. Sans l’appui des hommes et même d’autres femmes dans sa communauté, comment peut-on s'attendre à ce que quelqu’un ait le courage de briser des anciennes traditions discriminatoires visant à remonter les hommes, en abaissant les femmes ? Voilà pourquoi tant de femmes se sentent enchaînées sans voie de sortie.
La manière dont est formée une mentalité ou une pratique culturelle absurde est par la peur : pour infliger la peur. Malgré l’écoulement de dizaines d’années depuis l’implantation de cette culture antiféministe, le fait que celle-ci instaure la peur parmi les individus d’une société fait en sorte que quasiment personne s’y oppose de vive voix, ne voulant pas faire face aux châtiments sévères qui les attendent. Plus je lisais le livre, plus je me rendais compte à quel point je suis choyée de pouvoir simplement « être » sans la peur constante qu’une simple erreur, et ma vie pourrait être terminée pour de bon.
C’est le cas pour la jeune femme au nom anonyme du livre qui « met la honte » sur sa famille. Dans cet Irak, les crimes que font les femmes mettent en jeu l’honneur familial, et surtout l’honneur de l’homme de la famille. On comprend entre les lignes, sachant que l’homme est le chef de famille. Si une femme dans sa famille commettait un crime, disons l’adultère, elle serait allée en opposition directe avec ses ordres, indiquant alors qu’elle défie son autorité masculine. Même s’il a droit, lui, à plusieurs femmes ! Ce que je dis là, rappelez-vous, ne sont pas mes mots ni mon opinion, mais la description de la pensée d’une société restreinte complètement contraire à celle du monde occidental, ainsi que de ma pensée en tant que femme qui se respecte et respecte les droits fondamentaux qui s’appliquent tant aux femmes qu’aux hommes.
Pour comprendre la pleine histoire, il est nécessaire de s’informer sur la formation d’une société comme celle présente dans le livre. Amir est le frère aîné de 5 enfants, faisant de lui le futur chef de famille dès sa naissance. Le rang d’un successeur est en quelque sorte plus élevé que celui de sa propre mère. Une fois la succession du pouvoir patriarcal, il est attendu de cet homme dit « successeur » qu’il prenne les rênes de la famille (des femmes). Ces hommes sont poussés dans cette vie par leur père depuis des générations.
Prenant un pas de recul, il est possible de donner le bénéfice du doute à ces hommes qui auraient pu vouloir vivre leur vie autrement… aux côtés de leurs femmes au lieu d’être au-dessus d’elles. Peut-être auraient-ils plus à gagner en répartissant le pouvoir et tout ce qu’il comprend au lieu de se mettre cette immense pression irréaliste qu’ils doivent toujours être en contrôle de la situation sans laisser place à l’erreur. Après tout, l’erreur est humaine… non?
Il est important de mentionner que l’autre côté de la médaille n’est pas plus brillant. Le fonctionnement du patriarcat intra-familial serait impossible si les femmes étaient éduquées et avaient un sentiment de soutien et de liberté alimenté par les autres femmes de leur famille. Ce point est également révélé par la mère de famille alors qu’elle aborde le fait que les filles se font modeler par leur mère pour être de « bonnes femmes soumises » qui savent où est leur place.
L’idée d’une révolution menée par les femmes a été courtement réfléchie mais n’a pas eu la dévotion nécessaire pour devenir réalité. Il faut seulement qu’une femme commence à enseigner à ses filles, qu’elles ne doivent pas rentrer dans une boîte applicable à toutes, garder le silence pour laisser parler les hommes, se réduire à de simples femmes à corvées, et j’en passe, pour vivre une vie digne de leur valeur à elles. En imaginant que le phénomène prenne de l’ampleur, cela pourrait être le début d’un mouvement plus grand qu’elles, une révolution tranquille.
Bref, les hommes se croient rois à certains endroits dans le monde mais cela n’empêche en rien le sentiment grandissant qu’une révolution est sur le point de faire son entrée et de chambouler cet empire patriarcal, prêt à le réduire en cendres.
Comme le dit si bien Emilienne Malfatto, « Dans ce pays de sable et de scorpions, les femmes payent pour les hommes. » … mais doivent-elles vraiment?
Bibliographie
1- Malfatto, Emilienne, Que sur toi se lamente le tigre, Éditions Elyzad, 2020, 79 pages.