Copie effectuée par Gaignières entre 1670 et 1715. BnF, fonds latin, 5441, vol3, fol 372 v° et 373 r°, en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9077003n/f200.item#
Normand, archidiacre de Nantes, restitue (après pression) aux aux évêques de Tours et de Nantes les églises de Castrum Celsum qu'il possède par héritage. Les évêques en font don aux moines de Marmoutier.
BnF, fonds latin, 5441, vol3, fol 372 v° et 373 r°
Datation 1144 (dans le texte)
Comme les hommes se perdent dans la courte durée et que les souvenirs de ceux-ci disparaissent, puisque confier toute chose ancienne à ses descendants, à l'aide des caractères des lettres et par les documents des chartes, pour le futur, est une précaution pour un homme avisé ; celles-ci font revivre et rendent actuel soit ce qui n'accède pas à la mémoire, soit ce qui est ignoré, et elles renouvellent l'ancien pour le présent et rendent présent le passé.
[c'est pourquoi] grâce à ces écrits moi, Hugues, par la volonté de Dieu archevêque de Tours, je veux faire savoir aux présents et transmettre à la mémoire des générations futures que Normand, archidiacre de l'église de Nantes, qui possédait les églises de Castrum Celsum par droit héréditaire, au péril de son âme, contre le droit canon et sous le coup d'une sanction ecclésiastique, a accepté, suite à nos admonestations et à quelques conseils, de les remettre entre nos mains et celles de notre vénérable frère Iter, évêque de Nantes. Il a les a laissées et y a renoncé librement.
Nous avons donné ces églises à Dieu et nous les avons concédées au du Grand Monastère du Bienheureux Martin, en présence de l'archidiacre, à sa demande et avec son accord bienveillant. Moi-même et l'évêque de Nantes susnommé avons investi Guaruin, abbé de ce lieu, des églises et de tout ce qui leur est attaché, offrandes, dîmes, sans retenue.
Cette remise entre nos mains et cette investiture à notre Grand Monastère ont été faites à Angers le cinquième jour des calendes de décembre, et confirmées à Tours au lendemain des octaves de l'Épiphanie. Nous l'avons confirmée par ce document, l'impression de notre main et la signature de notre sceau.
En l'année de l'Incarnation du Seigneur 1144 , Lucius II étant le pape du Saint Siège de Rome et de l'Église universelle , Louis, fils de Louis, Louis, fils de Louis, gouvernant le royaume des francs, Geffroy, fils de Foulques, roi de Jérusalem, dirigeant la Normandie, l'Anjou, le Maine et la Touraine, et Conan, duc de Bretagne citerioris (= petite Bretagne ou Bretagne inférieure, mineure)
Quoniam sicut ipsi homines in brevi, ita etiam dilabuntur et excidunt memoria facta eorum, antiquitatis est diligenti consideratione provisum omnia posteris profutura cartarumñ monimentis et litterarum apicibus commendare : quæ et præsentibus vel oblita ad memoriam revocent vel ignota notificent et futuris antiqua renovent et præterita repræsentent.
Hujus rei gratia, ego Hugo, Deo disponente, Turonorum archiepiscopus, per præsens scriptum præsentibus notum fieri volo et transmitti ad memoriam postérorum quod Normannus Nannetensis ecclesie archidiaconus, de ecclesiis Castri Celsi quas contra canonum decreta et ecclesiasticas sanctiones jure hœæreditario sub ordinis et anime sue periculo possidebat, admonitionibus nostris et consilio aliquando adquievit, et eas in manu nostra et venerabilis fratris nostri Iterii Nannetensis episcopi reddidit, dimisit et libere refutavit.
Nos autem easdem ecclesias Deo et beato Martino Majoris Monasterii donavimus atque concessimus et prefato archidiacono presente, petente et benignissime concedente, Guarnerium ipsius loci abbatem tam de illis quam de omnibus in oblationibus, decimis, primitiis seu quibuslibet aliis ad easdem pertinentibus, sine ulla: prorsus retentionis conditione, ego et prænominatus Nannetensis pontifex investivimus.
Factaest autem hϾc ejus in manu nostra dimissio et nostra Majori Monasterio investitio apud Andegavis, quinto kalendas Decembris, et nos in crastino octabarum sequentis Epiphanie, apud Turonus, per presentem paginam et sigilli nostri impressionem et proprie manus subscriptionem eam firmavimus,
Anno incarnationis Dominice MCXLIV, Lucio papa II sanctæ Sedi Romane et universali Ecclesie presidente ; Ludovico, filis Ludovici regni Gallorum gubernacula moderante ; Gaufrido, filio Fulconis Iherosolymorum regis, Normannis Andegavensibus, Cenomanicis et Turonensibus dominante ; et Conano citerioris Britannie duce
Hugues (Hugo) : Archevêque de Tours
Normand (Normannus) : Archidiacre de l’église de Nantes
Iter (Iterius) : Évêque de Nantes
Guaruin (Guarnerius) : Abbé du Grand Monastère
pour la datation
Lucius II : Pape
Louis: Roi des Francs, fils de Louis
Geoffroy Plantagenêt : Fils de Foulques
Conan : Duc de Bretagne
Tours : Siège de l’archevêché de Hugo
Nantes : Siège de l’archidiaconat de Normand et de l’évêché d’Iter
Champtoceaux (Castrum Celsum, Chateauceaux)
Grand Monastère de Saint Martin (Marmoutier)
Rome : Siège du Saint-Siège et de l’Église universelle
Royaume des Francs : Gouverné par Louis VII
Normandie, Anjou, Maine, Touraine : Régions dominées par Geoffroy Plantagenêt
Bretagne
Traduction française : J.-L. Delalande, Amis du vieux Châteauceaux
Texte latin : Bourdeaut,1913, p 301-302
Pour l'original, trois cotes données par Bourdeault en 1913 :
Bibl. Nat. fonds latin 5444, vol. 3, fol. 372 vo et 3738 r° - la cote corrigée est en fait BnF latin 5441. Il s'agit des copies de Gaignière fin XVIIe-début XVIIIe. Copies partielles, sans les motivations. vue 200 / 273 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90784233/f99.item.zoom
Cartulaire de Marmoutier. MARCHEGAY. Archives d’ Anjou, t. II. p. 73. - en fait page 69 dans la version numérisée sur Gallica : lien https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5818070b. Il s'agit d'une édition imprimée du milieu du XIXè siècle. Version avec les motivations.
La référence indiquée par Marchegay est : D. Martène, IIe part., vol 11, n°98 (ce dernier n° peu lisible). Qui est elle même BnF latin 12880 : Histoire de Marmoutier, par D. Martène, avec les preuves. XVIIe siècle. Sur Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9078422p/f1.item.zoom (manuscrit, 310 pages) ou Latin 12879 (manuscrit, 423 pages) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90784233/f1.item.zoom ; publication par C.Chevalier dans Mémoires de la société archéologique de Touraine (1874); imprimé. Nous n'avons pas recherché la page exacte
3. Dom Morice. Preuves I, col. 590. - numérisé sur Gallica, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1041641k vue 361 / 979. Ils s'agit d'une édition imprimée du milieu du XVIIIè siècle. La référence indiquée est juste : Tit. de Marmoutiers (sic). Il s'agit d'une copie partielle (sans l'exposé des motivations)
Cette notice souligne à quel point la réforme grégorienne a été difficile à accepter, non seulement par les seigneurs possesseurs des églises et de leurs revenus, mais aussi par les ecclésiastiques tels que Normand qui était « archidiacre »
Archidiacre
il recevait délégation de l’évêque pour les visites d’inspection dans les paroisses qui donnaient lieu à des procès-verbaux mentionnant les dysfonctionnements locaux.
C’était une fonction très élevée dans la hiérarchie du diocèse de Nantes, puisque son archidiaconé regroupait plusieurs doyennés, eux-mêmes regroupant plusieurs paroisses.
Les archidiacres étaient les principaux acteurs de l’administration du diocèse et ils devaient appliquer les « canons », c’est à dire les décrets fixant les règles concernant la discipline ecclésiastique. Le pape Lucius II exigeait que les revenus des églises soient versés au clergé de la paroisse, et que les églises ne soient plus en quelque sorte des propriétés privées.
Récit
Voici comment Dom Martène, moine et historien du XVIIè - XVIII-siècle, relate cet événement :
« Dans ce temps-là, Normand, archidiacre de Nantes, possédant par droit d’héritage, les églises de Châteauceaux contre les sacrés canons et les plus pures règles ecclésiastiques. Hugues, archevêque de Tours, par ses avertissements salutaires, lui fit ouvrir les yeux sur l’état pitoyable de son âme, et ayant reconnu le danger ou plutôt l’abîme où il s’était précipité, il pria ce saint prélat de l’en retirer et pour le faire plus efficacement il remit entre ses mains et celles d’Iterius, son évêque, ces églises et tout ce qu’il y possédait, tant en oblations, dîmes, prémices qu’en toute autre chose, sans s’en rien réserver ; et aussitôt Hugues et Iterius les donnèrent aux religieux de Marmoutier et en investirent l’abbé Garnier à Angers le 28 de novembre.
Ensuite, de quoi, l’archevêque étant à Tours, confirma cette donation le 14 de janvier 1144 sous le pontificat du pape Luce ; Engelbaud qui succéda à Hugues, et Eugène III, qui succéda à Luce dans le souverain pontificat, la confirmèrent aussi. »
Le calcul des mois de l'année en calendrier julien
Les chrétiens du Moyen Âge utilisaient le calendrier de la Rome antique, appelé le calendrier julien. Voici quelques explications sur ce calendrier « Julien », qui depuis Jules César (54 av-J.C.), est la base du calcul de l’année.
L’année commence le 25 mars . Elle comporte 365 jours un quart, ce qui représente le nombre de jours nécessaires au soleil pour se retrouver à la même position dans le ciel de midi, l’année suivante.
La méthode comptage ne nous est pas familière car elle consiste à se baser sur trois jours fixes dans un mois : calendes, nones et ides. Ces trois jours fixes sont prépositionnés ainsi :
premier jour du mois : calende
5e jour :, none, pour les mois de janvier, février, avril, juin, août, septembre novembre, décembre .
7e jour : none, pour les mois de mars, mai, juillet et octobre
13e jour : ide, pour les mois de janvier, février, avril, juin, août, septembre novembre et
15e jour : ide pour les mois de mars, mai, juillet et octobre.
On comptait à l’envers en quantièmes, en remontant à partir du jour des nones ou du jour des ides, ou du jour des calendes du mois suivant.
Ce calendrier sera abandonné par Grégoire XIII, après le concile de Trente. Le roi Henri III officialisera le calendrier grégorien, le 9 décembre 1582.
Autres repères de temps
On trouve aussi, dans les chartes, deux autres manières de se référer au temps :
en fonction de Jésus-Christ : « Pendant les sept premiers siècles, l’usage n’était pas encore établi dans les Gaules de compter par les années de J.-C ; les auteurs marquaient seulement les années des règnes. On concilie aisément les années de J.-C. avec le commencement de chaque règne ; mais il est très difficile de faire cadrer au juste les années de l’Incarnation avec les faits rapportés sous les années des règnes.
En voici la raison : un roi, par exemple aura commencé à régner au mois de juillet ; la première année de ce règne courra jusqu’au mois de juillet de l’année suivante ; ainsi un fait raconté sous la première année de ce roi pourra être rapporté à deux années de J.-C.... On ne peut donc ajuster sûrement les années de règne.. »
en fonction du jour du mois du début du règne d’un roi, que l’on trouvait dans la formule suivante « le xième jour du (mois) de la première année du règne du roi.... ».