Lettre de l’Abbé MILLOT au Révérend Père BELAUD, frère de madame MANCEAU, veuve d’Henri MANCEAU.

Lettre en date du 26 juillet 1941 de 

l’Abbé Paul MILLOT, curé de Saint-Michel

adressée au Révérend Père BELAUD,

 frère de madame MANCEAU,

 veuve d’Henri MANCEAU.

Lettre mise à notre disposition par sa fille Françoise.


Fiche 032.2

Copie in-extenso.

 

Paul MILLOT                                                                                 Saint-Michel, le 26 juillet 1942.

Curé de Saint-Michel (Aisne)

Téléphone : 36

                                                                                                       Révérend Père   Belaud     

                                                                                                                   Ste-Marie

                                                                                                       Chavagne en Paillers  

                                                                                                                   Vendée

 

         Mon Révérend Père,

         Le corps du soldat : Henri Manceau, 1ère compagnie, 62ème RI, SP 01, a bien été trouvé sur le territoire de la commune de St-Michel, dans la forêt domaniale, au lieu-dit : « L’Étoile ».

         D’après les renseignements que je tiens d’un douanier présent dans la bataille, votre beau-frère a dû tomber aux environs du 1er blockhaus près de la route qui va de l’Étoile à Macquenoise (Belgique). Pour avoir des renseignements très précis, vous pourriez écrire au douanier en question : Monsieur Léon Fleury, 80 rue Du Verdier, Hirson, Aisne. Je ne sais si monsieur Fleury a vu monsieur Manceau, mais il était présent lorsque le sergent-chef Coulombeau du 125ème est tombé. Or, monsieur Manceau a été inhumé côte à côte avec monsieur Coulombeau. Il est donc certain que tous deux ont été tués dans un secteur très proche l’un de l’autre.

         Le corps de monsieur Manceau, comme d’ailleurs celui de plusieurs de ses camarades sont restés quelques jours sur le terrain. Lorsque la bataille fut terminée, les quelques civils restés à Saint-Michel fabriquèrent avec des planches situées à proximité, pour la construction des blockhaus (ces blockhaus n’étaient pas encore finis ! !) , un cercueil pour chacun des morts qu’ils trouvèrent. Le corps de monsieur Manceau fut recueilli pieusement par nos hommes, entre le 1er blockhaus et la route de Macquenoise. Je me suis fait montrer l’endroit exact, pour que, si un jour vous venez, je puisse vous donner toutes les précisions désirées. Cet endroit se trouve à peu près à deux Kms de la frontière belge (Macquenoise).

         Quatre soldats ont donc été enterrés côte à côte, chacun dans un cercueil grossier, mais solidement fait. Nous n’avons eu aucune difficulté pour identifier ces soldats. Voila d’ailleurs les objets que nous avons trouvés sur votre beau-frère à l’exhumation : 1 montre avec chaine, 1 couteau, 1 billet de 50 Fr, 2 billets de 10 Fr, 1 pièce de 20 Fr, et 7 Fr 40 en monnaie.

         Les renseignements que l’on avait trouvés sur le soldat Manceau, lors de la 1ère inhumation ; les papiers trouvés sur lui et déposés à la Mairie à ce moment là, le nom placé sur le cercueil provisoire et sur la croix provisoire ne laissent aucun doute sur l’identité de votre beau-frère.

         Malheureusement, il m’a été impossible pour lui de pouvoir me rendre compte du lieu et de la nature de la blessure qui l’avait emportée. Le corps était dans un tel état de décomposition qu’il était impossible de rien voir…  

         L’exhumation eût lieu Vendredi 20 juin. Le cops de monsieur Manceau comme celui de ses camarades a été placé dans un cercueil de chêne, grâce au dévouement de monsieur Ducrocq, brigadier des Eaux et Forêts, rue Loubet, St-Michel, qui a fait confectionner ces cercueils avec des chênes pris dans la forêt où est tombé monsieur Manceau.

         Le service solennel a eu lieu à l’église de St-Michel le dimanche 22 juin à 10 h, au milieu d’une foule énorme. On peut dire que toute la population St-Michelloise, les hommes en particulier avaient voulu rendre un hommage magnifique aux soldats tombés pour la défense de notre petite patrie.

         La réinhumation au cimetière communal a eu lieu le lendemain matin ( les autorités allemandes ayant donné l’ordre d’en terminer avant 8h du matin).

         Malgré l’heure matinal tous les hommes étaient rassemblés de nouveau, ainsi qu’une grande partie de la population ; ce fut un spectacle des plus émotionnants que de voir les 21 cercueils recouverts du drapeau tricolore, portés triomphalement par leurs camarades anciens combattants des deux guerres, devant les Allemands, au garde à vous impeccable.

         Au cimetière, le président des anciens combattants, entourés des drapeaux tricolores fit un discours relatant l’héroïsme des soldats couchés dans les cercueils. Il adressa aux familles un souvenir ému et il demanda aux jeunes de se faire une âme vaillante comme ceux des héros de la guerre.

         Monsieur Manceau repose au cimetière de St-Michel sous le N° 10. Une croix porte tous les renseignements qui permettront de retrouver le cercueil, sans aucune difficulté. La tombe de votre beau-frère sera bien entretenue par la population. Je vous en donne l’assurance.

         Si vous désirez des photos de la cérémonie des obsèques, je puis vous en faire parvenir. Vous pourrez juger quoique très imparfaitement combien notre population a été fervente dans l’accomplissement de son devoir de reconnaissance.

         Veuillez transmettre à madame Manceau, mes condoléances très sincères. Dites lui que, lorsque les circonstances le permettront, je serai très heureux de la recevoir en votre compagnie pour vous aider à faire le pèlerinage combien douloureux à l’endroit même où le soldat Manceau est tombé glorieusement.

         Veuilles agréer, Mon Révérend Père, l’assurance de mes religieux sentiments.

 

                                                                                                                   Signé : Paul Millot.

 

         P S : Les objets trouvés à la réinhumation ont été envoyés au Ministère des Pensions par les soins de la Mairie.