DES CONDITIONS QUI DÉRANGENT
DES CONDITIONS QUI DÉRANGENT
Depuis quelques années, on entend de plus en plus parler de santé mentale. Alors que certains jugent qu’en parler rend ce sujet moins tabou, il le demeure définitivement, surtout lorsqu’il s’agit de discuter de personnes atteintes de troubles mentaux et de la discrimination à laquelle elles doivent faire face. Il serait donc extrêmement pertinent de se demander à quel point la société canadienne accepte réellement les maladies mentales.
POURQUOI S’AGIT-IL D’UN SUJET TABOU ?
En général, les sujets de santé mentale et de maladies mentales restent dans l’ombre dû aux nombreux préjugés qui, malheureusement, les entourent encore aujourd’hui. Malgré une ouverture depuis quelque temps, que ce soit dans les médias, les écoles ou encore les familles, les personnes sujettes à des maladies mentales demeurent faussement représentées. Que ce soit la présentation du concept de santé mentale, sans prendre en compte les troubles mentaux, ou alors la diabolisation de certaines conditions ou de la prise de médicaments, tous ont un énorme impact sur la façon dont les personnes atteintes de maladies mentales sont traitées et perçues.
Puisqu’elles sont victimes d’ignorance au quotidien, les personnes atteintes de troubles mentaux ressentent fréquemment de la honte, de la culpabilité ou même de la détresse psychologique, ce qui peut affecter la gestion de leur maladie mentale. De plus, la grande stigmatisation et discrimination auxquelles elles font faces peuvent les empêcher d’accéder aux services leur étant nécessaires. En effet, on rapporte que plus de 60% des gens atteints de maladies mentales ne demandent pas l’aide dont ils ont désespérément besoin.
PARLONS-EN
Plusieurs personnes pensent que les troubles mentaux sont des cas rarissimes, ce qui est totalement faux. En fait, il est rapporté qu’une personne sur cinq, soit 20% de la population, serait atteinte d’un trouble mental. Les plus courants sont la schizophrénie, la bipolarité, la dépression persistante, le trouble de personnalité limite et les troubles anxieux, comme le trouble obsessionnel compulsif (TOC).
Encore aujourd’hui, malgré ce que certaines personnes peuvent penser, la partie de la population atteinte de maladies mentales fait face à de la stigmatisation et de la discrimination. En effet, elle doit fréquemment affronter des situations comme la perte d’êtres chers suite à leur diagnostic, la réticence des employeurs lorsqu’ils sont engagés ou encore la difficulté à avoir accès à des soins de santé de base.
Une diabolisation persistante
Si tant de gens se sentent mal à l’aise par rapport aux maladies mentales, c’est sans aucun doute à cause de la façon dont elles sont présentées. Trop souvent, les personnes atteintes de troubles mentaux doivent faire face à des préjugés et à de la stigmatisation. Et ces derniers ne viennent pas de nul part. Par exemple, on a qu'à penser aux personnes atteintes de schizophrénie, qui sont continuellement représentées comme étant « dangereuses » et « diaboliques ». Surtout dans les médias, les mots « schizophrénie » et « schizophrènes » sont utilisés de façon métaphorique, teintés d’une connotation hautement négative. Et, lorsque le terme est employé adéquatement, c’est souvent pour dépeindre les personnes atteintes de schizophrénie comme étant dangereuses et violentes.
Ceci n’est pas seulement le cas des troubles, mais aussi de la médication. Le fait est que la prise de médicaments afin de traiter les maladies mentales est considérée comme une opinion publique où tout le monde ajoute son grain de sel. Les personnes décidant d’opter pour la médication doivent souvent braver de multiples débats presque toujours menés par des personnes n’ayant aucune formation sur le sujet. Amis, familles, professeurs, et même parfaits inconnus : Tous semblent se donner le droit de questionner la pertinence des traitements suivis.
Ce discours, de plus en plus présent dans les médias, est un véritable frein pour l’évolution de l’importance que l’on accorde à la santé mentale. On fait de plus en plus le tri entre les « bonnes » maladies mentales et les « mauvaises », entre les symptômes qui sont acceptables et ceux qui ne le sont pas et entre les traitements « in » et « out ». On choisit de parler de yoga, de méditation, de « vivre dans le moment présent », mais la vérité c’est que ce n’est pas la réalité de la majorité des personnes souffrant de troubles mentaux. Les hallucinations, les crises, les douleurs physiques, les suicides : tous restent dans l’ombre au profit d’une version enjolivée de la maladie mentale. Uniquement parler de certaines maladies mentales, de certains symptômes ou de certains modes de traitement ne fait avancer en rien la cause de la santé mentale. Au contraire, cela offre une mauvaise représentation des troubles mentaux, ce qui augmente la honte et la détresse auprès des personnes en étant atteintes.
Et qu’en est-il des personnes marginalisées ?
Il est impossible de parler de santé mentale sans discuter de l’impact de la discrimination sur les communautés marginalisés. Effectivement, la santé mentale de plusieurs groupes est en péril étant donné que leur existence est continuellement questionnée et stigmatisée. C’est le cas, par exemple, des personnes racisées qui doivent continuellement affronter du racisme, et ce, dans toutes les sphères de la société. De récentes études se sont penchées sur ce cas, prouvant ainsi que les personnes non-Blanches développent divers mécanismes de survie afin de faire face à la discrimination, ce qui a un véritable impact sur leur santé mentale. Elles sont d’autant plus à risque de développer une dépression, de l’anxiété et des troubles d’alimentation.
Cependant, malgré l’état critique de la santé mentale des personnes non-Blanches, l’accès à des services de qualité leur est restreint. Effectivement, les personnes racisées ont beaucoup plus de difficultés à être prises au sérieux et à recevoir un service adéquat que les personnes blanches. Également, le secteur de la santé mentale manque cruellement de travailleurs sensibles aux réalités culturelles, ce qui occasionne des situations où les patients sont incompris, jugés, et même victimes de mauvais diagnostics. Selon une étude menée par la santé publique d’Ottawa sur la santé mentale de la communauté noire, 56% des participants ont qualifié les services qu’ils avaient obtenus comme étant passables, mauvais, ou très mauvais. De nombreux participants ont aussi déclaré avoir été soignés par des professionnels ayant été méprisants et ayant été ouvertement racistes envers eux.
Des services inaccessibles
Malgré la grande proportion de gens vivant avec des troubles mentaux au Canada, les services leur étant dédiés sont encore insuffisants. En effet, un grand nombre de Canadiens, soit 1,6 millions, disent que leurs besoins en santé mentale ne sont pas satisfaits. Les causes sont multiples, mais la source de ce problème est, sans équivoque, le sous-financement des services en santé mentale. Le gouvernement du Canada, en ce moment, n’accorde que 7,2% de son budget à ce département. Une décision qui, sans aucun doute, a d’énormes impacts sur les services reçus. En fait, le système de santé mentale est si sous-financé que les listes d’attente afin d’avoir accès à des services publics sont interminables, ce qui empêche un énorme nombre d’individus de consulter quand ils en ont cruellement besoin. Quant aux services privés, ils sont dispendieux, ce qui les rend bien trop souvent impossible d’accès.
Ces personnes sont alors obligées de chercher de l’aide auprès de gens n’ayant pas nécessairement toutes les ressources afin de les guider, comme leur médecin de famille. Malgré le fait qu’ils peuvent être d’une grande aide, tous les médecins de famille ne sont pas équipés pour traiter les maladies mentales et les personnes atteintes de troubles mentaux ne devraient pas se résigner à utiliser ces services par manque de ressources.
En somme, un grand travail est encore nécessaire afin de traiter les personnes atteintes de maladies mentales avec respect et dignité.
Marianne Cardinal
SOURCES :
La santé mentale de la communauté noire d’Ottawa (santepubliqueottawa.ca)
La diabolisation de la médication, c'est non. | Ton petit look
La santé mentale | Santé mentale au Québec, une enquête du RQASF
*CMHA-Parity-Paper-Full-Report-FR.pdf
f17-xve-formation-ppt.pdf (aqrp-sm.org)