Les vertus de l'incertitude

Pierre Garcia est un entrepreneur engagé depuis toujours. Il a notamment présidé le CJD France (1992-1994) et il soutient aujourd'hui encore le CJD International en rencontrant des entrepreneurs à travers le monde pour les rassembler autour des valeurs responsabilité, solidarité, loyauté et respect de la dignité humaine. Il a accepté de contribuer à la revue du CJD International en cette période toute particulière, nous le remercions chaleureusement.

J’avais retenu, lors d’une soirée plénière du CJD , un préalable du Président d’alors qui nous avait gratifiés de la citation suivante : Lorsque l’on a rien à dire, il ne faut pas le faire savoir.

Mes pensées du moment vont vers lui en contemplant et en subissant chaque jour les longues litanies cathodiques, versées d’heure en heure et de jour en jour par des chroniqueurs informés et parfois avertis.

Sans nous complaire dans l’aversion envers les journalistes, il est tout de même intéressant de s’interroger sur ce défilement de vérités et contre-vérités que nous subissons, ou avons subi, chaque jour et qui s’installe dans notre quotidien de consommateur d’évènements. En y réfléchissant, la question qui se pose et dans laquelle chacun peut trouver sa propre réponse, s’inscrit dans le fait de s’interroger sur la teneur d’informations ressassées qui tendent peu à peu à nous inculquer une forme d’endoctrinement et ce de façon consciente, ou pire inconsciente.

Gérer au quotidien la multiplicité des menaces, les affirmations multiples et différenciées, les témoignages choisis, les images orientées, les mêmes acteurs confirmés, tout ceci concourt à nous fondre dans un scénario qui nous absorbe et nous infantilise.

Pierre Garcia, né en Espagne et de nationalité française
    • Formation technique instrumentation , puis ingénierie
    • Directeur d'agence pendant 14 ans chez Trindel (1967/1981) : Electricité industrielle
    • Direction régionale Groupe Herlicq/Endel pendant 10 ans (1982/1992) : Entreprise générale de maintenance
    • Gérant sociétés de Conseil et d'ingénierie en développement de la Sous-traitance (1993 à ce jour)
    • Parcours CJD : président section Fos Provence ; président région Paca ; vice-président national et président national 1992-1994

- Retraité avec un âge pivot prévu vers les années 2030...- Actionnaire et pilote sur Deving Algérie - Actionnaire et pilote sur Deving Mauritania
Le CJD est pour moi une présence de tous les instants dans ma vie et professionnelle (acquis ) et personnelle (valeurs).
Il faut tout d'abord considérer le décalage entre les attentes urgentissimes et les lenteurs dans les déploiements sur tous ces pays. La référence largement évoquée sur les apports d'un engagement JD reste un passeport de communication et de relation très fort (nous sommes et devons restés des chefs d'entreprises JD).

Cette réalité doit nous rappeler le vécu du défilement de notre vie, avec sur chaque période, des faits de haute intensité et qui à chaque fois, avec leurs volets d’excessivité et de dramaturgie - rappelons-nous la crise précédente des gilets jaunes - ont été récupérés par le même système et nous ont condamnés à la même peine.

Sur la crise du moment, la démultiplication d’une information à flux tendu, si elle est censée expliquer le pourquoi et commencer à exposer le comment, a surtout comme effet dans un premier temps d’effrayer à bon escient, puis de proposer et en final de rassurer sur le long terme.

Plus de doute, finies les tergiversations, à ce stade les moyens mis en œuvre, l’intensité de l’implication de chacun, le dévouement sans conditions du personnel de santé, des bénévoles, des professionnels de tout corps de métier, des responsables de notre vie sociale, restent un catalyseur essentiel à la maîtrise de nos angoisses.

Les craintes fondées sur les risques du court terme, tout en générant cette crispation, provoquent une responsabilisation du collectif et une implication hors norme de chacun, en considérant l’exigence du présent et les incertitudes de l’avenir.

Verrons-nous s’étioler les revendications du toujours plus, la séparation idéaliste de l’exigence excessive et de l’état providence, les prérequis de l’entreprise sur son obligation à améliorer un bien-être surement légitime, mais parfois de confort et bien évidemment le positionnement de l’entreprise en tant que seule responsable de la pérennité de l’emploi.

Dans un passé récent, Il a fallu rassurer en réinventant un management motivateur dans un environnement fluide et ce sans préoccupation pour un avenir déjà écrit, dans lequel s’est emmêlé l’étudiant qui revendiquait une visibilité professionnelle au stade de son propre apprentissage et l’employé dont la ligne de mire était fixée sur un âge au plus tôt de son départ en retraite. Cette époque est surement à repenser en s’appropriant pour chacun, après une zone de confort relative ponctuée d’exigences souvent corporatives, les vertus de l’incertitude en tant que remède permanent à l’angoisse et moteur à l’implication responsable.

La révolution à venir des comportements, l’appropriation par chacun de l’exigence environnementale, les mutations déjà visibles de la haute technologie, aujourd’hui la reconsidération des besoins de santé doivent nous conduire à accepter d’intégrer dans notre parcours de vie, les effets d’une incertitude acceptée, génératrice d’implication personnelle et collective.

Cette nouvelle approche dans notre réflexion et nos comportements va devoir se retrouver en premier lieu dans nos décisions de consommateur citoyen, qui tournant le dos à toutes ces produits à bon marché nous arrivant de chaque coin de la planète, aura à privilégier des solutions surement plus onéreuses, mais respectant les normes et affichant un double niveau de sûreté et de naturel qui garantira collectivement notre l’essor de notre économie national et individuellement l’affermissement de notre santé.

Le mieux devra remplacer le moins.

En second lieu, l’implication lucide des travaillants devra permettre de réfuter toute notion de stabilité sur un long terme. On le sait bien aujourd’hui rien ne permet pas de s’assurer d’une situation et d’un emploi uniquement basé sur les acquis du passé. Cette situation les met en revanche dans un état permanent de dépassement et de remise en cause. En ce sens l’exigence du bien-être risque d’être supplantée par la crainte de ne plus être.

Dans l’entreprise il nous appartient de bien considérer l’apport des différentes politiques d’accompagnement et de valorisation du personnel, du déploiement de la qualité de vie collective, de l’intégration de l’exigence environnementale et ce, avec, en corollaire, une implication sans réserve des dirigeants dans leur volonté d’améliorer leur sens du management.

Dans cette continuité, il nous faudra aujourd’hui faire prévaloir les risques invisibles qui nous entourent et les intégrer en tant que nouvelle inconnue à l’équation qui nous est posée. La seule recherche du bien-être peut s’avérer insuffisante sur un long terme incertain, qui nous inonde aujourd’hui d’un virus générateur d’angoisse et d’interrogations et que nous aurons à combattre par la responsabilisation accrue et sans concession de tous les travaillants.

Il va nous falloir, en tant que dirigeant, repousser les recettes collectives euphoriques et rassurantes en transformant l’angoisse de l’incertitude collective en ferment de la responsabilisation et de l’engagement de chacun.


Pensées d’un moment, Pierre Garcia, 4 juin 2020