Don à Marmoutier du bénéfice du presbytère de l'église Sainte-Marie de Liré, de récoltes, de dîmes sur terres, vignes... à Liré. Par Gautier, fils d'Arrald, à l'occasion de sa conversion, et son jeune frère Odon
v 1070-1080 (?)
Angers, Archives départementales du Maine-et-Loire 41 H 13
Décrit l'environnement rural, les structures de propriété et revenus (manses, dimes), les motivations de dons au monastère peut-être suite à la réforme grégorienne
Mention d'un carré de vigne dont les moines de Saint-Jean (Champtoceaux?) ont la dîme
Gautier, fils d'Arrald, venant vers nous pour se convertir, nous a donné ceci, à savoir :
le bénéfice du presbytère de l'église Sainte-Marie de Liré, qui représente le tiers de toute la dîme de Liré à l'exception du pain et du vin ; ça ne comprend pas le bénéfice de Josselin Reguerb ;
chaque année, (en alternance) la production par deux années, une de froment la première année, une de seigle pendant la seconde ;
quarante sous (solidos) que son père recevait d'Archambault,
le tiers de la dîme de pain et de vin venant de la terre de Garnier Gule Anseris, un manse et demi de la terre de Gerald de Funario, et venant des trois manses de Hugolin de Pieria, des trois manses de Salvageria, venant de la moitié de manse d'Arald, venant des trois manses et d'un quart de manse de la terre de Fulcon, venant du manse et demi de la terre de Fulbert, du manse de la terre de Gautier Marmion et de la terre de Rainier Burdulion ;
Ensuite de toutes les vignes de Liré sauf celle dont Hervé avait une dîme et les sept carrés de vigne dont les moines de Saint-Jean obtenaient la dîme et le tiers du cimetière.
Odon le plus jeune frère de Gautier, sollicité par lui, non seulement donna son approbation, ajouta quelque chose pour Saint-Martin dans l'église même de Liré, mais aussi il le fit avec joie, par amour pour lui et pour se faire pardonner, offrit le tiers d'une dîme sur une borderie proche de l'église, qu'on appelle manse de l'Hôpitalaria, et un tiers de dîme sur deux arpents dans le même manse.
Et après son décès, le même manse, solide et libre de droit dans toute sa totalité.
Le don de toutes ces choses a été déposé sur l'autel de Sainte Marie de Liré.
Ont été témoins : Hervé Chainois, Guillaume, fils de Planus Guascelme Barbin, Bernard, cordonnier, Beranger Gaberluilt
Gaulterius filius Arraldi, veniens ad nos ad conversionem, donavit hec nobis, id est :
foeuum presbiteralem aecclesi sanclae Mariae de Liriaco, quod est tertia pars totius decinae de toto Liriaco preter panis et vini, excepto foeuo Joscelini Reguerb;
et omni anno duo modii annone, unus de frumento alter de cigalo,
et quam pater suus ciait ab Archembaldo XL. solidos,
id est tertiam partem decima panis et vini de terra Guarnerii Gule Anseris, scilicet: de una mansura atque dimidia, et de terra Giraldi de Funario, atque Hugolini de Pieria de tribus mansuris, et de Solvageria de tribus mansuris, et de dimidia mansura Arraldi decimarii, et de terra Fulconis de tribus mansuris et de quarterio unius mansura, et de terra Fulberti de una mansura et dimidia, et de mansura Gaulterii Marmionis, et de terra Rainerii Burduliohis;
preterea de totis vineis Liriaci, exceptis a quibus Herveus habet decimam atque exceptis septei quadrantibus a quibus monachi sancti Johannis decimam habent et tertiam partem sepultura
Odo junior frater ipsius Gautterii, rogatus ab eo, non solum atnuit quiequid ipse in aecclesia Liriacensi sancto Martino attribuit, verum etiam gratinter amore et deprecatione ipsius, dono obtutit tertiam decima partem unius bordariae prope ecelesiam, quam dicunt Mansuram de Hospitalaria, et tertiam partem decim duorum arpennorum in cadem mansura,
et post suum deceseum ipsan mansuram solidam et quietam cum omni integritate sui.
Hujus rei domum, dum super altare sanctae Maria Liriaco poneret,
hii interfuere testes : Herveus Chainois, Willelmus filius Plani Guascelmus Barbinus, Bernardus sutor, Berengerius Gaberluilt.
Gautier, fils d’Arrald
Josselin Reguerb
Odon, le plus jeune frère de Gautier
Tenants (?) de terres :
Garnier Gule Anseris
Gerald de Funario,
Hugolin de Pieria
Fulcon
Fulbert
Gautier Marmion
Rainier Burdulion
Témoins :
Hervé Chainois
Guillaume, fils de Planus Guascelme Barbin
Bernard, cordonnier
Beranger Gaberluilt
Liré
Manse de l'Hôpitalaria
Traduction française : Jean-Luc Delalande. Merci de demander l'autorisation à l'auteur pour toute réutilisation.
Vues numérisées : Cartulaire du prieuré Notre-Dame de Liré, dépendant de l'abbaye de Marmoutier (vers 1090-1478, rédigé fin XVe siècle-début XVIe siècle). Archives départementales du Maine-et-Loire, 41 H 13. images sous licence ouverte 2.0 ETALAB. Il ne s'agit pas des chartes originales mais de reproductions ultérieures. A consulter sur le site de l'IRHT https://arca.irht.cnrs.fr/ark:/63955/md440r969b4q vues 10 à 12
Transcription (latin) Marchegay, Paul, « Recherches sur les cartulaires d'Anjou », dans Archives d'Anjou. Recueil de documents et mémoires inédits sur cette province, t. 2, Angers, 1853, p. 18
Eléments de contexte : Amis du vieux Châteauceaux
Datation : ?
Territoires ruraux, propriétés, revenus
On constate que le territoire de Liré comporte un environnement rural familier des bords de Loire : des vignes, des pré et des terres cultivées.
Il existe déjà une rotation des cultures sur deux ans puisqu’il y a récolte de blé et d’avoine. L’une est semée en hiver (blé), l’autre en été.
Ce donateur Gautier est un grand propriétaire terrien : il fait don aux moines de multiples « manses ». Ce terme nous est actuellement incompréhensible. Voici sa définition :
«Le manse est à la fois unité d’exploitation et unité de perception. Unité d’exploitation d’abord. On doit entendre en général par manse une sorte de ferme ou une habitation rurale, à laquelle était attachée, à perpétuité, une quantité de terre déterminée et, en principe, invariable, c’est à dire d’une superficie telle qu’elle assure la subsistance d’une famille. Cependant,..la composition des tenures était loin d’être uniforme...
Pour ce qui est des redevances, les choses sont curieusement plus simples...Elles étaient invariables et faisaient partie de la loi de la terre...Les cens et les services se réglaient d’après la condition des manses et non d’après celle des personnes...
Enfin, la richesse du propriétaire en biens-fonds se mesurait sur le nombre des manses qui lui appartenaient »
Enfin, ce Gautier reçoit des ressources venant de dîme, qui ordinairement sont destinée aux religieux. Ceci n’est pas rare depuis le IXe siècle, car pendant l’occupation des Vikings dans la vallée de la Lire, beaucoup d’ecclésiastiques ont fui. Des laïcs puissants et fortunés ont investi ces terres et les bâtiments abandonnés ou détruits, les ont réparés et entretenus. De ce fait, ils ont perçu à leur profit les dîmes. C'était une situation très commune. Les laïcs faisaient même des affaires en monnayant les services religieux (simonie) . De plus, comme les évêques étaient nommés par les comtes et les rois, ils pensaient davantage au développement de leur fief « temporel » qu'à l'épanouissement d'une vie religieuse. Les prêtres n'étaient pas formés, ils se mariaient (nicolaïsme) et étaient désignés localement par les seigneurs.
Réforme grégorienne
Les fidèles évidemment aspirent à un changement devant ces dérèglements de la vie religieuse. Un premier mouvement va aller dans ce sens avec la rénovation apportée par Cluny, imposant la règle de Saint-Benoît. Puis des papes courageux vont commencer à s'attaquer aux investitures, et, par là, au pouvoir des rois et empereurs sur la nomination du pape et sur le retour à une vie religieuse conforme à l'Évangile. La réforme grégorienne s’oppose à cet état de fait et va obliger les laïcs à restituer ces biens aux ecclésiastiques sous peine de condamnation. À Nantes, un nouvel évêque, Airard, est envoyé par Rome pour réformer le diocèse ; il rencontre les pires difficultés et la contestation des féodaux qui ne veulent pas rendre leurs biens. Il sera obligé de démissionner et de rentrer à Rome.
Gautier fait ce don aux moines peut-être dans ce mouvement de reprise en main de l’Église. Il fait partie de ces laïcs qui auront tendance à remettre ces biens de préférence aux moines. Pourquoi ? Est-ce une méfiance vis à vis du clergé séculier ? Certainement, car la simonie et le nicolaïsme heurtaient les attentes spirituelles des fidèles. Ils préféraient le clergé régulier, appliquant une discipline stricte, s'adonnant à la prière au cours de la journée, semble donner confiance aux donateurs qui veulent avoir affaire à des spécialistes de la prière dans le but de sauver leur âme.