Donation à Marmoutier par Jean d'Aurelle de la terre de Landemont, à deux milles de Champtoceaux, avec la moitié des coutumes. L'autre moitié, dépendant d'Orri Bastardus, est donnée ultérieurement quand celui-ci est admis avec sa femme par l'abbé Albert dans la société spirituelle de l'abbaye.
1064 (?). Parchemin, 30 x 18 cm. Angers, AD Maine-et-Loire, 38 H 1 n° 4
Borderie (ferme) et terre de Landemont, proche de Champtoceaux. Liste de droits et revenus attachés à la terre. Un Jean Aurelle est aussi signataire de la charte n°1
Lorsque vous deviendrez , dans le futur, les résidents de notre Grand Monastère, vous devrez savoir qu'un certain Jean, qu'on appelle de Aurelle, avait donné autrefois, pour le repos de son âme, une borderie, qu'il possédait dans le pays d'Anjou, à peu près à deux milles de Castrum Celsum, une surface orientée au sud, dans un lieu qu'on appelle Landemont, pour nous et pour Saint-Martin, avec une coutume sur une moitié de cette terre.
Il ne pouvait pas donner l'autre moitié, parce qu'un certain Odricus Batard possédait un terrain, avec toute la dîme, dans lequel cette parcelle de terre se trouvait au milieu.
En réalité, après ça, reçu par notre seigneur abbé Albert, avec Barzeloine, sa femme, il accorda néanmoins l'autre moitié de coutume qui y touchait, au bénéfice de notre communauté, avec l'accord de sa femme Barzeloine et de ses enfants nommés Budic, Agnès, Orguen, à savoir deux parts de ban et deux vicaria, tout le bien, toute la dîme et tout le panage à nos hommes résidant sur cette terre.
Or, il garda pour lui ce qui était issu d'un contrat avec d'autres hommes qui seraient venus d'autres terres que la sienne. Mais, il nous concéda tellement à perpétuité, ajoutant aussi à ce don un droit de pacage afin qu'une centaine de porcs venant de nos domaines aient un paturage annuel à cet endroit, pour tout le temps, excepté le panage
Ont témoigné de toutes ces choses, au moment où, selon l'usage, il posait ce don sur l'autel, avec sa femme déjà citée :
De son côté : Bernard de Cuillé, Ergerius, son fils, Normand d'Orvault, son fils Orvan, Salomon, son fils Camenuc
De notre côté : Ebrulfus, cellerier, Mainard, hospitalier, Orgerius, charpentier, Otgerius, aumonier, Michael Rufis, Berland de Criste, Thibaut, fils de Leter, Thibaud, hospitalier
Nosse debebitis si qui eritis posteri nostri, Majoris scilicet hujus habitatores Monasterii sancti MARTINI, Johannem quendam quem appellabant de Aurela, unam terrae bordariam in pago Ande cavensi duobus fere milibus a Castro Celso ad meridianam plagam loco videlicet quem dicunt landam de Montibus sitam, sancto MARTINO et nobis cum medietate consuetudinum terrȩ ipsius pro anima sua olim dedisse.
Alteram enim medietatem dare non poterat, quia eam cum totadecima quidam Odricus Bastardus, in cujus terrarum medio hȩc terrae particula consistit tenebat.
Verum et ipse postea susceptus a domino abbate nostro Alberto cum uxore propria Barzelonia nomine, in beneficii nostri societatem, tribuit nichilominus nobis favente eadem conjuge sua, et eorumdem liberis his nominibus Budico, Agne, et Orguen, alteram quȩ se contingebat consuetudinum medietatem, id est duas partes banni, et duas vicariae, totum biannum, totam decimam, et totum pasnagium, de nostris hominibus eandem terram habitantibus.
De attracto autem aliorum hominum qui de aliis terris ad illam venerint, illud sibi retinuit, sed de nobis et nostris tantum perpetuo concessit, hoc etiam dono addens, ut pastionem illic annuam absque pasnagio omni tempore habeant centum de nostris dominicis porci.
De quibus omnibus cum donum ex more superaltare cum jamdicta uxore posuisset, hii de suis et nostris interfuere testes.
De suis hii, Bernerius de Turre, Gregorius filius ejus, Normannus filius Morvandi de Orvallibus, Salomon filius Camenuc.
De nostris isti, Ebrulfus cellararius, Michael Rufus, Mainardus hospitalarius, Berlaudus de Tristega, Otgerius carpentarius, Tetbaldus filius Leterii, Otgerius de Elemosina, Tetbaldus hospitalarius.
Jean de Aurelle
Odricus Batard
Abbé Albert
Barzeloine, femme d'Odricus Batard
Budic, leur enfant
Agnès, leur enfant
Orguen, leur enfant
Bernard de Cuillé
Ergerius, son fils
Normand d’Orvault
Orvan, son fils
Salomon
Camenuc, son fils
Ebrulfus, cellerier
Mainard, hospitalier
Orgerius, charpentier
Otgerius, aumonier
Michael Rufis
Berland de Criste
Thibaut, fils de Leter
Thibaud, hospitalier
Grand Monastère (= Abbaye de Marmoutier)
Castrum Celsum (=Champtoceaux)
Landemont
Traduction française, éléments de contexte : Jean-Luc Delalande, Amis du vieux Chateauceaux
La traduction a été effectuée selon le texte latin transcrit par Bourdeaut A, Les origines féodales de Chateauceaux, 1913, p. 278-279. Ecarts possibles avec la transcription de la base Telma
Résumé repris dans la rubrique En bref, transcription http://www.cn-telma.fr/originaux/charte3517/
Acte n°3517 dans Chartes originales antérieures à 1121 conservées en France , Cédric GIRAUD, Jean-Baptiste RENAULT et Benoît-Michel TOCK, éds., Nancy : Centre de Médiévistique Jean Schneider; éds électronique : Orléans : Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, 2010. (Telma)
Datation 1064 par étude diplomatique selon base Telma, sans précision sur l'origine de la datation,
Jean d’Aurelle était sans doute un vassal de Geoffroy de Castrum Celsum. Il a peut-être donné son nom à l'île d'Orelle actuelle (où existait aussi un prieuré : Saint Nicolas de Chapoin), sur la Varenne. Cette île abrite actuellement le « golf de l’île d’or ».
Que donne-t-il aux moines ?
En compagnie de sa femme, Barzeloine, de ses enfants : Budic, Agnès et Orguen, ils font don d'une métairie (borderie), au prieuré Saint Jean Baptiste. Cette petite ferme est située « quem dicunt Landam de Montibus sitam», donc à Landemont, « in pago Andegavensi » au pays des Angevins, à deux milles au midi de Castro Celso. On calcule donc en milles à l'époque et on se situe bien en Anjou.
Il aurait voulu donner une autre métairie mais en a été empêché un moment car elle était enclavée dans les terres d'Odéric Bastard. Cette notice condense donc deux moments de la donation. Cet obstacle levé, il en fait donation avec un droit de pacage pour 100 porcs dans les bois. Qu'est-ce qu'un droit de pacage ?
Le droit de pacage : droit de mener paître des animaux dans les prairies.
Le droit de panage : droit (pour les habitants, ici pour les moines) de faire pâturer des porcs en forêt pour y consommer les fruits des arbres (les glands). Source CNRTL
Une dîme = dixième. Les paysans devaient verser un dixième de leurs revenus à l’église. Mais, ici, c’est le seigneur qui est propriétaire de cette église. Il renonce à cette ressource pour en faire bénéficier les moines.
Vicaria : sous les Carolingiens, il s’agissait d’un ressort judiciaire, d’un territoire où s’exerçait la justice au niveau de plus près du peuple pour toutes sortes d’affaires locales. Le viguier exerçait cette fonction de juge. Par la suite, au début de la féodalité le sens a évolué ; il désigne à cette époque seigneuriale une propriété : « l’utilisation du mot vicaria est avant tour pratique, il sert à localiser un bien, à le situer géographiquement. » (1)
Qui signe ?
Les témoins répertoriés sont divisés en deux groupes : laïcs et religieux.
On trouve les noms d'inconnus : Bernerius de Cuille, son fils Eregorius; Normand d'Orvault (Orvallibus), habitant d'Orvault, donc en Bretagne. Salomon, fils de Camenuc. Ceci confirme les liens croisés Anjou-Bretagne dans cette seigneurie.
Ensuite , on trouve des moines signataires avec leurs fonctions : EBRULFUS, cellararius, MAINARD et TETBALDUSs, hospitalarius : ORGERIUS, carpentarius : charpentier, etc.
Qu'est-ce qu'un cellarrius ou cellerier? Il s'agit d'une fonction importante pour l'administration de la communauté car il s'occupe de la commande des denrées (un gestionnaire ou économe actuel). Il peut également être chargé de la gestion du personnel : hommes loués pour une tâche saisonnière, contrôler l'état des bâtiments.