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Guillaume Girolet, meurtrier du frère de Rolland de Liré, répare par un don d'une dîme sur un bien situé dans l'église de Saint Sauveur. Rolland de Liré et Geoffroi Boterellus donnent également des vignes
datation : Pâques 1126
Angers, Archives départementales du Maine-et-Loire 41 H 13
Don aux moines en réparation d'un meurtre.
Parce que, nous sommes enflammés par le mérite de faire le bien et par le désir du règne des cieux, en suivant ce que disent les Écritures : « faites-vous un trésor dans le ciel où nulle mite et nul ver ne grignote et où les voleurs ne creusent ni ne dérobent»
Pour cette raison nous nous faisons des amis, en prenant sur l'argent de l'injustice, afin que nous méritions d'être reçus sous les « tentes » dans l'éternité [ref. Luc, 16,9]
Moi , Guillaume, surnommé Girolet, pensant fréquemment, en esprit, à ce qu’il s’était produit en moi et en mon âme perdue à cause de mes souillures abominables et plus particulièrement à l’homicide du frère de Rolland que j’avais réalisé, je suis allé trouver ce même Rolland au Grand monastère, en cette solennité.
Et, débiteur envers l’âme de celui que j’avais tué, qui s’appelait Geoffroi, par la main du seigneur abbé Odon, avec une verge disciplinale, j’ai apporté aux moines du Grand monastère et à l’abbé, un bien situé dans l’église du Saint Sauveur, que je possédais tranquillement de droit séculaire, et une part des dîmes que j’avais mises sous clé, dans cette paroisse. Dès lors, j’ai déposé ce don sur le grand autel avec la baguette [disciplinale] en présence de nombreux témoins dont les noms sont écrits ci-après.
Et, afin que cela soit ratifié valable à perpétuité, j'ai fait concéder celui-ci par tous ceux à partir desquels il pourrait se produire une suspicion de calomnie. J'ai ordonné que soit inscrits les noms d'un petit nombre seulement de ceux qui ont été témoins de cette charte, voulant éviter le côté fastidieux d'une liste :
ma femme évidemment et mes frères Bomarus et Guillaume, et Oderic fils de Burgondionis
Par cet acte, ce jour, en présence de ceux qui siègent dans notre chapitre, Rolland de Liré, voulant me montrer comme initiateur des bonnes œuvres, a donné à nos moins de Liré en propriété à perpétuité une part des dîmes de ses vignes qu'il avait réservées (nous avions déjà reçu le reste auparavant), et il déposa ce don sur l'autel majeur.
Ainsi, les témoins de ces faits sont réciproquement :
Guillaume Girolet et Rolland de Liré, Geoffroy Boterellus, de qui la dîme de l'église de Saint-Sauveur venait, comme cela a été déjà dit, et que Guillaume Girolet nous a donnée. Il a aussi concédé et confirmé ce don, puis son frère Rolland, clerc, qui l'a concédé lui-même, et Maurice, le prêtre.
Parmi nos témoins :
Gaudin, forestier (foristarius), Landric de Turre (de la Tour ?), Païen (Paganus) Arraldi et plusieurs autres de notre chapitre. Ils donnèrent leur accord avec grande solennité.
Ci-dessus, Geoffroy Boterellus nous a concédé une vigne qui venait du père du seigneur Hildebert de Nantes, notre moine, située à Loratorium, que le frère de ce Hildebert nous avait donnée. Les témoins de ces dons sont déjà mentionnés plus haut.
Tous ces actes ont au grand Monastère au chapitre général, lors de la fête solennelle de Pâques, en l'année de l'Incarnation du Seigneur 1126, première année de l'ordination du seigneur abbé Odon.
Quia, caelestis regni desiderio, ad bene aperandum merito accendimur, dicente scriptura : « Thesauritate vobis thesauros in coelo ubi nec tinea tel erugo exterminat et fures non effodiunt nec furantur » ;
ideireo nobis, de mammona iniquitalis, amiccos faciamus, ut ab ipsis in interna tabernacula recipi mereamur.
Quod ego Willelmus, cognomento Girolet, sepius mente revolvens, ob scelerum meorum squalores abstergendas precipue autem at homicidium fratris Rollandi quod ſeceram mihi demittere et occisi animae prodesset, in quadam Pascali solempnitate cum ipso Rollando Majus Monasterium adii et in generale capitulum, monachis hinc inde residentibus, intravi.
Et pro anima ejus quem reus occideram, qui Gaufridus dicebatur; per manum domni Odonis abbatis, cum disciptinali virgula, ipsi et monachis Majoris Monasterii contuli quicquid in ecclesia Sancli Salvatoris, jure seculari, diu quiete possederam el quicquid in perpetuu decimarum in ipsa parroechia eatenus habueram ; et donum inde cum ipsa virgula super majus altare, pluribus vedentibus quorum nomina subscribentur, posui.
Et ut hoc ratum haberetur, omnibus de quibus aliqua calumpniae suspitio uri poterat concedere feci, de quibus huic cartulae paucorum nomina, fastidium prolixitatis evitande (gratia), inscribi jussi:
uxor videlicet mea et fratres mei Bomarus et Willelmus et Odericus filius Burgundionis.
Quo peracto, ipsa die in eodem capitulo nobis adhue residentibus, Rollandus de Liriaco, hujus boni operis emulator existens, partem decimae vinearum suarum quam sibi retinuerat, nam reliquam jam antea habebamus, monachis nostris de Liriaco in perpetuum possidendam donavit, et donum super majus altare posuit.
Horum itaque donorum testes hinc inde mutuo sunt :
Willelmus Girolet et Rollandus de Liriaco et Gaufridus Boterellus, de cujus feuo decima de ecclesia Sancti Salvatoris eraa quam, sicut jam dictum est, Willelmus Girolet nobis dederat, qui etiam hoc donum concessit et confirmavit, et frater ejus Rollandus clericus qui hoc ipsum concessit, et Mauritius presbiter;
de nostris vero :
Gaudinus foristarius, Laudricus de Turre, Paganus Arraldi et plures alii qui in capitulum in tanta sollemnitate convenerant
Concessit insuper nobis Gaufredus Boterellus quandam vineam, quae fuerat patris domni Hildeberti Nannetensis monachi nostri, aput Loratorium sitam, quam nobis frater ipsius Hildeberti donaverat. Hujus concessionis lestes sunt jam superius descripli.
Acta sunt haec omnia apud Majus Monasterium in capitulo generali, in sollemnitate Pascali, anno ab incarnatione domini MCXXVIe, ordinationis autem domni Odonis abbatis primo.
Guillaume, surnommé Girolet
Geoffroi, tué par Guillaume Girolet. C'est le frère de Rolland de Liré
Odon, abbé de Marmoutiers
Rolland de Liré
Les témoins de la donation Guillaume Girolet
Sa femme (son nom n’est pas mentionné)
Bomarus, frère de Guillaume
Guillaume, un autre frère de Guillaume (oui apparemment ils ont le même prénom)
Oderic, fils de Burgondionis
Les témoins de la donation de Rolland de Liré
Guillaume Girolet et Rolland de Liré, déjà cités
Geoffroy Boterellus, de qui venait le dîme de l’église de Saint-Sauveur
Rolland, clerc, frère de Geoffroy Botellus (à vérifier)
Maurice, prêtre
Les témoins des moines
Gaudin, forestier (foristarius)
Landric de Turre (de la Tour ?)
Païen (Paganus) Arraldi
Hildebert de Nantes, moine, dont le père avait une vigne à Loratorium
Personnes mentionnée concernant la donation de Geoffroy Boterellus
seigneur Hildebert de Nantes, moine de Marmoutier
Le père de Hildebert
Le frère de Hildebert
Liré
L’église du Saint Sauveur
Loratorium (?)
Nantes
Traduction française : Jean-Luc Delalande. Merci de demander l'autorisation à l'auteur pour toute réutilisation.
Vues numérisées : Cartulaire du prieuré Notre-Dame de Liré, dépendant de l'abbaye de Marmoutier (vers 1090-1478, rédigé fin XVe siècle-début XVIe siècle). Archives départementales du Maine-et-Loire, 41 H 13. images sous licence ouverte 2.0 ETALAB. Il ne s'agit pas des chartes originales mais de reproductions ultérieures. A consulter sur le site de l'IRHT https://arca.irht.cnrs.fr/ark:/63955/md440r969b4q vues 31 à 33
Transcription (latin) Marchegay, Paul, « Recherches sur les cartulaires d'Anjou », dans Archives d'Anjou. Recueil de documents et mémoires inédits sur cette province, t. 2, Angers, 1853, p. 23-24
Eléments de contexte : Amis du vieux Châteauceaux
Datation : dans le texte
Voici le récit de cette scène par le bénédictin Dom Martène (XVIIè-XVIIIè siècles)
« La même année, l’abbé Eudes [Odon] assembla un chapitre général à Marmoutier, à Pâques, dans lequel il se passa une chose de grande édification et d’un rare exemple de modération. Guillaume Girolet avoit assassiné Geoffroi, frère de Rolland, seigneur de Liré. On ne peut douter que ce meurtre ne fût très sensible à ce seigneur, et que tout en eût poursuivi la punition par les voies de la justice. ; mais comme il se conduisoit par les grands principes du christianisme qui ordonne l’amour des ennemis et le pardon des injures, pour toute satisfaction, il se contenta d’amener lui-même le meurtrier de son frère au chapitre général de Marmoutier, et de l’obliger à donner aux religieux quelques dîmes et ce qu’il possédoit dans l’église de Saint-Sauveur de Liré.
C’est ce qu’il fit, investissant l’abbé Eudes de ce don en présence de plusieurs témoins. Le bon Rolland n’en demeura pas là ; il fit lui-même un don de quelques dîmes de vignes qu’il s’étoit réservées. Geoffroi Boterel donna aussi en même temps quelques vignes au monastère. Tout ceci se passa à Marmoutier, dit le titre de ces donations, au chapitre général dans la fête de pâques de l’an 1126 qui étoit le premier de l’ordination de l’abbé Eudes, date remarquable pour fixer le commencement du gouvernement de cet abbé. »
in MARTÈNE Dom Edmond, « Histoire de l'abbaye de Marmoutier »
LES CHÂTIMENTS POUR CRIME AU MOYEN ÂGE
Dom Martène relève « un rare exemple de modération » de la part de Rolland dans une séance de pardon en public devant l’assemblée des moines. Girolet prononce son désir de contrition, se remémorant la scène du crime et exprimant ses remords ; de plus, il montre devant tous « la verge disciplinale », avec laquelle il s’est administré lui-même une punition, baguette qu’il vient déposer sur l’autel pour marquer son désir de changer sa conduite et de réparer ses torts.
Effectivement cet événement est exceptionnel car, en cas de crime, les sanctions étaient fort variées et différentes selon les provinces et principautés : de la compensation par forte amende pour payer le droit du sang, exposition au pilori, jusqu’à des mutilations partielles : mains, langue ou oreilles coupées, écartèlement,..., un emprisonnement jusqu’à la pendaison.
On peur se référer à un ouvrage très complet de Nicole GONTHIER, « Le châtiment du crime au Moyen Âge, chapitre trois « À tout crime, un châtiment », Presses niversitaires de Rennes, 1998 Édition numérique, open édition, 978-2-7535-2320-3, 2015