LA FIN DES HÉLICOPTÈRES D’ATTAQUE
*Lexique à la fin de l'article
Malgré une légère ouverture, depuis quelques années, à la communauté LGBTQ+, celle-ci demeure manifestement un sujet tabou, surtout lorsqu’il s’agit de confronter l’homophobie et la transphobie dans notre société. Le milieu scolaire, n’évoluant pas de façon isolée de la société québécoise, ne fait pas exception à la règle. Il serait donc pertinent de se questionner sur la présence de la discrimination envers les personnes non cisgenres et non hétérosexuelles dans les écoles du Québec.
POURQUOI S'AGIT-IL D’UN SUJET TABOU ?
Généralement, on ne parle que très peu de l’homophobie et de la transphobie en milieu scolaire, soit par manque de connaissances sur le sujet, soit par complète ignorance. En effet, la majorité des élèves et des membres du personnel de l’école pensent, à tort, que ces enjeux sont révolus. De plus, la plupart des gens cisgenres et hétérosexuels manquent d’informations sur la communauté LGBTQ+, ce qui les empêchent de réaliser quels actes sont en fait homophobes et transphobes. Par conséquent, toute discussion sur ces sujets est freinée, causant de grands impacts sur les jeunes non cisgenres et non hétérosexuels.
Effectivement, dû au manque d’attention envers ces problèmes, les étudiants LGBTQ+ ont du mal à dénoncer les actes homophobes et transphobes. Ils pensent notamment que rien ne serait fait pour les aider ou, encore pire, qu’ils subiraient des répercussions négatives pour en avoir parlé. Du côté des élèves cisgenres et hétérosexuels, ils peuvent croire que l’homophobie et la transphobie seront tolérées dans l’établissement et qu’ils n’auront aucune conséquence pour leurs actes.
PARLONS-EN!
Donc, qu’en est-il de l’homophobie et de la transphobie dans les milieux scolaires? Plusieurs personnes pensent, à tort, que les élèves LGBTQ+ sont rares, voire inexistants. En fait, il est estimé qu’environ 8% des jeunes de 15 à 17 ans s’identifient comme faisant partie de la communauté LGBTQ+. Si l’on se concentre sur les personnes non cisgenres, 1,2% des étudiants du secondaire s'identifient comme trans, alors que 2,5% sont en questionnement par rapport à leur identité de genre.
En plus de devoir naviguer parmi tous les problèmes que les adolescents rencontrent habituellement, ces jeunes doivent faire face à la stigmatisation et à la discrimination en lien avec leur orientation et leur identité. Parmi ces étudiants, 87% soulignent avoir été victimes de violence à l’école, physique ou psychologique, due à leur orientation sexuelle, leur identité de genre ou leur expression de genre. En raison de ce flot constant de haine, les étudiants non cisgenres et/ou non hétérosexuels ont majoritairement du mal à se sentir à l’aise et en sécurité en milieu scolaire. Leur épanouissement, tant personnel qu’académique, est ainsi miné. Ils présentent notamment un plus haut taux d’absentéisme, de décrochage scolaire et de suicide que leurs comparses.
Si l’on se concentre sur les personnes non-binaires et trans, la majorité déclare avoir été victime de discrimination à leur école. Non seulement la moitié affirme ne pas se sentir en sécurité en milieu scolaire à cause de leur identité et expression de genre, mais ces personnes sont aussi de 2 à 3 fois plus à risque d’avoir des idées suicidaires ainsi que de réaliser des tentatives de suicide, que leurs camarades cisgenres.
Il est à noter que certaines combinaisons identitaires comprennent plus de risques de discrimination. Par exemple, une personne de couleur, non-cisgenre et non-hétérosexuelle doit faire face à la fois au racisme, à l’homophobie et à la transphobie. De plus, cette personne peut se sentir exclue de sa communauté culturelle et de la communauté LGBTQ+ et ce, à cause du manque de représentation et de services offerts aux personnes de couleur non cisgenres et non hétérosexuelles. Comme chacune de ces identités sont étroitement reliées et jouent toutes un rôle dans l’exclusion sociale que cette personne peut vivre, il est important d’aborder les discussions d’oppression avec intersectionnalité. Bien qu’aucune étude n’ait été faite spécifiquement sur la discrimination que les personnes de couleur LGBTQ+ vivent en milieu scolaire, il n’y a aucun doute que leur situation est loin d’être rose.
DES EXEMPLES DE SOLUTIONS POUVANT ÊTRE MISES EN PLACE
1- Émettre un code de vie et le suivre
Afin de faire en sorte que tous les élèves se sentent en sécurité en milieu scolaire, il est nécessaire de ne pas tolérer les remarques homophobes et transphobes. Même si vous n’approuvez pas ces propos discriminatoires, ignorer ces commentaires ou ne pas intervenir revient à les cautionner. Il est donc extrêmement important de rédiger un code de vie protégeant les jeunes issus de la communauté LGBTQ+, à faire respecter à l’extérieur comme à l’intérieur de la classe.
Par exemple, il est impératif d’intervenir lorsqu’une fameuse “blague d’hélicoptère” est faite ou lorsque des mots péjoratifs sont utilisés.
2- Toujours utiliser un langage inclusif
Il est important d’utiliser un vocabulaire inclusif afin que les personnes trans et non hétérosexuelles se sentent incluses dans leur milieu scolaire. Bien que cela puisse paraître anodin et non pertinent, les mots employés peuvent avoir un grand impact sur les élèves LGBTQ+. En effet, le fait d’utiliser un langage exclusif perpétue l’hétéronormativité et la cisnormativité, des principes identifiant les identités cisgenres et hétérosexuelles comme la norme. Il est donc impératif d’employer un vocabulaire adéquat afin de combattre la transphobie et l’homophobie à l’école.
Par exemple, ce ne sont pas toutes les femmes qui ont des menstruations et ce ne sont pas toutes les personnes ayant des menstruations qui sont des femmes. Il serait donc important d’utiliser le terme «personnes» au lieu de «femmes» lorsque ces sujets sont abordés ou encore, utiliser «partenaire» au lieu de «chum» ou «blonde» dans les situations où l’orientation sexuelle d’une personne est inconnue.
3- Écouter les expériences des jeunes LGBTQ+
La meilleure façon de combattre l’homophobie et la transphobie en milieu scolaire est de réellement écouter les élèves issus de la communauté, surtout lorsqu’ils vous disent que quelque chose est offensant. Bien qu’une remarque peut vous paraître anodine ou mineure, elle ne l’est certainement pas pour une personne vivant déjà de la discrimination en lien avec leur identité. De plus, les élèves LGBTQ+ sont ceux étant le plus au courant de la situation de l’homophobie et de la transphobie à l’école, puisqu’ils vivent les conséquences de cette discrimination continuellement. C’est pourquoi il est impératif de se fier aux jeunes concernés lorsque l’on discute de l’oppression qu’ils vivent.
Par exemple, si vous voulez discuter de ces enjeux, il serait important d’utiliser de véritables témoignages de personnes LGBTQ+, au lieu de mettre de l’avant des personnes cisgenres et hétérosexuelles.
4- Installer des salles de bain non-genrées
Il est impératif d’ériger des salles de bain non-genrées ou mixtes, afin que les élèves non-binaires et trans puissent se sentir inclus et en sécurité. Un changement que certains considèrent extrême, mais qui se révèle absolument nécessaire lorsque l’on sait que 70 % des personnes trans ont rapporté avoir vécu du harcèlement ou une agression physique dans des toilettes publiques. De même, les personnes non binaires sont contraintes de choisir entre les deux seuls genres reconnus (par notre société), homme ou femme, afin d’aller à la salle de bain. Bref, il est nécessaire d’offrir des toilettes non-genrées dans les écoles afin de traiter les personnes trans avec respect et dignité.
Par exemple, il serait extrêmement facile de convertir une salle de bain individuelle en toilette mixte.
5- S’informer et s’éduquer
Une des mesures les plus importantes, qui est bien souvent négligée, est de réellement s’informer sur la lutte des personnes LGBTQ+. Effectivement, afin de combattre la discrimination envers les personnes trans et non hétérosexuelles dans les écoles, il est nécessaire de connaître l’histoire de la communauté LGBTQ+ et les enjeux auxquels elle doit faire face. Sans cela, il est tout simplement impossible de réaliser un environnement inclusif. Il existe une tonne de ressources accessibles afin de mieux s’informer comme les sites Interligne, GRIS Montréal et Alter-héros. Il serait absurde de ne pas les utiliser !
Par exemple, il serait impératif de discuter de Stonewall et de l’implication des femmes trans noires dans la libération de la communauté LGBTQ+ ou encore, de demander à un organisme LGBTQ+ de venir faire une formation à l’école.
En somme, malgré le fait que l’homophobie et la transphobie soient encore très présentes en milieu scolaire, des correctifs sont définitivement réalisables afin de rendre les écoles plus ouvertes à la diversité. Une partie de la lutte est gagnée, il ne reste qu’à continuer !
LEXIQUE :
Cisgenre : Il s’agit d’une personne s’identifiant avec le genre lui ayant été assigné à la naissance.
Trans : Il s’agit d’une personne s’identifiant différemment du genre lui ayant été assigné à la naissance. Les personnes trans incluent notamment les personnes agenres, bigenres et non binaires.
Non binaire : Il s’agit d’une personne dont l’identité de genre se situe hors de la classification binaire des genres (soit homme/femme).
Identité de genre : Il s’agit d’une conception personnelle, propre à chaque personne, par rapport à sa situation sur le spectrum de genre (homme, femme, quelque part entre les deux, ni l’un ni l’autre, etc.).
Expression de genre : Il s’agit de la manière dont une personne peut publiquement exprimer son identité de genre, notamment par son apparence physique, ses pronoms ou sa gestuelle. Il est important de se rappeler que l’identité de genre et l’expression de genre sont deux choses distinctes.
Transphobie : Attitudes négatives, menant à la discrimination directe ou indirecte des les personnes transgenres ou à l’égard de toute personne transgressant les normes de genre et les normes d’expression de genre.
Homophobie : Attitudes négatives envers toute orientation sexuelle autre que l’hétérosexuallité, menant à la discrimination directe ou indirecte des personnes non hétérosexuelles (ou perçues comme telles).
Communauté LGBTQ+ : Il s’agit d’un acronyme représentant la communauté contenant notamment les personnes trans et les personnes ayant une orientation sexuelle autre que l’hétérosexualité, comme les personnes asexuelles, bisexuelles, pansexuelles, lesbiennes, etc. La communauté est parfois désignée sous d’autres termes, comme LGBT, LGBTQIA2+ ou LGBTQ2s+.
Hétéronormativité : Il s’agit d’une norme sociale plaçant l’hétérosexualité comme unique orientation sexuelle ou comme norme. Ce terme s’apparente à celui d’hétérosexisme.
Cisnormativité : Il s’agit d’une norme sociale plaçant les identités cisgenres comme norme ou alors comme seules identités acceptables. Ce terme s’apparente à celui de cissexiste.
SOURCES :
GRIS Montréal. 2020. «La transphobie c’est pas mon genre» GRI2001_Guide-pedagogique_14.10.20.pdf (gris.ca)
GRIS Montréal. 2007. « Rapport de recherche, l’homophobie pas dans ma cour ! » Layout 1 (familleslgbt.org)
Urbania. 2017. « C’tu normal si… Les toilettes publiques sont encore genrées ? » C’tu normal si… les toilettes publiques sont encore genrées? - URBANIA
Fondation émergence. Guide d’activités pour écoles 2021 : Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie.
Conseil LGBT. 2017. « Rapport sur le racisme systémique vécu par la communauté LGBTQ+ montréalaise » Rapport-entier-Racisme-systemique.pdf (conseil-lgbt.ca)