Bonjour à vous tous,
Je me nomme Vincent et je suis TES « plancher » à l’école. Plusieurs d’entre vous m’ont connu sous le prénom d’Amélie. Comme vous l’avez appris récemment, j’entame une transition de changement de genre. Julie Michèle vous a expliqué brièvement le changement et, sous peu, l’organisme TRANS-Mauricie/Centre-du-Québec viendra en classe pour vous expliquer plus en détails en quoi consiste une transition. Je n’entrerai donc pas dans ces détails. Je vais plutôt vous parler de mon cheminement psychologique et social. Le journal étudiant de l’école avait décidé, avant même que j’annonce ma transition, d’écrire un article sur l’homophobie et la transphobie dans les écoles. Ils m’ont approché pour que je compose un témoignage et je crois qu’il est important que je prenne cette occasion de m’exprimer pour ceux qui souffrent en silence en ce moment ou encore pour sensibiliser les gens.
Cela m’aura pris 28 ans avant de comprendre vraiment qui j’étais et pourquoi je ne me sentais jamais à ma place. J’ai une amie très proche qui m’a un jour dit : « Je crois sincèrement que tu n’es pas dans le bon corps. » Ce jour-là, j’ai enfin tout compris… J’ai compris que j’avais un défaut de fabrication; mon corps et ma tête n’allaient pas du tout ensemble. Je me sentais homme dans un corps de femme… Lorsque j’ai compris, toute ma vie est devenue claire et j’ai réalisé que c’était présent depuis mon enfance. Je me questionnais constamment. Je n’étais pas à l’aise dans mon corps féminin sans réellement comprendre pourquoi. Je cherchais à être femme, à avoir l’air d’une femme pour les autres parce que j’avais constamment l’impression que c’est ce qu’on attendait de moi. Avoir les cheveux longs, mettre des robes, me maquiller… je me sentais déguisée sans réellement comprendre. Je me disais souvent : « Je ne me sens pas moi, mais je suis une femme, je devrais pourtant avoir envie de faire ces choses… » Les gens me disaient des commentaires très positifs quand je le faisais. J’avais parfois l’impression d’exister aux yeux de la société seulement quand j’avais l’air d’une femme et cela me confrontait beaucoup. Finalement, je ne me sentais pas bien. Je décidais donc de me couper les cheveux courts, de m’habiller avec des vêtements masculins et, souvent, je sentais les regards ou j’avais des commentaires qui me rendaient mal à l’aise.
Cela fait maintenant un an que j’ai compris qui j’étais réellement au fond de moi, mais j’ai préféré le taire au début. J’avais tellement peur du jugement des autres et de tout ce qu’implique une transition que j’ai mis cette information loin dans un tiroir de ma tête en faisant comme si de rien n’était pendant une autre année de ma vie. Rapidement, j’en ai eu assez. J’avais besoin de vivre et d’arrêter de survivre à mon quotidien. J’ai décidé d’aller de l’avant dans cette transition. Je dois avouer que les 29 dernières années de ma vie n’ont pas été de tout repos… J’ai vécu beaucoup de souffrance, de détresse psychologique. J’ai passé par plusieurs phases de remise en question, d’émotions intenses et négatives, de comportements autodestructeurs et même d’idées suicidaires. Je n’ai pas l’habitude d’exposer ma vie privée a un aussi grand nombre de personnes et surtout pas dans mon milieu de travail, mais je crois que c’est réellement important de comprendre que de ne pas savoir qui l’on est et de ne pas se sentir à sa place peut être très lourd à vivre quotidiennement voire même insoutenable par moment.
J’ai eu du soutien de mon entourage, de ma famille, de mes amis, de mes collègues et de plusieurs professionnels depuis mon coming out et je continuerai d’avoir besoin des autres pour vivre cette transition une étape à la fois et en douceur. Ce fut tout un parcours que j’ai eu à franchir pour en arriver où j’en suis aujourd’hui, mais je ne regrette rien puisque j’ai grandi à travers chaque épreuve vécue.
Je terminerai ce message en disant que, peu importe ce que vous vivez, il y a toujours une lumière dans la noirceur et sachez que vous pourrez toujours compter sur quelqu’un pour vous aider à la retrouver. Ne laissez pas les autres ou la société vous empêcher d’être ce que vous êtes réellement, que ce soit concernant votre orientation sexuelle, votre identité de genre ou votre personnalité. Soyez qui vous êtes pour vous et pour personne d’autre. S’accepter et s’aimer soi-même est le plus beau cadeau que vous puissiez vous faire. Soyez vrais! Et, si le chemin est difficile, rempli d’embûches et trop lourd à porter, parlez-en! Que ce soit à la maison, avec vos amis ou avec un membre du personnel de l’école. Ne restez pas seuls.
En concluant, je ne demande qu’une seule chose : le respect. Ce n’est pas simple de se dévoiler, de vivre ce genre de parcours en s’exposant à plus de 1400 personnes dans son milieu de travail. Je considère donc que le respect est de mise envers moi et envers tous les gens qui sont différents dans ce milieu. Vivre avec une différence peut faire vraiment peur, plus qu’on ne le croit! Se sentir soutenu et accepté peut faire toute la différence!
Si certains d’entre vous ont besoin de parler ou ont besoin d’aide, n’hésitez pas à venir me voir. Il me fera plaisir de vous écouter.
-Vincent Trépanier