Poème de Némery Claude en mémoire des glorieux soldats tombés le 16,17 et 18 mai 1940 sur le territoire de notre commune de Saint-Michel
Un an après les événements, des formalités sont entreprises par la municipalité pour leur donner une sépulture décente au cimetière.
Elles aboutissent, avec l'accord des autorités allemandes.
En juin 1941, les corps sont exhumés : un mauvais souvenir pour Henri PIRLET, fossoyeur de la commune.
Des orphelines d'alors se souviennent d'avoir nettoyé des casques, des ceinturons...
Les cercueils sont recouverts du drapeau tricolore, un reposoir est aménagé dans le cloître, puis dans l'église abbatiale.
L'abbé MILLOT**, curé de Saint-Michel, chargé des cérémonies consacrera l'Office du dimanche à ces morts.
Le cortège vers le cimetière se formera le lundi en tout début de matinée sous la surveillance d'un détachement allemand.
Les cercueils sont portés par des vétérans de 1914-1918 et des combattants de 1940 qui ont échappé à la captivité.
L'inhumation dans le Carré Militaire du cimetière se fera sans cérémonie particulière, en toute discrétion, voulue par les occupants.
Au cours de la messe du dimanche 15 juin 1941, annonce par l’Abbé MILLOT, curé de Saint-Michel, de l’exhumation et de l’inhumation dans le cimetière de Saint-Michel des militaires français tués lors des combats de Saint-Michel en mai 1940.
Nos soldats tués
Les autorités compétentes ont décidé l’exhumation et la réinhumation des soldats tués en mai dernier pour la défense de notre cité. L’exhumation aura lieu jeudi, vendredi, samedi prochain.
Les corps seront transportés au fur et à mesure dans les cloitres de l’orphelinat.
Dimanche à 9 heures 30 aura lieu la levée du corps de ces soldats.
Leur transport à l’église sera effectué par les soins des anciens combattants.
Tous les volontaires voudront bien se faire connaitre chez monsieur Camille PLY, monsieur Émile Delbecq ou monsieur Quégniaux.
Une messe solennelle sera célébrée dans l’église aussitôt après l’arrivée des corps.
Les cercueils resteront dans l’église toute la journée du dimanche.
Lundi matin, départ pour le cimetière à 7 heures.
Ai-je besoin, Mes Frères, de vous inviter à venir nombreux aux obsèques de ces héros.
Il suffit des vous rappeler que ces français, nos camarades, ont donné leur vie pour défendre notre petite patrie.
C’est donc un devoir pour chaque famille de venir rendre à leur cercueil l’hommage de reconnaissance auquel ils ont droit.
Et puis nous, chrétiens, nous prierons pour eux.
Nous voici tous réunis, citoyens de Saint - Michel, pour rendre aux 21 soldats français tombés au Champ d’Honneur en mai 1940 un hommage bien mérité de reconnaissance et d’affectation pour prier à leur intention et aussi écouter la voix qui monte vers nous de leur cercueil.
Je me demande si les cloitres de notre vieille abbaye, je me demande si les voutes séculaires de notre antique abbatiale, témoins de tant d’évènements au cours des siècles ont vu cependant un tel concours de peuple venu pour honorer ses héros.
En mai 1940, pendant que la plupart d’entre vous, effrayés par les bombardements et par l’appréhension du pire fuyaient devant l’envahisseur, une poignée d’hommes demeurés fidèles aux ordres reçus : tenir coûte que coûte pour enrayer l’avance ennemie telle était leur consigne.
Et ils sont restés simplement à leur poste de combat : dans les blockhaus non encore achevés, rivés à leur mitrailleuse, dans leurs chars d’assaut ou postés à l’orée de la forêt.
21 de ces héros sont tombés face à l’ennemi, les membres brisés, une balle en pleine poitrine, le crâne défoncé par une rafale de mitrailleuse, le ventre ouvert par des éclats d’obus.
Ils n’étaient pas tous des inconnus pour vous.
Bien que venant des régions de l’Ouest et Sud - Ouest, Brest, Vannes, Angers, Angoulême, Bordeaux, Toulouse.
Vous en connaissiez plusieurs et votre cœur a saigné en apprenant la mort de ces petits soldats, disséminés sur le territoire de votre commune, beaucoup ont été inhumés provisoirement par des mains pieuses : anciens combattant qui ont su conserver l’esprit de
vraie camaraderie vis-à-vis de leurs cadets, femmes et jeunes filles dévouées qui, pour que cela porte bonheur à leur mari ou à leur fiancé prisonnier sont venues fleurir ces tombes provisoires.
Mais cela ne suffisait pas à notre reconnaissance.
Il fallait que toute la population de Saint-Michel puisse être associée officiellement, d’une façon grandiose à cet hommage.
C’est pourquoi vous êtes là, tous, Mesdames et Messieurs, vos dirigeants à votre tête.
Vous aussi vous êtes là les Anciens Combattants de l’autre guerre, auprès des cercueils de vos cadets, vous revoyez toutes vos souffrances, toutes vos misères des quatre années terribles.
Vous êtes là les mutilés de cette dernière guerre.
Vous aussi vous avez été couchés sur la terre de France, vous aussi vous l’avez arrosé de votre sang.
Dieu a permis que vous nous reveniez pour être les témoins vivants et affirmer que dans l’armée française il y avait encore des soldats, des vrais.
Vous êtes là, les 200 prisonniers de Saint-Michel. Nous n’avons garde de vous oublier et nous voulons vous associer à nous en ce jour de reconnaissance.
Vous êtes là surtout nos morts de Saint-Michel pleurés par vos épouses, par vos parents et par vos enfants.
Vous aussi vous avez fait votre devoir.
Nous sommes fiers de vous, comme de ceux qui sont couchés sur les dalles de cette église.
A vous comme à eux nous crions notre merci le plus ému et plus profond.
Mais il me semble, Mes Frères, que ce serait vraiment trop peu donner à nos morts que de venir ce matin pleurer sur leurs cercueils et prier une fois en passant.
Nous ferons mieux, nous nous souviendrons que tous ces hommes avaient un idéal, que la plupart portait sur eux un chapelet, une médaille, une image pieuse, que le meilleur témoignage de reconnaissance envers eux est de prier souvent pour que Dieu leur accorde, si ce n’est déjà fait la récompense du ciel.
Nous écoutons aussi ce qu’ils nous disent. Car, Mesdames et Messieurs, si dans leurs tombes nous n’avons plus retrouvé que des cadavres bien tristement abimés par les éléments, nous savons que leur âme vit, nous savons qu’ils nous voient, nous entendent . . . qu’ils nous parlent.
Écoutons leurs voix ce matin. Que nous disent – ils ?
C’est un langage bien austère qu’ils nous tiennent, il n’y a pas dans leurs paroles de vains artifices.
C’est la vérité toute crue qu’ils nous jettent à la figure.
Car eux voient mieux que nous la vérité.
Français, nos frères, nous disent-ils nous avons donné notre vie pour que vous viviez mieux qu’avant la guerre.
Le sacrifice suprême nous l’avons consenti bien volontiers pour que vous compreniez que vous devez vous réformer et avant tout, rester unis les uns aux autres.
Nous sommes tous les fils d’une même mère : la France.
Cette France que nous avons aimé jusqu’au don total de nous-mêmes.
Aimez-la-vous aussi.
Obéissez à vos chefs, à celui en particulier qui, après un passé de gloire et d’honneur militaire incomparable a voulu à plus de 80 ans arrêter l’immense tuerie et conserver les fils à leur mère.
Aimez le, ce chef humain.
Suivez ce chef loyal.
Obéissez lui car il est digne de votre confiance.
Mais il serait vain, ajoutent nos morts, de faire profession de suivre nôtre grand maréchal, de crier vive Pétain et d’afficher son portrait si vous ne voulez pas suivre ses directives libératrices.
Camarades, nous crient-ils, on vous a trompés avant la guerre.
On avait promis au peuple de France une prospérité magnifique.
On vous a donné lé guerre et la défaite.
A nous, on nous a donné des ... cercueils.
De mauvais bergers ont excité le peuple de France.
On vous a mené sur une voie qui ne conduisait ni au travail, ni à l’honneur, ni au respect des droits des autres.
Camarades ouvriers, méfiez-vous si, un jour, vous ne voulez pas retomber dans les mêmes errements funestes, secouez rapidement le joug de ces mauvais bergers.
Comme le veut Pétain : soyez des travailleurs comme le sont déjà tant d’entre vous, des ouvriers aimant « la belle « ouvrage ».
Soyez des travailleurs courageux, organisés, vous encourageant les uns les autres à mieux connaître vos devoir pour les mieux remplir et pour mieux faire respecter vos droits.
Nos morts, ils s’adressent aussi à vous, patrons,
ils vous demandent de bien réfléchir à cette vérité qu’étant donnés, votre intelligence, vos études, votre habitude de mener les hommes, vous devez toujours être pour eux des modèles de loyauté et de justice.
Ils vous supplient de faire très attention à l’heure actuelle au grave, très grave problème des salaires, ils vous disent que vous avez le devoir impérieux de respecter les contrats signés de part et d’autre.
Que vous devez considérer votre ouvrier non pas comme un simple numéro dans votre usine mais comme un homme qui doit faire vivre sa femme et ses enfants et qui a besoin comme l’a dit il y a, 50 ans, Léon XIII, d’un salaire familial et vital.
Nos morts vous crient ce matin : prenez garde, si vous refusiez d’écouter notre voix, vous pourriez peut être avant qu’il ne soit longtemps avoir sur la conscience d’autres écueils qui crieraient vengeance contre vous.
Mais parce que déjà vous êtes compréhensifs et justes avec vos ouvriers nous pouvons vous demander d’essayer de réaliser avec vos ouvriers la plus franche et la plus entière collaboration.