Echange de courrier du Sous-lieutenant LIBERGE Bernard à son Pére

TROIS JOURS POUR SAUVER L’HONNEUR      

ASSOCIATION SAINT—MICHELLOISE DU SOUVENIR DE MAI 1940

Combats des 16, 17 et 18 Mai 1940

LES COMBATS OUBLIÉS

 UNE GUERRE ENTRE EUROPÉENS EST UNE GUERRE CIVILE. (Victor Hugo

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Lettre adressée le 11 septembre 1939 par le

 Sous - Lieutenant LIBERGE 

à son père  sur du papier « École Spéciale Militaire de Saint - Cyr ».

 

Mise à notre disposition par monsieur Antoine de PONTBBRIAND (petit neveu).

Copie in extenso.    

Fiche 011.2


             Mon bien cher papa, 

 

             Je viens d’écrire rapidement une lettre rue Prémion, que vous recevrez sans doute en même temps que celle – ci.

         Si je vous écris boite postale, c’est pour régler une question capitale : demain nous arrive 320 paysans au bataillon, des classes allant de 1928 à 1935 ; dons des gens en pleine forme physique ; pour ma part j’en reçois une trentaine dans ma Section.

           Nous touchons en ce moment tout le matériel nécessaire pour entrer en campagne ; donc vendredi ou samedi nous seront prêts à partir : peut-être leur ferons-nous alors un peu d’instruction dans la zone des armées, peut être irons-nous directement en ligne !... 

             Si j’ai une minute, le jour du départ, je vous enverrai un mot, boite postale, pour que vous puissiez l’annoncer à maman, bien doucement.

           D’après ses lettres, je me rends très bien compte, qu’elle a encore beaucoup d’illusions et je m’adresse à vous pour les lui faire abandonner avec tout votre cœur et votre délicatesse, bien connue, mon bien cher papa.

           Personnellement, je vous le dis sans ambages, puisque vous êtes assez valeureux pour savoir la vérité toute nue, je ne conserve aucune illusion : si par hasard si la guerre finissait vite et que nous ne soyons pas engagés, peut-être en reviendrai-je ; si nous partons au front d’ici peu, ce qui est dans l’ordre normal des choses, vous pensez bien que ces classes robustes sont destinées à fournir un gros effort : vous me comprenez.

           C’est à nous, que rien n’attache à la vie, de donner les premiers exemples : ce n’est pas la guerre en casoar et gants blancs que je veux parler, acte de folie pure et simple.

                    Je veux vous assurer seulement que je ferai quoi qu’il en coûte, jusqu’au bout mon devoir de chef de section ; vous savez qu’en 14-18 ce fût le rôle le plus dangereux ; il en sera de même encore.

           Ce que j’entends par ces mots, c’est qu’un LIBERGE, digne de ce nom ne recule pas à moins d’un ordre impératif ; je ne fais pas de fanfaronnade, j’envisage froidement la situation : l’ordre de reculer est une chose qui arrive bien rarement ; il ne faut pas même y compter ; la conclusion s’impose.

             Ces deux plumes que je vous ai envoyées ne sont pas seulement un souvenir ; considérez les comme un testament : elles vous parleront un peu de moi et vous rappelleront que jusqu’au bout, votre fils, aura été reconnaissant des sacrifices faits pour lui.

           Je vais être, peut-être, un peu cruel ; pardonnez le moi quel plus beau rêve pour moi (et mes camarades en sont au même point) que de mourir, sans manière, à la tête de ma Section, en plein assaut, avec sur la manche, ce beau galon, le rêve de toute ma vie. 

                   Voilà sans manière, l’idéal d’un petit sous-lieutenant d’active : vous en êtes le seul confident. 

              A ce titre je vous supplie de garder cette lettre pour vous, de n’en donner connaissance à quiconque, que le jour où je serai porté disparu ; si par hasard j’en revenais, vous la brûleriez.

 

         Adieu, papa, comme le dit la chanson, si touchante : ce n’est qu’un au revoir car Dieu nous réunira un jour.